Chapitre 29

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Je descends précipitamment les escaliers. Lorsque j'arrive à leur fin, je percute Oliver. Il se dirigeait vers la cuisine.

- Ça va Peyton ? Me demande t-il soucieusement.

- Quoi ? Non. Oui, tout va bien !

Je me suis mise à rire nerveusement, en jouant de mes mains. Mon ventre se contracte à chaque respiration. Comme si mes intestins étaient patraques et entortillés étroitement. C'en est quasi douloureux. Mon ami me dévisage.

- Tu as l'air sonnée.

- Je...je suis fatiguée. Je suis encore un peu dans les vapes malgré ma sieste, c'est tout. Mais ça fait longtemps que tu es là ? Je croyais que tu étais de sorti avec les autres.

Je tente de noyer le poisson dans l'eau. Est-ce qu'il le sent ?

- Oh, oui, approuve t-il en se grattant l'arrière de la tête. J'allais chercher des sacs pour porter les courses.

- Ah, d'accord...

- Tu veux nous aider ? Si ça ne t'épuise pas trop.

J'ai souri de manière forcée. Puis tout d'un coup, une vague de stress m'a submergé. Naturellement, j'ai tourné la tête vers les escaliers. J'attends un bref instant, mais rien ne se passe. Le temps semble s'être suspendu dans ces nanosecondes qui paraissent perdurer dans l'éternité. Oliver m'a contourné en reprenant sa marche. C'était un réflexe mais je lui ai emboîté le pas.

À l'extérieur, il n'y a que James entrain de décharger le coffre du véhicule. Je vais l'aider, puis il m'explique que Taylor et Danielle sont allées se balader ensemble, pour discuter. J'acquiesce distraitement. D'après ce qu'il rajoute après m'avoir observé, il me trouve pâle. Je me suis raclée la gorge. C'est comme si tout le monde lisait facilement sur mon visage. Pourtant, je ne crois pas être aussi expressive.

Les deux garçons se sont mit à parler d'une fête qu'ils avaient organisé dans la maison, il y a peu. Pendant leur discussion, ils m'ont dit que Ben avait fini saoule. Mon ventre s'est noué à l'entente de son prénom. Pour une certaine raison, j'ai eu la sensation d'avoir fait quelque chose de mal. La sensation d'être une mauvaise personne. Je souffle. Les remords m'envahissent.

On est retourné dans la maison, les mains pleines. À peine nous franchissons la porte, que mes yeux se posent sur la silhouette en haut des escaliers. C'est presque comme si, ils savaient où regarder. Elle, cette personne. Elle semblait loin, non seulement par la distance de son corps, mais par le sentiment dans ses iris. J'ai ravalé de travers, en ne pouvant m'empêcher de chercher ce bleu dans son regard. Ce beau bleu. Mais il ne laisse rien paraître. Sa neutralité ne me laisse rien intercepter. Rien que je pourrais comprendre. Il est bien trop terne. Cette interaction au silence écrasant se brise, quand son attention se reporte sur Oliver et James. Un sourire s'invite sur son visage, puis il se dirige jusqu'à nous.

J'aurais voulu lui dire quelque chose. Je ne sais pas, n'importe quoi même. Seulement il m'a pris les affaires des mains, sans m'adresser une parole, trop investi à créer une conversation avec les garçons. Je me suis pincée les lèvres pour retenir un étrange rire nerveux. Je me sens mal. Ben m'a juste ignoré.

PDV de Taylor.

- Peyton est différente, fis-je remarquer à Danielle, au bout d'un moment.

Elle acquiesce d'un bref sourire en regardant ses pieds s'enfoncer dans le sable.

- Elle a dû en vivre des choses, avec Jake.

- Tu penses qu'ils ont pu se rapprocher ? Demandais-je.

- Qui sait. Ce n'est pas franchement impossible, si ?

- Non mais...c'est difficile à concevoir quand on sait comme elle a du mal à être à l'aise avec lui.

Le silence retombe lorsque le vent nous fouette le visage. La brune plante ses yeux au loin dans le ciel gris. Sans le remarquer, je me suis mise à la fixer. Elle ressemble à une peinture. Le genre de peinture dont on ne comprends rien, mais qu'on en ressent les sentiments exprimés. Danielle est comme ça, en ce moment. Et ses sentiments exprimés semblent être d'une grande tristesse. Assez grande pour que je ne puisse pas détourner les yeux d'elle. Ce n'est que maintenant que nous ne sommes que nous deux, perdurant face à ce lac qui réfléchit la lumière du soleil pâle sur nos peaux, que je le réalise. En fait, Danielle est seule.

- C'est..., dit-elle soudain, dans un soupire presque inaudible. C'est juste que...je n'y arrive plus.

Je me fige.

Laissant le bruit de la nature s'infiltrer dans mes oreilles, je ne dis rien. La façon dont elle l'a dit, ressemblait à un monologue. À une discussion avec elle-même. Sur le coup, je ne me sens pas assez méritante pour l'interrompre. Parce que je ne pense pas être celle à qui elle s'adresse directement.

- Je suis fatiguée. Très fatiguée. La seule chose dont j'ai envie, c'est...c'est de tout recommencer au début. En fait, je ne suis pas du genre à être capable de tourner la page. À voir plus haut, plus loin. Et quand bien même je me force à essayer, je finis toujours par revenir en arrière. Je n'arrive pas à passer le cape. Je suis bloquée dans ce passé brisé. Dans cet espoir émoustillé par les non-dits et les occasions loupées. Oh mon Dieu...j'ai tellement mal au cœur. C'est effroyable. Ça me brûle intérieurement. Comment est-ce que je fais pour tenir aussi bien sur mes jambes ? J'ai l'impression que tout un monde, me saccade les épaules. Que je pourrais finir écraser sous cette pile immense de maux qui menacent de me broyer à tout instant. Rien ne va dans cette vie, dans ma vie. J'ai peur. Peur de ne jamais pouvoir m'en sortir. Peur de stagner dans cette mer noire pour toujours. Je ne veux pas être triste et cassée. Je ne veux pas passer le reste de mes jours à vivre avec cette sensation d'échec et de ruine. Non j'aspire à quelque chose de plus logique. De plus utopiste, dans ma situation. Je veux rire avec les gens que j'aime. Je ne veux me soucier de rien. Je veux crier, je veux hurler à en perdre la voix. Je veux aimer à nouveau. Je veux le bonheur. Mais...oh crotte, bon sang...pourquoi est-ce que je n'y arrive pas. Pourquoi est-ce si...compliqué d'être heureux. Je n'arrive pas à me réparer. À quel moment est-ce que j'ai pu me retrouver si...abattue. À quel moment je...oh mon Dieu...

Les yeux exorbités, comme prêts à jaillir de leurs cratères, elle remarque lentement qu'un flot de larmes incontrôlables s'en dégagent. Ses mains tremblent. Sa respiration tantôt calme, semble être maintenue avec peine. Un frisson me traverse. Je n'avais jamais vu Danielle comme ça. Aussi laissée pour compte. À son propre sort. J'avale de travers en sentant un noeud intense se former au fond de ma gorge. Je me sens comme si j'étais à sa place. Comme si je pouvais comprendre. Comme si je devenais elle. Une douleur ne devrait pas pouvoir être aussi palpable. Aussi puissante. Aussi...contagieuse. Je pourrais presque la tenir entre mes doigts si je le voulais. Je pourrais en sentir la sensation émoustillante contre ma chair.

Puis comme se souvenant de ma présence à ses côtés, la brune s'est tournée vers moi. Elle ne semblait pas attendre de réponses. C'est comme si elle se regardait elle-même à travers mes yeux. Je n'avais pas l'impression de faire partie du tableau. D'être son interlocuteur. Elle avait ce désespoir dans le bleu de ses yeux qui me cloua le bec. Ils étaient si profonds. J'aurais pu m'y noyer, y perdre le souffle, être emportée par la marée. Danielle était déconnectée, bercée par les gouttes salées qui habillaient son visage rougi. Ma mâchoire s'est serrée. Je veux l'approcher. La tenir dans mes bras. Mais je suis effrayée. Effrayée de l'abîmer, de la fissurer davantage.

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