Chapitre 1

2K 196 52
                                    


PARTIE UNE




"Prends gɑrde ɑ̀ ne pɑs te perdre toi-même en étreignɑnt des ombres."

Esope





















_____________

Barentown est une ville peu agréable à regarder et très brouillon. À peine ai-je passé les portes de la cité que je m'arrête. Celle-ci est délimitée par des grosses barrières grisées aux dents pointues, sûrement destinées à éloigner les visiteurs imprudents. Le sol est dallé, en pierres et il suffit de faire quelques pas pour se rendre compte que l'avenue centrale se trouve juste devant moi. La ville est désordonnée dans le sens où les maisons sont à peines droites. Collées les une aux autres le long des allées, la plupart des fenêtres sont closes mais certaines personnes -des hommes pour la plupart- remontent la route. Quelques uns sont chics et portent des chapeaux hauts assortis à leur cravate et costume, une femme à leur bras, tout aussi élégante que leur époux. J'ai comme l'impression que ces gens-là se rendent à une fête. Ou bien à une soirée mondaine, qui sait ?

Mes yeux se promènent sur tout ce beau monde et je finis moi-même par avancer. Je fais tache dans ce décor aussi sinistre que prestigieux. Ma capuche relevée sur ma tête, puisque une affiche de ma tête est placardée à tous les coins de rue, je remonte l'avenue. Il faut dire que cela fait bien trois ans que ces maudits soldats de Meridia me cherchent et qu'ils ne m'ont pas encore trouvée. La semaine dernière encore, j'ai tué une dizaine d'hommes dans un bar qui tentaient de m'attraper. Puisque je suis incapable à trouver et à capturer, une rançon a été mise à mon nom par sa suprématie. Une grosse somme d'argent ainsi qu'un domaine dans une forêt non loin d'ici. Je suis passée devant pour me rendre à Barentown et je brûlais d'envie de cramer la demeure. J'ai dû prendre sur moi pour retenir mes pulsions incendiaires.

Quoiqu'il en soit, en empruntant les petites rues de la ville, je me rends compte qu'effectivement, mon visage est accroché aux murs comme un acte désespéré. La question à se poser est : mais pourquoi Morgan Healthyer irait tuer autant d'hommes, dont la plupart sont sûrement pères de famille, époux et fils honorables ? Eh bien, pour la simple raison que si ce n'est pas moi qui les tue, ils me tueront avant même que j'ai pu réciter mes prières. Le problème avec la gente masculine est qu'ils se croient souvent tout permis. Et que lorsque de l'argent est en jeu, ils n'hésiteraient pas une seule seconde à me dépouiller de ma dignité avant de m'envoyer au roi. Si ce n'est pas eux, c'est moi. Je suis égoïste et j'ai décidé de l'être jusqu'au bout.

Je grimace en me rendant compte que ma chevelure a été modifié sur ces portraits. Fut un temps où je portais des perruques pour rester cachée dans le bas monde -j'ai fini par abandonner l'idée, c'était plus une contrainte qu'autre chose-, si bien que tout le petit peuple croyait que j'étais brune. Alors que, bien au contraire, j'ai hérité de la chevelure rouge flamboyante de ma mère et celle-ci risque de me porter préjudice aujourd'hui. Si je veux rester discrète une fois introduite au château, j'ai intérêt à la dissimuler, d'une quelconque manière.

Je pousse un soupir en las en tournant à une intersection. Le chemin m'amène jusqu'à une taverne, plutôt mal placée puisqu'elle est complètement isolée du reste de la cité. Je m'avance, prudente et scrute les quelques personnes regroupées à l'entrée. Que des hommes. Je franchis la distance entre moi et la porte et m'apprête à entrer lorsqu'une main se referme sur mon poignet. Je lève la tête pour croiser le regard d'un ivrogne. La peau rougie par l'alcool, ses yeux sont vitreux, sa bedaine énorme.

𝐋𝐞 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞𝐬 𝐑𝐨𝐬𝐞𝐬 | TOME 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant