« Hello, Ruth, salue Bucky le mardi suivant.
- Bonjour ? » répond-elle espiègle, en imitant son intonation de l'autre fois.
Et comme il bredouille, ce grand imbécile, elle sautille, l'air de tout à fait rien, jusqu'à s'asseoir à côté de Mathilde. Là seulement, elle relève la tête et pouffe de son embarras. L'oeil malheureux et vif sous sa mèche brune, il soupire un petit sourire à la résignation calculée, que Steve s'efforce d'ignorer.
« Vous étudiez quoi de beau ? demande-t-il assez fort pour être entendu des filles depuis l'encadrement de la porte.
- Le Post-impressionnisme européen, répond Steve. Cezanne, Van Gogh ? « dégager du transitoire du quotidien l'éternel de la beauté ».
- Je ne suis pas sûr de saisir.
- Moi non plus. Mais les peintres non plus, sinon ils ne seraient pas si nombreux à essayer.
- C'est pas un peu désespéré ?
- Hum, fait Steve songeur. C'est bien d'avoir une quête.
- Qui y arrive, selon toi ? »
Steve réfléchit. Le professeur Mitchell arrive au bout du couloir.
« Je te dirai quand je les connaîtrai tous !
- Tu ne pourras jamais les connaître tous ! proteste Bucky. Dis-moi qui tu aimes bien !
- Toulouse-Lautrec !
- C'est un vrai nom, ça ?
- C'est français.
- Comment tu écris ça ?
- Ça s'écrit pas, ça se peint !
- Bonjour jeune homme ? » demande le professeur dans son dos.
Bucky sursaute et fusille son ami du regard, tu aurais pu me prévenir.
« L'art moderne vous intéresse ? »
Les filles rient dans la classe.
« Tout m'intéresse ! Malheureusement je suis meilleur pour lancer une balle que pour dessiner. L'artiste, c'est lui !
- Ils sont inséparables, c'est adorable, murmure Patricia quand Steve ferme la porte en le saluant.
- Il est vraiment gentil, Bucky. » répond Ruth.
A la fin du cours, Steve se sent terriblement proche de Toulouse-Lautrec, infirme comme lui. On toussote dans son dos. Par habitude, il fait un pas de côté pour libérer le chemin. On toussote encore. Il se retourne et lève les yeux sur le joli visage de Ruth. Jamais il n'a été aussi près d'une fille. Il cligne des paupières. Son cœur se met à pétarader sans qu'on lui ait rien demandé et bien que son anémie l'empêche de devenir écarlate, elle ne retient pas sa tête de tourner.
« Pardon, j'ai pas entendu, souffle-t-il pétrifié.
- Je demandais, répète Ruth, les sourcils froncés, si on a le droit d'assister à l'entraînement de basket.
- Ah ? Oui, bien sûr, balbutie Steve, j'allais justement y aller.
- Ah. Bon, ben, très bien. »
Elle s'est retournée vers ses copines, qui ont terminé de ranger leurs affaires. Même si elles ne font pas mine de l'attendre, Steve se dépêche de faire son sac mais quand il glisse hors de la classe, elles ont déjà atteint le bout du couloir. Il renonce à les rattraper, il les préfère de loin. Il essaie de deviner de quoi elles parlent, à leurs têtes qui oscillent, aux mouvements de leurs mains, aux couleurs de ces mouvements qui s'échappent un peu dans l'air comme une traînée de poudre ou d'aquarelle, dans la poussière illuminée par les fenêtres. Ruth tient Mathilde par le bras, Patricia soupire. Elles se charrient et se bousculent un peu, elles aussi, avec plus d'élégance que les garçons qui ne pensent qu'à mesurer leur force. Elles mesurent et rivalisent d'autre chose, la grâce, peut-êt...
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À Brooklyn
Fanfic// Stucky // À Brooklyn, rien ne se passe comme prévu. Voici comment Bucky et Steve sont devenus amis inséparables et comment cette amitié a surpassé le déni et le refoulement Voici aussi comment Steve a entamé sa carrière d'artiste, en meme temps q...