chapitre 8

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Chapitre 8

New-York, en route pour le camp kioga
Avalon, Comté d'Ulster
Été 1944.

- Maman, Frédéric veut pas me prêter Superman !
La voix de Claude Seidel , dix ans , s'élevait du siège côté fenêtre dans la chaleur du vieux train .
- Il le garde rien que pour lui !
- C'est pas vrai .
Frédéric serra la bande dessinée sur son cœur, l'air maussade.
- Oh si !
- Oh non !
Le plainte de Claude se fit plus véhémente .
- Donne-le-moi , gemit-il
- T'aimes même pas Superman , marmona Frédéric.
- Oh si !
- Oh non .
- Oh ....
- Frédéric Parkhurst Seidel ! Laisse ton frère lire cette bande dessinée.
- Mais ...
- Frédéric !
Quand sa mère prenait ce ton , ça ne plaisantait plus . Avec une mauvaise grâce ostensible , il plaqua brutalement l'album de Superman contre la poitrine de son frère.
- Tiens , espèce de bébé ! Et ce n'est pas la peine de me demander de te lire les mots compliqués .
Claude lui tira la langue , qu'il rentra précipitamment quand leur mère se retourna pour voir ce qu'ils fabriquaient.
Elle les exhortait constamment à se conduire de façon exemplaire parce que leur père se battait à l'étranger.
Frédéric ne voyait pourtant pas comment cela pouvait être d'une aide quelconque à père, puisqu'il était parti. Il pouvait bien être sage comme une image, même quand Claude était infernal , ça n'allait pas le ramener. Pas cet été. Peut-être même jamais. Mère disait qu'il servait dans le corps diplomatique, pour le compte de l'OSS, ce qui n'était pas aussi dangereux qu'être soldat . Père avait été soldat au tout début de la guerre, même qu'il avait perdu un bras au combat. Après ça, il aurait pu rentrer dans sa famille, mais son devoir avait-il déclaré, était de servir sa patrie , et si cela impliquait d'être dans la diplomatie, il y entrerait. Inutile d'avoir deux bras pour être diplomate. Il fallait  parler plusieurs langues, s'y connaître en vins et savoir adapter les cadeaux aux circonstances. Néanmoins ,appartenir au corps diplomatique n'etait pas sans risque. Les enfants, pour la plupart, ne regardaient pas les actualités avant la séance de cinéma du samedi soir, mais Frédéric, lui, les suivait avec attention . Il y avait eu un terrible bombardement nazi à Tunis , en Afrique du Nord. Il savait que son père avait travaillé en Tunisie; par chance il ne s'était pas trouvé sur le lieu de l'explosion où plusieurs personnes avaient été déchiquetées.
D'habitude , on ne disait pas à mère où se trouvait père,  par mesure de sécurité. Il faisait des choses top secret. Et puis, de toute façon, les adultes se contentaient toujours de dire 《 à l'étranger》sans autre précision, comme si pour les enfants c'était là une explication suffisante. Mais à treize ans , on est à mi-chemin entre l'enfance et l'âge adulte, et Frédéric aurait bien aimé qu'on lui en dise davantage. Il était comme Clark Kent . Il voulait connaître toute l'histoire.
La plupart des enfants, y compris son petit frère, professaient leur adoration pour Superman et feuilletaient les albums à la recherche des cases ou apparaissait le justicier masqué en action, il préférait s'attarder sur les passages qui lui plaisaient le plus : les pages montrant Clark Kent en quête d'un article ou dans la salle de rédaction du Daily Planet . De son point de vue , Clark Kent était cent fois plus fascinant que Superman . On savait toujours ce qui allait arriver quand Superman entrait en scène. Tandis qu'avec Clark, les choses était plus incertaines.
Pour Frédéric, c'était ça, l'aventure. Un type comme tout le monde qui déniche la vérité. C'était quand même plus intéressant qu'un extraterrestre fondant du ciel la cape au vent ! On savait bien que ce n'était pas crédible, comme histoire. Tandis que Clark sur la piste d'un scoop....ça, c'était quelque chose qui pouvait se passer en vrai .
Frédéric aimait consigner les faits par écrit. Il notait tout , des grands événements tels que le Jour J , qui s'était déroulé deux semaines auparavant, aux menus détails de sa vie quotidienne, comme le sachet de caramels mous faits maison qu'il avait achetés à un vendeur dans la gare de Grand Central. Depuis qu'on lui avait enlevé les amygdales au printemps, il éprouvait le besoin de s'adoucir la gorge avec des caramels ou des pastilles de marque blanc. Le vendeur en question était un jeune garçon famélique vêtu de haillons, environ de l'âge de Claude. La vue de ce petit nécessiteux l'avait empli de culpabilité 《 maman ! Avait-il crié. Il vend des bonbon ! J'en veux ! 》
- Donne-moi ça, Frédéric Seidel.
Sa mère s'empara des bonbons sans les toucher, en trenant par un coin leur emballage déchiré le papier paraffiné.
Il protesta :
- Mais je ne les ai pas volés, je les ai payés avec mon argent ! A Grand Central il y avait un garçon qui ....
- Tu as acheté des bonbons à un mendiant des rues ?
Sa mère s'empressa de jeter les caramels par la fenêtre, puis se vaporisa les mains d'eau de rose dont elle gardait toujours un spray dans son sac en tapisserie.
- Enfin , Frédéric, à quoi penses-tu ? C'est bon pour attraper des maladies !
- Oh là là , il essayait juste de gagner quelques sous...
- Ne t'occupe pas de ça. Je te croyais assez raisonnable pour savoir qu'on ne doit pas accepter de nourriture de la part d'un inconnu.
Rétrospectivement, sa mère frissonna et reporta son attention sur la rotogravure qu'elle était en train de lire.
Claude s'agitait sur son siège; il faisaient semblant de lire la bande dessinée en frappant le repose-pied du talon de ces Buster Browns. Parfois, Frédéric en avait par-dessus la tête d'avoir un petit frère toujours pendu à ses basques. Surtout un gamin comme Claude qui se prenait pour son égal. Il avait quatre ans de moins que lui , mais ça ne l'empêchait pas de vouloir l'imiter en tout. La mine sombre, Frédéric décida d'écrire son journal. Il était sûr que Clark tenait lui aussi un journal à son âge. On ne devenait pas un as du journalisme du jour au lendemain. Il fallait pratiquer pendant des années, et Frédéric voulait prendre l'avantage dès le départ.
C'était un véritable défi d'écrire dans ce train cahoteux , sur la tablette fixées sous la fenêtre. Sa calligraphie tremblotait au gré des trépidations du compartiment mais il s'obstinait dans son entreprise .
《 En route pour le Camp Kioga, Avallon, comté d'Ulster, État de New York, États-Unis d'Amérique, la Terre, 》écrivit-il. Il se sentait très adulte car sa mère l'avait autorisé à se servir de son bon stylo plume, celui qu'on lui avait remis comme récompense en tant que lauréat du concours d'orthographe de son collège.
Il possédait une petite fiole de Spillproof Skrip - 《 la bouteille d'encre qui ne se renverse pas 》- , de la couleur idéal : bleu paon. Clark Kent utilisait sûrement lui aussi de l'encre bleue paon .
Frédéric s'adonnait à sa tâche avec une concentration sans faille. Il rédigeait un excellent article sur les vendeurs de rue de New York, en accordant un soin tout particulier à la ponctuation. Sa prose était d'une telle qualité qu'elle aurait pu paraître dans le new york times. Tout le monde savait que le New York times ne publiait que 《 les nouvelles qui mérite d'être imprimées 》. C'était sa devise.
Frédéric décida de créer sa propre devise de journal . Pour cela, il lui fallait un slogan. Il écrivit: 《 toutes les nouvelles qui méritent d'être imprimées. 》
Mais peut-être valait-il mieux réfléchir à quelque chose de plus personnel:
《 toutes les informations de la presse, en permanence. 》 Non, ça n'allait pas. Pourquoi pas, plutôt :《 Si c'est de l'info, c'est dans nos pages .》
- Qu'est-ce que tu fais ? Demanda Claude.
- C'est pas tes oignons.
- Fais voir .
Claude voulut s'emparer du cahier. Sa main heurta la bouteille d'encre réputée ultra-stable, et la fiole se renversa. Par malheur, 《 la bouteille qui ne se renverse pas 》n'était pas incassable. Le goulot se brisa et l'encre se répandit sur l'article de Frédéric, oblitérant deux pages de labeur acharné.
- Oh ... oh .... , fit Claude.
- Espèce de crétin ! s'écria Frédéric. Je devrais t'arracher la tête !
- Essaie un peu et tu vas voir ! c'était un ...un accident , espèce de brute !
Le visage de Claude vira à l'écarlate et son menton se mit à trembler.
Mais Frédéric n'avait que dédain pour l'émotivité de son petit frère.
- Occupe-toi de tes affaires . Dégage, bébé.
- Ouais, c'est ça, je m'en vais ! Déclara Claude. Et je m'en fiche si je te revois plus jamais. Plus jamais jamais jamais !
Mais le plan de Claude s'avéra impossible à mettre à exécution : le bungalow où ils  allaient passer l'été exigeait que les deux frères partagent une chambre à lits superposés. Ils se disputèrent pour savoir qui prendrait la couchette du haut, ils se disputèrent pour garder la lampe allumée ou éteinte à l'heure du coucher. Ils se chamaillaient pour tout , jusqu'à ce que leur mère les menaçat de les envoyer à l'école reformé. Ni l'un ni l'autre ne savaient exactement à quoi s'en tenir sur cette fameuse école réformée. Mais ça n'avait pas l'air bien du tout, et cette perspective avait le don d'interrompre leurs disputes pendant plusieurs minutes d'affilée.
Finalement, la magie du Camp Kioga eut raison de leurs querelles . Les mères  jouaient au bridge, fumaient des cigarettes et, tout en parlant de la guerre, se dessinaient mutuellement des coutures de bas sur les mollets. Les enfants , eux , partaient en expédition dans la foret . Ils escaladaient des montagnes afin de trouver l'origine d'une source ou sautaient tour à tour du grand plongeoir dans le lac limpide et froid . Le soir, il y avait des spectacles, parfois un numéro de New York ou bien mme Gordon , l'épouse du propriétaire faisait elle-même chanter la salle en chœur. Les enfants veillaient tard dans la nuit ; massés autour d'un feu de camp, ils se racontaient des histoires de fantômes. Les préférés de Frédéric étaient celle qui faisait le plus peur parce qu'elles faisait pleurer son petit frère.
Les repas étaient servis à la bonne franquette dans une grande salle à manger abritait le pavillon principal. Ce pavillon tous de bois comprenait aussi une logia et un débarcadère surplombant le lac, une bibliothèque, une salle de musique et une salle de billard. La nourriture était succulentes car dans cette région du monde , les mesures de rationnement avait peu d'incidence . A l'intérieur du camp même , il y avait un potager victorien, une laiterie et un poulailler. Produire sa propre nourriture était considéré comme une attitude patriotique.
Chaque jour, les tables étaient chargées de grands saladiersdes de purée de pommes de terre préparée avec du beurre et de la crème, et de tourtes aux fruits cueillis sur les arbres du domaine.
Au Camp kioga , les signes extérieurs de la guerre n'étaient guère perceptibles. Frédéric et Claude avaient confusément compris qu'ils appartenaient à l'élite de la nation. Il faisaient partie des 《 princes de la société 》, comme l'affirmait un journaliste du washington Post qui  séjournait au Camp Kioga afin d'écrire un article sur 《 la guerre au pays 》.
Peut-être s'acquittait-il de sa tâche dans le but de profiter du bon air au sein d'une résidence de vacances huppée , mais Frédéric, lui, n'en avait cure. Il était plus intéressé par le journaliste, M. McClatchy, que par le sujet de son article. M.McClatchy, prenait des notes et posait des questions. Il était vieux, plutôt rondouillard , et portait des lunettes à verres épais . Il n'avait rien d'un Clark Kent mais, de toute évidence. il aimait son travail.
《 Le journalisme, déclarait-il, braque les projecteurs sur les endroits les plus obscurs du monde.》
- Mais de quoi parle votre article ? lui demanda Frédéric. Des princes de la société ? Qui ça intéresse ?
- Les gens qui achètent des pages de publicité dans mon journal . Voilà qui ça intéresse. Ils veulent entendre parler de gens qui ne leur ressemblent pas, qui vivent différemment d'eux.
- Et ça braque les projecteurs sur quelque chose ça ?
- On ne s'est jamais.Parfois non. Mais parfois , tu t'appelles John Steinbeck.
Frédéric avait lu les raisins de la colère en cachette, une œuvre considérée comme choquante et scandaleuse. Il l'avait dévorée page après page , complètement fasciné. Et la fin ne l'avait pas scandalisé, cette fin qui avait pourtant valu au livre d'être mis à l'index, à cause d'une dame qui empêchait un type de mourir de faim en le nourrissant avec son propre lait . Frédéric, au contraire , trouvait ce geste plein de beauté et d'héroïsme, bien que ce fût un peu bizarre , comme le reste du roman. Mais ce n'était pas ce genre de chose qu'il aspirait à écrire.
- M.Steinbeck est un auteur de fiction, fit-il remarquer au journaliste.
- il est correspondant de guerre désormais, pour le New-York herald tribune .
- Moi , je tiens un journal.
- C'est une bonne habitude, affirma M.McClatchy. Ça t'apprend à organiser tes idées. Veille seulement à ce qu'il ne tombe pas entre de mauvaise mains.
- Oui , monsieur.
Seven deadly que se conduisait comme le prince ce qu'il était censé l'être il était le meilleur en sport remportant toutes les courses en prenant la tête d'expédition et se délecter de l'admiration des autres enfants tous les venait naturellement depuis toujours en hiver les idoles passé plusieurs semaines à qui l'on une station de ski du vermont c'est là qu'il avait décidé de rejoindre la 10e division d'élite de montagne de l'armée américaine ils avaient été rongeurs ascii comme une sorte de super-héros sauf que c'était pour de vrai Quel serait son super pouvoir c'est de sa capacité à voir de loin peut-être changé il un jour qu'il revenait d'une corvée de bois au sommet de la colline du gay il me sa main en viseur et compte en pas la région S'imaginant qu'il pouvait voir par delà le lac est immense et la chaine de montagne par delà l'océan atlantique jusqu'à à l'endroit tenu secret où se trouver son père c'est qui ces gens demanda  Claude Son petit frère s'était arrêté pour lui désigner une clairière nettement plus proche apparemment il s'agissait d'une famille installée dans le jardin d'une maison rectangulaire à bardage de bois m'ont fait quelque chose allons devoir décider Frédéric dit Maureen tu viens il était devenu ami avec Warren byrne un garçon originaire de l'action et qui faisait l'important parce qu'en l'an Crolles il venez au camp chaque été depuis la nuit des temps attention on est derrière les lignes ennemies souffle Derek qui fit signe à Claude et avoir une de se coucher pour s'adonner à leur jeu préféré il était devenu très doué pour se faufiler sans bruit dans la foret on a prochain et entendirent le son gay et crachotant d'un gramophone Victoria, ainsi que des rires et des conversations. Sur une banderole accrochée à la véranda on pouvait lire : 《 au revoir , stuart . Nous t'aimons 》.
- C'est la maison des Gordon expliqua Warren Byrne. C'est à eux qu'appartient le camp et ce sont eux qui le dirigent.
Frédéric n'avais jamais pensé aux Gordon en tant que famille. Pour lui c'étaient des employés qui servaient à la salle à manger, et qui veillaient à ce que les draps soient changés, les poubelles sorties, les chalets nettoyés , balayés et les pelouses tondues. Mais là , retirés dans un coin oublié du domaine, ils menaient une vie à part entière. Stuart, apparemment, était soldat.
- C'est un marine, affirma-t-il aux autres . Ça se voit à son uniforme . Et il porte une tenu kaki, alors je vous parie qu'il va s'embarquer pour l'étranger. Les marines appellent ce genre de calot un béret de chatte , ajouta-t-il , provoquant des ricanements chez les deux plus jeunes.
- Stewart est mon grand frère , dit une voix derrière eux . Frédéric se figea, glacé d'horreur. On les avait surpris derrière les lignes ennemies. Que faire ? battre en retraite ? Se battre pour leur liberté ? Capituler sur-le-champ ?
Warren Byrne détala tel un couard.
Claude le saisit par la manche.
- Hé, c'est rien qu'une fille bizarre, dit-il en désignant l'intruse.
- Je ne suis pas une fille bizarre, répliqua celle-ci. J'ai un nom. Je m'appelle Laura. Laura Gordon . Et Stuart est mon grand frère . Et puis d'abord , qu'est-ce que vous faites là à nous espionner ?
- On faisait juste qu'explorer , répondit Frédéric d'un air maussade.
Il ignorait la cause de sa mauvaise humeur. Peut-être parce qu'ils avaient été surpris, ou peut-être par ce qu'il avait était surpris par une idiote de fille . C'était une rouquine, aussi grande que Claude , peut-être même un peu plus, avec de grandes dents et une tignasse frisée. Son bras maigre était passé dans l'anse d'un panier en fil de fer. Elle portait une salopette en jean délavée dont le bas était retroussé au-dessus de ces genoux couronnés . Ses tibias étaient couverts de bleus et elle allait pieds nus .
- Stuart part pour l'océan spécifique, déclara-t-elle avec hauteur.
- Pour l'océan pacifique , tu veux dire.
- Je sais ce que je dis .
Elle renifla .
- Il va se battre en Nouvelle-Guinée . Vous savez , le pays des pintades. Et je dois y aller. C'est pas parce que c'est la fête que je peux remettre mes corvées à plus tard.
- Quel genre de corvées ? S'enquit Claude.
- Venez, dit Laura. Je vais vous montrer.
Sans vérifier s'ils la suivaient , elle s'engagea résolument dans un sentier ; ses pieds sales soulevaient de petits nuages de poussière .
Claude lui emboîta le pas hardiment, mais Frédéric hésitait. Finalement ,la curiosité fut la plus forte et il ferma la marche. Ils débouchèrent dans une clairière occupée par un grand potager, dont les rangées étaient séparées par de longues planches de bois . Non loin se dressait un poulailler fermé des quatre côtés par du grillage à poule, ainsi que sur le dessus.
- Je dois ramasser les œufs, expliqua Laura . Deux fois par jour , qu'il vente , qu'il pleuve, ou qu'il neige . C'est mon travail.
- Ça a l'air rigolo, commenta Claude.
- Eh ben, ça ne l'est pas.
Elle se tenait devant une porte à loquet.
- On voit bien que tu n'y connais rien.
- Pourquoi c'est pas rigolo ?
- A cause de lui , surtout . Ce sale coq...
Elle leur désigna un volatile aux yeux comme des perles luisantes et adorant une queue empanachée de couleurs vives.
- Il est méchant. Méchant comme la gale.
- Mais qu'est-ce que vient faire un coq ici , de toute façon ? S'étonna Frédéric . Il ne pond quand même pas des oeufs !
Laura renifla de mépris :
- Hé, d'où tu sors, toi ? Un coq dans un poulailler, ça sert à protéger les poules des prédateurs. En plus, il faut un coq pour renouveler l'élevage. On ne peut pas avoir de poussins sans coq ! Bref , le coq donne des coups de bec parce qu'il croit que les humains veulent faire du mal à ses poules. Elle leva les yeux au ciel , consterné par la bêtise du volatile.
- C'est stupide ,dit Frédéric.
- On parle de volaille, répliqua Laura. C'est pas censé être intelligent.
- Ce coq n'as pas l'air dangereux . Après tout, ce n'est qu'un oiseau .
- un oiseau à bec pointu , rétorqua la fillette .
Elle posa la main sur le loquet s'armant visiblement de courage. Dès cet instant, Frédéric se prit de sympathie pour elle.
- Tu veux qu'on t'aide ?
- Non, si jamais le coq vous blessé, je vais me faire passer un savon .
Laura se glissa à l'intérieur par la porte entrebâillée et se dirigea vers les cages à poules.
- Bouh ! cria-t-elle au coq en le giflant mollement . T'occupe pas de moi !
le coq baissa la tête et se précipita sur elle à une vitesse inouïe, son bec pointu lancé comme un couteau. La petite fille le repoussa à coups de panier.
Frédéric attendait devant la porte , tenaillé par l'indécision. Claude ,lui , ne fit ni une ni deux et se jeta dans l'action.,au mépris des protestations de son frère et de celles de Laura. Il chassa le coq en agitant les bras et en poussant des cris d'orfraie. Pendant ce temps, Laura plongeait vivement la main dans chaque nid pour en retirer les œufs. Deux minutes plus tard, ils ressortirent de l'enclos sains et saufs le panier en fil de fer plein a ras bord.
Claude était rouge d'excitation.
- Dis-donc , c'était quelque chose ! Lanca-t-il en poursuivant le coq le long de l'enclos grillagé . C'était vraiment quelque chose !
Laura battait des cils comme une princesse de théâtre .
- C'est la première fois depuis longtemps que je ne me suis pas fait attaquer.
- Je te propose un marché, dit Claude. Je viendrai t'aider tous les jours.
La fillette accepta avec un grand sourire :
- c'est drôlement sympa de ta part.
Ce petit échange entre eux deux mit Frédéric bizarrement mal à l'aise.
- Tu ne peux pas tout laisser tomber pour venir ici faire un travail de fermier !
Il considéra le contenu du panier d'un regarde mauvais .
- D'abord , ces œufs ne sont pas bons. Il sont sales.
Laura s'insurgea :
- N'importe quoi ! Ce sont des oeufs de ferme. Il n'y en a pas de plus frais !
- Ils ont de la paille collée à la coquille et aussi de la ....du ....
Il cherchait une façon polie d'exprimer ce qu'il voyait .
- De la fiente, dit Laura d'un ton terre-à-terre . Ça veut tout simplement dire qu'ils viennent d'être pondus.
Claude gloussa .
- C'est dégoûtant ! répèta Frédéric en regardant les œufs avec répugnance.
- Qu'est-ce que tu as mangé ce matin au petit déjeuner ? demanda Laura .
- Une omelette au fromage .
- Ah ! Elle était faite avec les oeufs ramassés hier , les mêmes que ceux-là . Et je parie qu'elle était délicieuse .
La fillette reprit le sentier.
- Venez ! vous pouvez m'aider à les laver dans le torrent.
Elle prononcée 《 tarrent 》, mais Frédéric comprit qu'elle voulait dire 《 torrent 》. Elle y entra sans hésitation et s'accroupit pour immerger le panier en fil de fer dans l'eau profonde qui filait à vive allure.
- Je vais t'aider, dit Claude avec son empressement coutumier.
Et il sauta sur un galet de rivière .
- C'est bon, je m'en ....
Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase. Claude manqua le galet et tomba dans le torrent. Il se mit à cracher et à battre des bras pour lutter contre le courant. Frédéric se demandait ce qu'il allait faire. Devait-il plonger à la rescousse de son frère ou...
- Je te tiens !
Laura avait empoigné Claude par le col et le tirait vers elle. Ce dernier glissa, tomba de nouveau ,et Laura retourna dans le torrent avec un grand 《 plouf 》, veillant à tenir son panier hors de l'eau sans renverser les œufs. Ils ressortirent en riant et retombèrent sur la rive , les chaussures gorgées d'eau, les vêtements plaqués sur le corps et les cheveux pendants .
- on a cassé deux œufs , dit Laura.
- Désolé .
- C'est bon, tu savais pas .
Ils étaient trempés comme des rats et souriaient comme deux nigauds.
- Je dois rentrer, dit Laura en se tordant les cheveux. C'est le dernier jour de mon frère. Ils la raccompagnèrent jusqu'à la lisière du domaine .
Le Soleil de l'après-midi connaît fort - une chance , d'après Laura , car la chaleur secherait ses vêtements et ses cheveux.
- A un de ces jours , lança-t-elle .
Claude et Frédéric la suivirent des yeux durant quelques minutes. Elle entra dans le jardin par un portail et pose son panier par terre. Puis elle se precipita vers Stuart, un grand jeune homme tout dégingandé au sourire immense, arborant la coupe réglementaire.
Il souleva sa petite sœur et la fit tournoyer dans ses bras . La tête en arrière, elle riait à gorge déployée en lui enserrant la taille de ses jambes. Toute la famille se massa autour d'eux pour les regarder avec des sourires plein de tendresse.
- Hé ! s'écria Stuart . Mais tu es toute mouillée ! Tu sens le torrent. Et le soleil ! Tu vas me manquer mon petit rayon de soleil .
C'était ce genre de chose que M.McClatchy aurait dû couvrir pour son journal , pensait Frédéric. Une famille comme celle-là, une famille sans belle maison ni possessions de prix. Ils étaient tout les uns pour les autres, unis par un amour qui sautait même aux yeux d'un étranger.
Sans doute McClatchy retorquerait-il qu'un  article sur une famille ordinaire ne faisait pas vendre . Même si ce genre d'histoire  avait fait la gloire de John Steinbeck.
- Père me manque , dit Claude tandis qu'il retournaient à pied au camp .
Frédéric entoura les frêles épaules de son petit frère. De retour au cottage , celui-ci se lança avec le volubilité dans le récit passionné de leur aventure. Comme le redoutait Frédéric, ces péripéties ne furent pas du tout du goût de leur mère . Elle gronda Claude pour avoir mouillé ses chaussures et déclara :
Vous êtes ici pour jouer avec les autres résidents. Pas avec les enfants des employés.
- Ça compte ? S'enquit Claude
- Bien sûr, ça compte.
- Pourquoi ?
- parce que les autres résidents sont comme vous. C'est cette sorte de gens que tu cotoieras toute ta vie.
- Et si j'ai pas envie de côtoyer les gens comme moi ? demanda Claude. 
Frédéric ricana.
- Maintenant , tu comprends l'effet que ça me fait de devoir te supporter.
- toi même , andouille ! Riposta Claude.

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