Chapitre 52

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Le cadavre de Torin git au sol pendant que Roy et Serra nous tire jusqu'au haut de la plage comme des vulgaires sacs à patates. Les mains et pieds enchaînés, Serra me fait traîner au sol en ricanant. Derrière elle, Yani demeure silencieux. J'oubliais que sa bouche était cousue. Son visage est horrifiant. Il a un air indifférent comme si toute cette situation l'intéressait peu.

Nous assistons donc à un massacre. Les soldats de Meridia se font assassiner sous nos yeux. Bientôt, il n'en reste plus qu'une dizaine. Le soleil pointe bas dans le ciel : il doit être au moins cinq heures de l'après-midi. Personne ne viendra nous secourir.

— J'ai envoyé mes hommes à la mort.

Ses mots sont si bas que je dois tendre l'oreille pour l'entendre. Je tourne la tête vers lui. Ses yeux sont dans le vague, il semble déconnecté de la réalité. En réalité, je le vois fixer le cadavre de Torin au bord de la mer. Je lis la douleur dans son regard et cela me peine.

Nous devons trouver un moyen de nous enfuir. J'ignore ce que les quatre nous feront mais je n'imagine pas du bien. Ils doivent sûrement attendre qu'Areena et Maverick se déplacent en personne. Bientôt, les derniers soldats se font tuer sous nos yeux. Erkel est impénétrable et pourtant, je sens à quel point il s'en veut de cette situation.

— Tu ne les as pas envoyés à la mort. Ils se sont battus pour défendre Meridia, ils sont morts en héros.

— Non, ils sont morts en martyr. Regarde devant toi ! Nous avons perdu.

— Nous n'avons pas perdu, grogné-je. C'est sûr que si tu comptes rester là, les bras ballants à attendre ton sort, ce n'est pas mon cas.

Mon ton est sec. Je me redresse vivement, jette un coup d'œil autour de moi. J'ai le choix entre ramper ou... ramper. Soudain, une brillante idée me vient à l'esprit. Je me mets à glisser contre le sol comme un ver de terre et Erkel ose enfin poser les yeux sur moi.

— Qu'est-ce que tu fais ?

— Je te fais parler, rétorqué-je. Et ça fonctionne plutôt bien.

Il hausse un sourcil et cela me redonne espoir. Au moins, il n'est plus là à fixer le cadavre de Torin comme un chiot abattu. J'ai conscience que sa mort l'affecte, mais nous devons nous remuer si nous ne voulons pas subir le même sort. Alors pour le moment, je le laisse se morfondre. Mais bientôt, j'aurais besoin de lui.

J'atteins un rocher. Les quatre démons sont toujours occupés à torturer des soldats alors j'en profite pour me relever sur les genoux. Je tends les bras en arrière, trouve un coin assez pointu du rocher pour pouvoir couper mes lianes. Je dois utiliser toute la force qui me reste pour parvenir à desserrer mes cordages. Et bientôt, c'est la victoire. Mes mains sont libres, je m'occupe de défaire les liens de mes pieds.

Erkel, derrière moi, est bouche bée. Il me fixe comme s'il n'en croyait pas ses yeux. Je vais pour m'approcher de lui quand des cris résonnent au loin. Et merde. Serra et Demet foncent vers moi.

— Enfuis-toi, More ! hurle Erkel.

J'hésite. Cette hésitation peut m'être fatale. Soit je tente de le détacher, au risque que nous finissions tous les deux pris, soit je prends mes jambes à mon cou. Deux possibilités. Un choix à faire.

Je me rue vers lui, tire sur ses cordages aux pieds. Une fois défaits, je le tire vers moi pour que nous nous mettions à courir mais avec les mains attachées, ce n'est pas facile. Une douleur sourde me saisit à la nuque lorsque je réalise que Serra me tire les cheveux en arrière.

Je gémis en lâchant Erkel quo retombe au sol. Demet s'approche de moi, impitoyable. Ses yeux d'un bleu si clair, presque blanc, me fusillent sur place.

𝐋𝐞 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞𝐬 𝐑𝐨𝐬𝐞𝐬 | TOME 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant