chapitre 2

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Chapitre 2

KAIA ( aéroport international de Kaboul , Afghanistan)

- elle a fait quoi ? Cria David dans le téléphone portable qu'il avait emprunté.
- Désolée, la communication passe très mal , dit sa cousine Ivy .

Elle lui téléphonait de sa maison de Santa Barbara où, du fait du décalage horaire, il était onze heures et demie plus tôt.
- elle a enlevé grand-père.

David fit jouer ses épaules.  Elles lui parurent étrangement légères . Durant deux ans , il s'était coltiné neuf kilos de combinaison blindée, de casque en kevlar et de gilet pare-balles . Maintenant qu'il rentrait chez lui , ce poids s'était envolé. Il avait rendu sa combinaison, dont il s'était débarrassé comme d'une peau désormais inutile.
- Tu m'a très bien entendue . D'après ma mère, grand-père a engagé une espèce d'aide de vie vaguement qualifiée qu'il a trouvée dans les petites annonces sur internet, et elle l'a kidnappé ! Elle l'a emmené jusqu'à un petit patelin du comté d'Ulster , un coin perdu dans les montagnes.
- C'est du délire, répliqua-t-il . Du pur délire.
A moins que ? En Afghanistan, les enlèvements étaient légions. Et l'issue en était rarement heureuse.
- Que veux-tu que je te dise ? Reprit Ivy , presque en s'excusant. Ma mère est complètement hystérique, elle me fait la grande scène du II.

En grandissant, David et Ivy , qui étaient cousins germains , s'étaient rapprochés du fait de leur point commun : tous deux s'étaient affligés d'une mère spécialiste du psychodrame au quotidien. De quelques années plus jeune que David , Ivy vivait à Santa Barbara, où elle s'adonnait à la sculpture d'avant-garde , quand elle ne lui envoyait pas de longs courriels angoissés par-delà les mers .
- Tu es bien sûre que tante Alice ne dramatise pas la situation ? Elle n'aurait pas tout inventé, par hasard ?
- Tu connais ma mère, avec elle on peut se attendre à tout _ son imagination ne connaît pas de limites.  En plus , elle est persuadé que grand-père perd la boule . Tout le monde sait d'une tumeur au cerveau peut pousser les gens à agir bizarrement. Quand peux-tu êtres à New-York ? On a vraiment besoin de toi , David.  Grand-père a besoin de toi . Tu es le seul qu'il écoute.  Et d'ailleurs, où es-tu au juste ?

David promena un regard circulaire sur l'aéroport étranger bondé de soldats en tenues de camouflage couleur sable.
Ils echangeaient des anecdotes entre eux : souvenirs de fusillades , d'attentats sucides , d'embuscades en bord de route ... Son transport jusqu'ici avait été sa dernière manœuvre militaire sur le terrain . Il se rappelait avoir pensé :《 je vous en prie , faites que rien ne m'arrive maintenant !》Il ne voulait pas être le héros malgré lui d'un de ces articles déprimants qu'on lisait dans les feuilles de chou locales : le dernier jour de sa mission, il trouve la mort dans une attaque de convoi ...
Il se représenta Ivy dans son atelier bohème, perché sur le promontoire rocheux surplombant Hendry's Beach . Un album de Cream passait en fond sonore . Elle devait être entrain de faire du café dans sa cafetière à piston française, l'œil rivé sur les surfeurs pagayant vers lebeach-break en vue de leur séance de glisse matinale.
- je suis en route , repondit-il .

Les soldats qui rentraient attendaient dans le KAIA depuis des heures. Le temps s'écoulait au rythme d'un glacier. A l'origine, leur vol était censé décoller à 14 heures, mais il avait été retardé à 21h45 . On leur avait ordonné de retourner sous la tente des départs, où ils avaient été soumis au confinement obligatoire, à savoir rester assis dans une chaleur étouffante, totalement désœuvrés, dans l'attente du moment d'embarquer. Enfin, il avait été 21h45 et , depuis rien. Mais le retard n'avait surpris personne. La voix de sa cousine le ramèna sur terre .
- David ? Combien de temps te faudra-il encore avant de rentrer ?
- je m'y emploie, figure toi.

En ce moment , il aurait tout aussi bien pu être sur une autre planète, tant il se sentait loin de tout .
- Qu'est-ce qu'il a , grand-père, au juste ?
- Écoute, voilà ce que je sais . Il était en traitement à la clinique Mayo . Et c'est la , je crois , qu'on lui a annoncé...
Un sanglot l'interrompit.
- on lui a annoncé le pire diagnostic qui soit .
-Ivy ...
Elle le coupa :
- la rumeur est inopérable . Cette fois , même ma mère ne pourrait pas en rajouter dans le tragique . Il va mourir , David.

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