chapitre 3

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Chapitre 3 :

- Et bien, dit Frédéric en rattachant sa ceinture. Qu'elle aventure !

Lisa se réengagea sur la route en s'efforçant de recouvrer son calme.

- Personnellement, lâcha-t-elle , je me passerais volontiers de ce genre de péripéties.

Elle conduisait lentement, avec prudence excessive, comme si tous les regards étaient braqués sur elle .
Frédéric ne semblait pas avoir été perturbé par l'épisode avec le policier. Il avait poliment fait remarquer à celui-ci que dans un pays libre comme le leur , une belle-fille pouvait s'inquièter pour son beau-père sans faire de lui un hors-la-loi.
L'officier Tolley les avait minutieusement interrogés , mais au grand soulagement de lisa , la plupart de ses questions s'adressaient à Frédéric. Et par ses réparties pleines de bon sens , ce dernier avait obtenu gain de cause.

- Jeune homme, avait-il déclaré, bien que l'idée d'être l'otage d'une femme séduisante ne soit pas pour me déplaire, je suis ici de mon plein gré.

Lisa avait produit son diplôme d'infirmière, et son autorisation d'exercer en s'efforçant d'apparaître terne et sympathique- une femme ordinaire, en somme. Elle avait eu tout le temps de s'entraîner...
Ses efforts avaient sans doute été payants, car , en fin de compte, le policier n'avait trouvé aucune raison de les retenir plus longtemps. Il les avait laissés partir en leur lançant : 《 bonne journée !》
Elle aperçut une station-service.

- ça va toujours ? Demanda-t-elle à Frédéric. Vous voulez qu'on s'arrête ?
- Non merci. On y est presque, non ?
Elle lui indiqua le gadget qui trônait sur la console.
- D'après le GPS, il reste encore 19 kilomètres.
- Quand j'étais jeune, nous prenions le train de Grand Central jusqu'à Avalon . Là , nous montions à bord d'un vieux bus tout déglingué qui nous conduisait au Camp Kioga.
Il s'interrompit.

- Pardon...
- De quoi ?
- De vous infliger mes souvenirs d'enfance. Je risque de vous soûler, vous savez .
- Ne vous excusez pas . Notre histoire commence toujours quelque part .
- Bien vu . Mais pour le reste du monde, la mienne n'a rien de bien intéressant.
- Détrompez-vous, Frédéric. Chaque vie est intéressante, chacune à sa façon.
- C'est gentil à vous de dire ça, et je suis certain que la vôtre ne fait pas exception à la règle. J'ai hâte de mieux vous connaître.

Lisa ne répondit pas . Elle gardait les yeux fixés sur la route - une petite route de campagne sinueuse et peu fréquentée menant à Avalon , ce hameau en bord de lac. Qu'elle facette d'elle-même montrer à cet aimable vieux monsieur, condamné par la maladie ? La brillante étudiante de l'école d'infirmières ? La femme célibataire qui ne s'encombrait d'aucune possession et enchaînait les déménagement ? Saurait-il la percer à jour et voir la femme déracinée qui se cachait sous le fragile vernis d'une vie inventée ? De temps en temps, certains de ses patients sentaient que quelque chose《 clochait 》 chez elle .
D'où sa décision de se spécialiser dans les soins palliatifs destinés aux malades en fin de vie.  Une raison macabre , mais au moins ne se leurrait-elle pas sur ses motivations.

- oh , je n'ai rien de bien intéressant, je vous assure, dit-elle a Frédéric.
- Ça, je n'en crois pas un mot . Prenez votre métier par exemple. C'est un choix fascinant de la part d'une jeune femme. Comment en êtes-vous venue à travailler dans cette spécialité ?
Elle avait une réponse toute prête .
- J'ai toujours aimé m'occuper des autres.
- Mais des mourants, lisa ? Ça doit être rudement déprimant , parfois, non ?
- C'est peut-être pour ça que je choisis uniquement mes patients parmi les vieux saligauds pleins aux as , répliqua-t-elle , pince-sans-rire.
- Ah ! Celle-là, je l'ai bien cherché ! N'empêche, je reste intrigué . Vous êtes jeune, jolie, intelligente... je me pose des questions, voyez-vous...

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