𝐋𝐞 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞𝐬 𝐑𝐨𝐬𝐞𝐬 | TOME 3

Chapitre 46

À chaque pas que je fais, j'ai l'impression que mon cœur bat un peu plus vite dans ma poitrine. Erkel me suit à la trace derrière tandis que Rewind creuse la distance entre nous tous. Il court à une vitesse fulgurante pour rattraper Eileen et Bianca. Derrière nous, des soldats nous suivent mais ils appartiennent à Ecclosia et Imir. Ils ne sont qu'une poignée, ils ne feront pas le poids contre nos ennemis de Kelinthos. En jetant un coup d'œil derrière moi, je remarque que Torin nous a suivi et son visage reste parfaitement stoïque.

Bientôt, nous atteignons la plage. Un énorme navire est prêt à partir et c'est lorsque je vois Ander et Rewind armés rejoindre le ponton que je comprends leurs agissements : ils comptent récupérer le bateau quoiqu'il arrive. Erkel me dépasse de quelques mètres et se retourne une fois arrivés à destination. Dans mon dos, les soldats d'Ecclosia et d'Imir se battent contre la horde de soldats de Kelinthos. Et derrière ces poignées d'hommes se dressent quatre silhouettes, quatre figures de guerriers.

Bon Dieu...

Erkel glisse sa main dans la mienne pour me tirer vers le navire.

— Nous devons partir d'ici au plus vite, viens.

Je l'ignore. Mes yeux restent fixés sur Crâne Rasé et Balafré qui coupent des têtes comme s'ils avaient fait ça toute leur vie. La femme, elle, se bat aussi et est d'une agilité surprenante. Elle pourrait être meilleure que moi. Sans doute l'est-elle, peut-être ? Non. Règle numéro six-cent-deux : ne jamais douter de soi et de ses performances.

Alors je rejoins Erkel et ensemble, nous montons dans le navire. J'ai conscience que ces soldats ne s'en sortiront pas vivants, qu'ils tentent juste de nous faire gagner du temps afin que nous puissions partir, et le savoir me rend... triste, d'une certaine manière. Des bruits d'épées retentissent dans mon dos. Je fais volte-face pour comprendre le raffut à l'avant du bateau et esquisse une grimace quand je vois Rewind jeter un corps par-dessus bord. Ander l'imite quelques secondes plus tard et quand le premier voit les yeux effarés de Bianca posés sur lui, il bougonne.

— Quoi ? Je leur ai gentiment demandés de nous amener à Meridia mais ils ont commencé à hurler comme des vipères.

Je souffle tandis qu'Ander monte à l'avant, ses mains posées sur le gouvernail. Au bout de quelques minutes, nous quittons la terre et mes yeux se perdent un court instant au loin. Malgré les récents événements, Kelinthos aura été une toute nouvelle découverte pour moi et aura accueillie mes sentiments envers Erkel.

Retourner à Meridia, c'est retourner à mes objectifs, à ma vie monotone. Retourner à Meridia, c'est revoir les paysages sinistres, les décors lugubres et tout ce qui a fait celle que je suis aujourd'hui. J'ignore quoi penser. Je suis terrifiée de me dire qu'en arrivant là-bas, les choses seront complètement différentes. J'ai peur de douter de mes sentiments, ou bien qu'Erkel me repousse. J'ignore si notre relation est vouée à devenir quelque chose de sincère. Sommes-nous vraiment faits l'un pour l'autre ?

Si Kelinthos était l'euphorie du moment, la découverte des sentiments, Meridia est un brusque retour à la réalité.

— Tu devrais aller te reposer, m'intime Erkel. Nous venons tout juste d'entrer en guerre, les choses vont se corser à présent.

Je hoche la tête. D'ordinaire, j'aurais protesté mais je suis épuisée. Me battre contre ces soldats, le flot de sentiments qui m'envahit en présence d'Erkel... J'ai besoin de me retrouver avec moi-même, pour au moins une dernière fois. Avant que les choses ne soient plus jamais pareilles.

• • •

Une douce odeur parvient jusqu'à mes narines lorsque j'ouvre peu à peu les paupières. Je sens que des doigts effleurent mon visage et cette caresse ne me dérange pas. Quand je me réveille enfin, il fait jour. Et le navire ne tangue plus. Mes yeux croisent ceux d'Erkel penché sur moi qui m'offre un sourire sincère.