Prologue :
Vallée du korengal, province de kunar , Afghanistan.
Le vacarme régnait dans le mess. David Seidel baissa les yeux sur son petit déjeuner : des pommes de terre bouillies , mal cuites et sans saveur, accompagnées d'œufs reconstitués qui se fixaient comme deux yeux depuis le plateau compartimenté. Sa tasse était remplie d'un liquide ressemblant à du café , éclairci par une poudre blanchâtre.
Au terme de deux ans de service , David ne supportait plus la vue du rata matinal ; il avait atteint sa limite . Heureusement, c'était son dernier jour de mission . Un jour semblable à tous les autres -fastidieux, bien que chargé de tension . Ici , la menace était omniprésente , matérialisée par le bourdonnement sinistre et incessant. Les parasites de la radio crépitaient par-dessus le cliquetis des couverts , mais au fil des mois , ce bruit lui était devenu si familier qu'il n'y prêtait plus attention . Depuis son poste de communication, un gars de l'unité Médivac était en alerte , prêt à relayer le prochain appel demandant une évacuation sanitaire .
Et les appels se succédaient, inexorablement. Une unité d'évacuation sanitaire aérienne comme celle de david y était confrontée tous les jours , voire heure par heure .
Aussi, quand le talkie-walkie fixé à sa poche se déclencha, il quitta le mess sans se poser de question . Pour l'équipe de garde, c'était le signal qui ordonnait de tout lâcher -la fourchette qu'on était sur le point de planter dans un morceau de viande douteuse , la partie de poker , même si on était en train de gagner. L'alerte interrompait brutalement une lettre d'amour au beau milieu d'une phrase qui resterait à jamais inachevé, brisait net le rêve de retour d'un soldat profondément endormi . Un gars s'arrêtait en pleine prière, un autre en plein rasage .Les unités d'évacuation sanitaire se targuaient de leur rapidité de réaction -il ne s'écoulait guère que cinq ou six minutes entre l'appel et le lancement de l'opération. Hommes et femmes se jetaient tête baissée dans l'action . La bouche encore pleine ou la peau encore humide au sortie de la douche , ils endossaient leur rôle, un rôle aussi rude et familier que leurs godillots à bout d'acier .
David serra les dents . Que lui réservait cette dernière journée ? Et pourvu qu'il arrive au bout sain et sauf ... il avait un besoin urgent de retourner à la vie civile . Là-bas, au pays , son grand-père était souffrant depuis quelque temps , déjà -atteint d'une maladie certainement plus grave que la famille avait bien voulu lui dire . Grand-père... il parvenait mal à l'imaginer en vieil homme diminué. Frédéric seidel possédait une personnalité hors du commun . Chez lui , tout était démesuré -depuis sa passion des voyages jusqu'à son bon rire franc , reconnaissable entre mille , et capable de se communiquer à tout un auditoire . Pour David, il était bien plus qu'un grand-père. Les circonstances de la vie les avaient rapprochés et , jusqu'à ce jour , rien n'avait entamé ce lien à part qui les unissait .
Mû par un mauvais pressentiment, David fourra la dernière lettre de son grand-père dans la poche de poitrine de son blouson, tout contre son cœur, et cette pulsion irraisonnée fit naître en lui une angoisse sourde.
- c'est parti, Leroy ! Lança Nemo , son chef d'unité, avant , comme à son habitude, d'entonner le premier couplet de " get up offa that thang. "
Selon la tradition alambiqué de l'armée, David avait hérité du surnom de " Leroy " . A l'origine , un membre de l'unité avait eu vent de rumeurs -forcément incomplète - concernant le milieu privilégié dont il était issu . Sa famille très en vue dans la société, son parcours d'enfant gâté -écoles huppées , prestigieuse université de l'Ivy League - , tout cela l'avait mis en butte aux plaisanteries faciles. Nemo l'avait baptisé " petit lord fauntleroy" , sobriquet rapidement abrégé en " Leroy " , et le nom lui était resté.
- prêt à décoller ! Cria-t-il en fonçant vers l'héliport. Aujourd'hui, il assurait le pilotage avec Ranger .
- bonne chance, vieux ! Tu écopes d'un BB !
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L'été des secrets
FanfictionQuand elle aperçoit les premiers rayons du soleil scintiller sur le lac des Saules, Lisa Plenske est envahi par un sentiment de bien-être presque irréel. Venue pour prendre soin de Frédéric Seidel, un vieux monsieur qu'elle adore , elle ne s'attenda...