— Autrefois, le Jeu des Roses était un tournoi amical. Deux ans auparavant, les épreuves étaient encore d'une nullité aberrante. Des courses de chevaux, des tests de culture générale, du tir à l'arc... Bref, le but étant de maintenir la paix entre tout ce beau monde. Il n'était même pas obligatoire mais comme un rituel chaque année pour célébrer la paix acquise au fil des siècles. Un peu comme un évènement à ne pas rater pour toutes les nations.
Nous avons fini de manger notre repas aussi délicieux que copieux. Sa Majesté lève son verre de vin pour le terminer. Je me tiens droite comme un I sur mon siège. Les fenêtres ont été ouvertes sur ordre de sa suprématie par un domestique qui nous a apporté les desserts –marmelade sur une tarte– que je n'ai pas touché. Nous avons mangé dans un silence de plomb alors qu'il m'a demandé mon prénom un nombre incalculable de fois. Et je n'ai jamais répondu.
— Et bien sûr, vous n'avez pas fait don de votre merveilleuse présence les années précédentes.
— J'avais mes raisons qui ne te regardent pas.
Je le vois se lever, s'avancer vers moi. J'aurais pu tenter de le tuer à de nombreuses reprises mais étonnamment, je ne l'ai pas fait. C'est étrange mais je lui laisse le bénéfice du doute. J'ai beau le haïr, il n'en demeure pas moins que je crois à ses histoires. Sans doute suis-je trop naïve, je l'ai toujours été dans le fond. Peut-être que finalement, il y a plus important que mes envies de représailles.
Il me tend sa main. Une main que je dévisage. Je pourrais la lui tordre. Lui briser le poignet. Je l'ai fait des centaines de fois. J'ai déchiqueté des cœurs de mes doigts. Je glisse ma main dans la sienne comme une imbécile le ferait.
— Allons nous promener.
Je pourrais lui dire non, lui couper les doigts et glisser les miens dans ses yeux. J'imagine un millier de scénarios qui ne se réaliseront jamais. C'est la première fois depuis des années que je choisis de ne pas tuer. Avant, je n'hésitais jamais. J'étais rapide, efficace, sans prise de tête. Aujourd'hui, les enjeux sont différents.
Nous sortons de la salle à manger, où j'ai l'impression d'avoir passé des heures pour sortir dans le jardin. Il fait complètement nuit et le vent viens fouetter mes cheveux, faisant frissonner ma peau. Je jurerais que Sa Majesté l'a remarqué mais il ne dit rien. Au contraire, il avance alors que je lui demande :
— Depuis combien de temps êtes-vous roi ?
La réponse semble être une évidence lorsqu'il déclare :
— Depuis que mon père est mort.
— Depuis que vous l'avez assassiné, vous voulez dire ?
Un éclair fugace passe dans son regard et il me fusille sur place.
— Ce ne sont pas tes affaires. Mentionne encore une seule fois ma famille et je te fais brûler sur la place publique.
— La vérité est dure à encaisser, je vous l'accorde.
Ses mâchoires se serrent. À tout moment, il envoie valser son poing dans mon figure. Sa Majesté est connue pour avoir tué toute sa famille : parents, et fratrie y compris. Personne ne sait ce qu'il s'est réellement passé ce soir-là, mais il n'a jamais nié les meurtres. Cela doit bien faire trois ans qu'ils sont morts, donc trois ans qu'il règne.
— Je n'ai pas terminé mon histoire, reprend-il.
— Allez-y, endormez-moi.
Un sourire moqueur se dessine sur mes lèvres et il ne relève pas ma pique. Dommage. Nous empruntons un petit chemin sur le côté du jardin qui mène directement à la véranda. Bientôt, il ouvre la porte pour me faire entrer. J'étoufferai presque sous la chaleur qui se dégage de la pièce. Les verres transparents laissent tout le plaisir aux gardes pour nous voir : je ne pourrais donc pas tenter de le tuer. Je me laisse aller à la contemplation de ses géranium alors qu'il poursuit :
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𝐋𝐞 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞𝐬 𝐑𝐨𝐬𝐞𝐬 | TOME 3
Romance« Ma grand-mère était une assassin. Ma mère, une voleuse. J'ai sûrement hérité des deux puisqu'en ce moment même, je suis emprisonnée à Meridia pour tentative de meurtre. » Morgan Healthyer, a à peine dix-huit ans lorsqu'elle tente d'assassiner le r...