Chapitre 22

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À califourchon sur ce monstre, je tente de plonger sa tête dans l'eau et c'est réussi. Mes mains appuient sur son cou de toute la force que je possède et le visage de mon fiancé se retrouve gorgé d'eau. Je le vois se débattre et remonter à la surface. La rage au ventre, le sang pulsant dans mes veines dans une colère noire, celle de ne pas parvenir à mes fins, je saisis une pierre dans la fontaine. N'importe laquelle suffira.

Je la brandis comme pseudo-arme au cou d'Erkel qui revient à lui, à peine essoufflé. Son visage n'est qu'à quelques centimètres du mien lorsqu'il lâche d'une voix suave :

— Était-ce là une tentative de meurtre, joli cœur ?

— Je vais vous tuer. Je vais vous tuer, je vous le jure !

Mais ma pierre reste inutile contre son cou. Et pourtant, j'ai tué des hommes avec moins que cela. Mais je n'y arrive pas, ma main reste bloquée incapable de bouger.

— Beaucoup de mots pour peu d'actes, au final. Je suis déçu de toi, faucon.

— Vous vous êtes montré odieux avec moi ce matin et vous venez de me pousser dans une fontaine. Je suis bien généreuse de ne pas vous tuer pour le moment.

Il se relève un peu, saisit la pierre dans mes mains avant de la lâcher dans l'eau. Puis il lève le bras et ses doigts viennent dégager mes cheveux de mon front. Je suis tétanisée. J'ignorais que mon cœur était capable de battre si vite. Si fort. Cela ne s'arrête pas. Son pouce descend sur ma joue et il m'examine attentivement. J'ai l'impression de fondre sous son regard, que chaque morceau de ma peau va finir carboniser par toute l'attention qu'il m'accorde.

En trois ans de cavale, je n'ai jamais été autant regardée de toute ma vie. C'est pire qu'une simple œillade, il me contemple comme si j'étais une sorte d'œuvre d'art à comprendre. Je ne suis rien de tout ça, et il est simplement en train de me manipuler. Il a été plus que sincère avec moi ce matin.

— Petit faucon croit tout ce qu'on lui dit... chuchote-t-il en s'approchant encore plus. Dans ta formation d'apprenti assassin, on ne t'a pas appris à te méfier de ce que l'on pouvait te dire ?

— Quelle formation apprenti assassin ? ricané-je.

— Qui t'a appris à tuer ?

— Personne, j'ai appris seule.

Il se lève et sort de la fontaine d'un geste nonchalant. Il dégouline d'eau et il a l'air de s'en ficher.

Il me tend la main, une main que je ne saisis même pas lorsque je le rejoins. Il me surplombe de toute sa hauteur alors qu'il répond :

— On n'apprend pas à tuer du jour au lendemain.

— Pourquoi vous parlerais-je de ma vie ?

— Je veux en savoir plus sur celle qui a tenté de m'assassiner à de nombreuses reprises. Tu es un mystère, More, que je finirai bien par percer un jour.

— Bien sûr, continuez de rêver surtout.

Je me détourne de lui et vais pour le dépasser lorsque mon attention se reporte sur une silhouette au loin. Cachée derrière les arbustes du jardin, une corde se tend. Un homme que je ne connais pas tient fermement un arc en main, prêt à nous tirer dessus. Et il va le faire.

Le temps s'arrête. Ma respiration se bloque et les secondes défilent à une lenteur inexorable. Arrêt sur image. La flèche est pointée vers nous. J'ignore qui est cet homme qui nous vise mais mon instinct prend le dessus.

Le monde repart. Les oiseaux s'envolent dans le ciel alors que des rires bourgeois raisonnent au loin. Le clapotis de l'eau de la fontaine, le bruit des pas d'Erkel sur le sol. L'homme bande sa corde. Et tire. Sans une hésitation.

𝐋𝐞 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞𝐬 𝐑𝐨𝐬𝐞𝐬 | TOME 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant