Amour inattendu

20

   Le serrurier changea les serrures de l'entreprise. Puis Kids prit sa moto et, Olivia accroché à lui, il accompagna l'artisan sur tout les points de vente. La journée se termina avec la boutique située en dessous de l'appartement d'Olivia.

   - Il serait plus sage que tu avertisses ta grand-mère de ce qui s'est passer, dit Kids. Au cas où ce type irait trouver Alex pour lui raconter un tas de mensonges.
   - Oh non, ça le tuerait ! Quand je pense que monsieur Kouame se comportait comme un fils et s'occupait de tout. C'est moi qui aurait dû faire ça pour eux.
   - Tu n'as rien fait de mal. Tu ne dois pas t'en vouloir.
   - Maïs si j'avais été là...
   - Emmanuel a dit qu'il était présent quand ton père est mort. Tu n'avais que six ans. Tu ne pouvais pas reprendre l'entreprise à cet âge, la raisonna-t-il doucement.
   - Tu as raison. Quand il dit avoir « mérité » cet argent qu'il volait, ça me rend folle ! Pourquoi le comptable n'a-t-il rien remarqué ?
Kids haussa les épaules.
   - A mon avis, soit il bâclait son travail, soit il était dans la combine.
   - Mais... c'est inadmissible !
   - Je te donnerais le nom de mon comptable. Lia, je préférais que tu ne dormes pas chez toi, ce soir.
Les yeux de la jeune femme s'écarquillèrent.
   - tu crois qu'il serait prêt à... ?
   - il vaut mieux ne pas prendre de risques. Même si, par précaution, j'ai enregistré la conversation.
   - Enregistré ? répéta Olivia, incrédule.
   - Oui, avec mon portable. Du moins ce que j'en ai entendu. J'en ferais des copies. Ce sera une preuve de plus. En attendant, je pense que tu devrais rester chez tes grands-parents ce soir.
Elle secoua la tête
   - Non, impossible. Ils vont s'inquiéter.

   Kids prit une longue inspiration. Il savait qu'il devrait lui offrir de rester chez lui. Mais ce serait trop dangereux pour sa tranquillité d'esprit.

   - Voilas ce que je propose : je te laisse mon appartement et j'irais dormir chez ma mère.
   - Jonas, je ne veux pas que tu te mette en quatre pour moi.
   - J'essaie de me comporter en gentleman. Si nous allons chez moi, nous finirons inévitablement au lit ensemble. Et ce n'est correct ni pour l'un ni pour l'autre.
Olivia se mordit la lèvre et ne répondit pas.
   - Lia, essaie de comprendre, reprit-il. En ce moment, je l'avoue, j'ai envie de te prendre dans mes bras et de te dire que je te protégerai toujours. Sauf que...

   Sa voix se brisa et il baissa la tête un instant, avant de se reprendre et de la fixer droit dans les yeux :

   - Je ne peux pas te protéger contre moi-même.
Elle soupira, excédée.
   - Comment dois-je m'y prendre pour te prouver que tu délires ? Tu n'es pas comme ton père. Sinon, tu aurais démoli Emmanuel. Au lieu de ça, tu l'as raisonné. Sans violence.
   - Sans violence... répéta Kids pour lui-même à mi-voix.
   - Tu ne seras jamais comme ton père, poursuivit Olivia. Si tu continues de croire le contraire, alors il aura gâché non seulement ton passé, mais aussi ton avenir.

   Kids eut l'impression qu'un rideau noir s'entrouvrait dans sa tête, laissant entrer un peu de lumière. Olivia avait-elle raison ?  S'était-il tromper pendant toutes ces années ?

   - Est-ce que tu t'es déjà battu autrement que pour protéger quelqu'un ? Demanda-t-elle. A l'école ?
   - Non, je n'étais pas bagarreur. A quatorze ans, j'ai commencé à gagner ma vie pour sortir ma famille de la pauvreté.
   - Et à partir de là, tu t'es lancé dans les affaires. Aujourd'hui, ton personnel a confiance en toi. Alors, dis-moi, Jonas Kids, où vois-tu une ressemblance avec ton père ?
   - Quand tu essuies un échec, que fais-tu ? Reprit Olivia.
   - J'analyse la situation et j'essaie de tirer des leçons de mes erreurs.

   Il ne baissait pas les bras et ne se mettait pas à boire, à tout casser, à frapper qui que ce soit pour passer sa colère... Ce qui voulais dire que...
Une profonde allégresse le saisit soudain comme le rideau noir s'écartait complètement, sur un horizon dégagé et lumineux. Oui, il était temps de faire une croix sur le passé, de mener sa vie en faisant de vrai choix pour lui-même. Ce qu'Olivia ne cessait de lui répéter.

   - Lia... je... je t'aime, déclara-t-il d'une voix saccadée. C'est l'autre raison pour laquelle je suis venu ce soir. Je voulais te le dire.
Les yeux d'Olivia s'emplirent de larmes ; il y restait néanmoins un soupçon d'incrédulité.
   - Mais... Mais tu disais que ça ne marcherait pas entre nous, que nous devions nous en tenir au travail.
   - Je sais. j'avais tort. Et je sais aussi que je ne suis pas mon père, dit-il doucement.

   Olivia dut se retenir pour ne pas hurler de joie. Son cœur se mit a battre la chamade.

   - Bien sûr que non ! Tu as hérité de la moitié des gènes de chacun de tes parents. Si on suppose que la moitié de ceux de ton père déterminait son tempérament violent, alors, tu as reçu l'autre moitié, c'est à dire son côté non violent.
Kids partit d'un franc éclat de rire.
   - Je ne crois pas que la génétique fonctionne tout à fait comme ça, princesse.
   - Traite-moi de cruche et je te promet que tu vas bientôt débiter des paroles insensées, l'averti-t-elle malicieusement. Souviens-toi de Paris...
Kids sourit. Il retrouvait sa Olivia. Celle qui ne se laissait jamais abattre.
   - C'est une menace ou une promesse ?
   - Les deux. Je t'aime moi aussi, Jonas.
Il l'embrassa avec passion.
   - J'ai pensé à une chose, dit-il en s'écartant. Je te propose de fusionner.
   - Tu veux dire : autre chose que notre corps ?
   - Aussi. Mais je pensais à ta société et mes restaurants. Et il y aura aussi une galerie d'art bien entendu, nous ne vivrons pas au-dessus du restaurant ou de la boutique : nous habiteront une vrai maison.

   Olivia écarquilla les yeux comme si elle ne parvenu pas à assimiler ses paroles.

   - Une fusion...
   - Et un mariage, acheva Kids.
   - C'est... c'est une demande ? Articula-t-elle, suffoquée.
   - Ça m'en a tout l'air, répondit-il en souriant.
Il mit alors un genou à terre devant elle.
   - Olivia Mensah, je vous aime et je veux passer le restant de ma vie avec vous. Acceptez-vous de m'épouser ?
   - A certaines conditions.
   - Des escarpins de créateurs et une robe de mariée ?
Olivia sourit.
   - C'est plus sérieux que ça, Jonas. Après notre séjour à Paris, quand tu as appris que je n'étais pas enceinte, tu as dit que c'était mieux...
Elle se mordit les lèvres avant d'ajouter :
   - Ça ne l'étais pas pour moi. J'ai pris conscience que j'avais envie d'avoir des enfants. Tes enfants.
   - Oui. Je te le promet, nous aurons... une famille. Une vraie, dit-il, ému.

   Ce que ni l'un ni l'autre n'avait eu, se souvint Olivia. Ce lien entre parents et enfant lui avait manqué, comme avait manquer Kids à un foyer heureux, sans violence.

   - Et peut-être aussi un chien, reprit-il d'un ton plus léger. J'ai toujours voulu en avoir un quand j'étais enfant.
Olivia lui caressa tendrement les cheveux.
   - Oui. Et tu sauras nous protéger tous. Nos enfants, le chien...
   - Et toit' surtout, princesse. D'autre condition ?
Elle secoua la tête.
   - Alors, puis-je avoir une réponse à ma question maintenant ? Demanda-t-il. Tu sais, ce n'est pas vraiment confortable comme position.

   Olivia prit soudain conscience qu'ils se trouvaient devant chez elle.

   - Oui... Oui, Jonas, je veux t'épouser, dit-elle en riant.

   Ces mots arrachèrent à Kids un hurlement de joie et, se relevant, il la prit dans ses bras pour la faire tournoyer.

   - J'aurais dû d'abord demander la permission à Alex, dit-il en se calmant enfin.
   - Grand-père a de l'estime pour toi. Il sera content et grand-mère aussi, j'en suis sûre, du moment que tu me rends heureuse. Mais il y aura aussi des choses moins agréables à leur annoncer.
   - Je sais. Ce sera dur pour eux d'apprendre que celui en qui ils avaient placé leurs confiance les a trahis pendant des années. Mais nous serons là pour les soutenir, parce que nous sommes ensemble, mon amour.
   - Oui, pour toujours. Marché conclu, coach.
   - Dans ce cas je suggère de sceller ce marché comme il se doit.
Olivia se mit à rire.
   - Ouf ! Je pensais que tu ne me le demanderais jamais...

FIN