Les peurs

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Je demeurais silencieuse le reste de la journée. Il faut dire que "Clint" qui se chargeait de me distraire n'était pas très causant... Je savais qu'il était présent, je sentais son odeur dans la pièce et son regard sur moi.

Je poussais un profond soupir, la tête tournée à l'opposé de la porte. Cette dernière finit par s'ouvrir, Clint se leva d'un bond.

- Toc toc...

Une voix féminine venait tinter à mes oreilles, une que je n'avais pas encore entendu. Je tournais le visage vers la voix et laissais tomber ma tête sur le côté.

- Bonsoir ? Lança la voix. Je m'appelle Jessica. Je suis votre infirmière.

- C'est le moment où je vous laisse entre femmes. Souffla Clint en sortant. Je repasserais un peu plus tard.

Je levais les yeux au ciel sous le bandage et soupirais.

- Alors, Madame Smith... Reprit la voix tandis que la porte se refermait.

- Appelez-moi Éléa, s'il vous plaît.

- Bien ! Éléa, avez-vous eu envie de faire vos besoins ?

- Non.

- Hm. C'est problématique ça. Je vais devoir examiner votre ventre. Ainsi que le bandage sur votre poitrine et celui sur vos yeux également.

- D'accord. Que dois-je faire ?

- Vous détendre, seulement vous détendre.

- Avant que vous ne commenciez... rassurez-moi en me disant que nous sommes réellement seules et que personne ne peut voir à travers des fenêtres, s'il vous plaît. Je suis extrêmement pudique.

Je sentis des mouvements dans l'air, comme si la femme chassait des papillons ou des mouches. Elle s'approcha ensuite du lit et appuya sur un bouton qui ferma des stores, en tout cas ça en avait le bruit.

- Je suppose qu'ils étaient derrière des vitres, vu le brassement d'air que vous avez du faire. Maugréais-je doucement.

- Comment le savez-vous ?

- Je l'ai senti. Marmonnais-je en faisant la moue. Pouvons-nous faire vite, s'il vous plaît ?

- Avez-vous faim ?

Je secouais la tête doucement.

- Soif peut-être ?

A nouveau la négation.

- Comptez-vous poser problème pour manger ou boire ?

- Posez-moi une perfusion, je m'en accomoderais. Répliquais-je doucement.

"Jessica" soupira et s'approcha du lit. J'entendais ses pas avancer.

- Écoutez, Éléa. Je ne peux pas vous dire que je comprends ce que vous ressentez. Je ne suis pas à votre place, je n'ai pas autant souffert que vous souffrez actuellement. Mais mon travail consiste à atténuer la douleur, à vous soulager, physiquement et peut-être emotionnellement si vous en ressentez le besoin. Alors s'il vous plaît... Parlez. Dites-moi où vous avez mal. Dites-moi ce que vous voulez.

- Ce que je veux ?

- Oui.

- Très bien. J'ai su que cette journée serait différente dès mon réveil. J'ai eu un pressentiment, un mal au creux du ventre que je n'expliquais pas. J'ai même fait brûler une fournée de croissants. Ça a continué avec un homme qui visiblement avait perdu l'usage de sa langue. Ensuite une bande de cosplayeurs est passé devant ma boutique et pour finir, un dieu a voulu me faire la causette à moi, la femme la plus invisible, la plus transparente et la plus ennuyeuse de la galaxie et de l'Univers. Ça s'est terminé par une explosion qui a soufflé la seule chose qu'il me restait. Je suis physiquement détruite et emotionnellement ce n'est pas mieux. Ma boutique a été détruite, je suis en sursis grâce à un réacteur ARK implanté par je-ne-sais-qui dans ma poitrine. Ce qui sous-entend que quelqu'un m'a vu nue en plus. J'ai perdu mes yeux et j'ignore si je reverrais un jour. Je ne peux donc plus faire ce que j'aime faire et j'ignore si je pourrais le refaire un jour. Je ne sais pas où je suis, un homme que je ne connais pas a passé la journée à me scruter en prononçant le moins de mots possible, sauf pour m'expliquer ce qui m'était arrivé et un dieu de plus de 1500 ans m'a fait une transfusion de sang avec le sien, ce qui pourrait, on ne sait pas hein, modifier mon ADN. Je n'ai pas envie de me transformer en SpiderWoman, ni en SuperSoldat, ni encore en une quelconque personne dotée de pouvoirs. J'éprouve un profond respect pour les Avengers, je respecte leur travail et je trouve ça très bien même magnifiquement bien qu'il y ait des personnes comme eux qui veillent sur les petits-gens comme moi. Mais là, pardonnez-moi, Jessica, ça fait beaucoup. Beaucoup trop pour une jeune femme insignifiante comme moi.

De l'autre côté du comptoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant