Chapitre 13

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« Dégage, tu me talonnes, là !

- Mais tu vas te calmer, c'est le vent !

- Déjà que tu fous la honte, avec ton masque moche...

- Rha les frangins ÇA SUFFIT ! je regrette de vous avoir proposé de venir ! »

Les disputes de Mick et Rob qui leur ont cassé les oreilles tout l'été, ça n'avait pas manqué à Steve. Il ne savait pas qu'il était possible de se parler avec une verve si éhontée - bon, excepté peut-être à une canaille de la rue. Pourtant, à l'instant où Bucky en rabroue un, l'autre sort les crocs :

« Excuse-toi quand tu bouscules quelqu'un !

- Mais vas-y, t'es pas son père ! C'est Halloween, on est des diables, qu'est-ce que t'as pas compris !

- Mais ferme-la, toi, j'ai pas besoin qu'on me défende ! »

Bucky ferme les yeux et arme un soupir. Arnie pose une main compatissante sur son épaule.

« C'est comme ça. Tout. Le. Temps.

- Même à la maison, avec le big Barnes qui veille ?

- Ils ont appris à éviter ses oreilles : dans la chambre ça ne cesse jamais. Ils s'engueulent même en dormant.

- Je comprends que tu passes ton temps chez Steve.»

Les deux gamins sont déjà plus grands que Steve, alors qu'ils sont plus jeunes de deux et trois ans. Il piétine son dépit de son mieux : ça lui donne une excuse pour marcher sur les murets, sauter des escaliers sur le dos de Bucky. Arnie sourit sous son masque qui tient difficilement en place, giflé par une rafale. Il se souvient les avoir vus jouer ensemble dans la cour, en fin de primaire. Steve avait l'air déboussolé quand il est entré au collège où Bucky s'était fait des copains. C'est là qu'il a pu l'approcher. Il y a une foule de choses qui les accorde : le calme observateur, la curiosité, la bonne éducation. Mais au fond de Steve crépite une turbulence qu'Arnie ne possède pas.

Bucky la possède.

« Barnes ! »

Un groupe tapageur hèle Bucky. C'est la bande de Douglas, justement. « Trop classe... » soupire Rob. Bucky le fait taire d'une tape à l'arrière de la tête et accueille les gars qui beuglent dans le vent : « On est allés chez la vieille O'Malley, elle nous a donné du sucre candi ! », « La gouttière de Harrington devrait se souvenir de notre passage pendant quelques semaines... », « Le meilleur, c'est Cosgrave, son jus de pomme est si vieux, je te parie il y a de l'alcool dedans... Eh, Barnes, tu fais quoi, maintenant ?

- On va ramener les jeunes...

- NON ! hurlent Mike et Rob en chœur, avant de se donner des coups de coude.

- Et finir la soirée chez St... Où est-il ? » s'écrie Bucky en se retournant.

Mike et Rob haussent les épaules, leur duel pour paraître le plus cool possible est bien plus préoccupant.

« Il m'a dit qu'il allait regarder quelque chose, là-bas, hésite Arnie.

- Mais pourquoi maintenant ? » peste Bucky.

Oh, tu sais très bien pourquoi, Bucky.

« Bon, suivez-moi, tous. Je sais où il va.

- Bah, on comptait plutôt... commence Douglas.

- Ça va vous plaire. » grince Bucky.

Il avance de trois pas, conquérant, se retourne vers les petits frères. Ils le défient du regard. Oh, merde, on verra ça plus tard. En tout cas, la bande de Douglas est suffisamment intriguée car elle avance à sa suite. Ils sont cinq : Douglas et Walter qui sont dans sa classe, Glenn, Manny et Emmet, qu'il connaît du quartier grâce au basket. De très gros bras, des gars nerveux, qui n'aiment que l'action, des gars pas très loin de devenir des voyous à la Declan et Peter mais pour ce soir, ça m'arrange assez, parce qu'ils sont... Dissuasifs.

À BrooklynOù les histoires vivent. Découvrez maintenant