Chapitre 13

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Une fois vêtue de ces ridicules accoutrements, je sors de la cabine et me dirige tout droit à l'avant du bateau, ignorant les regards de Torin et de Sa Majesté posés sur moi. Leur tournant le dos, je laisse mes yeux aller sur les vagues, dévisageant le mouvement de l'eau, aussi bleutée que le ciel au-dessus de nos têtes. Au loin, j'arrive à apercevoir les côtes de Kelinthos et mon cœur se met soudainement à battre plus vite. L'excitation, la peur mélangée à une envie de renouveau. Un renouveau offert par un homme que je déteste.

Je me mets à imaginer Kelinthos. Son peuple. Portent-ils des longues robes sombres comme à Meridia ? Leurs paysages sont-ils aussi funestes et tristes que sur mes terres ? Les gens sont-ils aussi méprisables ? J'imagine tout et un tas de scénarios. Je ne suis pas là-bas pour me faire des amis. La reine de leur pays a été assassiné, je dois garder ça en tête. Cette nation est dominée par deux jumeaux aussi fous qu'exécrables selon sa suprématie. Mais qui me dit que ce n'est pas Erkel lui-même qui pourrait être le méchant dans cette histoire ?

Lorsqu'une présence se fait sentir derrière moi, je me retourne. Ils tombent à pic ! Torin me fait face, arrangeant son armure, suivi de près par Sa Majesté.

— Qu'est-ce que Kelinthos a de si spécial ?

— Tu le verras de tes propres yeux, me répond le roi. Prépare-toi à être aimable, faucon. Pas de fourberies, le jeu commence une fois le pied posé sur ces terres maudites. Porte un masque si tu veux mais aie l'air crédible. Nous sommes fiancés et fous amoureux l'un de l'autre, peu importe ce que les gens disent. Compris ?

Je hoche la tête et surprends Torin en train de fixer l'horizon d'un air déterminé. Je dois me fondre dans un rôle d'actrice, raide dingue de sa suprématie.

— Quel nom veux-tu te donner ? reprend Sa Majesté.

— More. Je peux garder mon nom.

— Il est encore temps pour me donner ton nom complet, réplique-t-il.

Mon regard noir suffit à le faire lever les yeux au ciel. Il a perdu d'avance, il ne le saura que très bientôt. En posant les pieds sur Kelinthos, il ne nous prépare pas seulement à un jeu d'échecs. Il se condamne aussi à une mort certaine.

— More comment ?

Je sais qu'en lui donnant mon vrai nom de famille, il remontera directement jusqu'à mon prénom. Mais premièrement, il n'est pas chez lui, et donc ne peut pas récolter d'informations. Il l'apprendrait au plus en rentrant à Meridia mais il ne rentrera jamais.

— Healthyier. More Healthyier.

— Bien. Tu te nommes More Healthyier et tu viens d'une noble famille, pas royale cependant. Tu sais te comporter correctement, choisir quel couvert pour quel moment du repas. Pas de coudes sur la table, des sourires polis à longueur de journée. Kelinthos a beau être notre ennemi, il n'en demeure pas moins que là-bas, tout ne sera qu'un jeu d'illusions. Ne fais confiance à personne et reste près de moi.

— Je ne suis pas une enfant ! soupiré-je.

— Alors pourquoi agissez-vous comme telle ? intervient Torin en se tournant vers moi.

Si jusqu'ici il semblait perdu dans sa contemplation du monde, il n'a pas loupé une miette de notre conversation.

— Pourquoi n'y a-t-il pas de soldats ? l'ignoré-je. Il n'y a que ce fichu capitaine, mais où est donc l'armée de Meridia ?

Torin répond à la place de Sa Majesté :

— Je ne suis pas seulement le capitaine, je suis le protecteur de Sa Majesté, son plus fidèle sujet. De plus, nous ne sommes pas encore en guerre. Il a toujours été stipulé que pour le Jeu des Roses, aucune armée ne devait souiller les terres de l'accueillant depuis que ce tournoi vise à protéger la paix.

𝐋𝐞 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞𝐬 𝐑𝐨𝐬𝐞𝐬 | TOME 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant