Solana se trouvait dans sa pièce favorite du palais, la bibliothèque, lorsque des cris lui étaient parvenus. Craignant une nouvelle manifestation des mécontents qui agitaient la capitale de l'Impire de Terranée, elle était allée s'enquérir auprès de son garde des raisons de toute cette agitation. Agape, pour toute réponse, s'était déplacé pour ouvrir l'une des immenses fenêtres donnant sur une artère pleine de vie de la ville, laissant le vent apporter à Solana sa réponse.
Celle-ci sentit son sang bouillir lorsqu'elle comprit. Ces passants ne s'insurgeaient pas des dernières mesures économiques de l'Imperator. Non, ils la louaient, elle. Ces louanges du peuple, son peuple, l'emplirent de fierté avant qu'elle ne réalise pourquoi elle était soudainement l'objet de tant d'adoration. Elle, se fiancer ? Elle, épouser un Emirouite ? Solana sentit des larmes poindre sous ses paupières scellées par l'émotion.
Solana était l'héritière du trône de l'Impire, représentante de la puissante famille Litan qui siégeait sur le trône de Solis depuis des siècles. Elle avait compris dès son plus jeune âge que sa vie et sa personne appartenaient à ses futurs sujets, et qu'elle n'aurait pas la liberté de faire des choix concernant son avenir. Solana était consciente que c'était la seule manière de garantir aux Terranéens leur sûreté et la stabilité de leur Impire. Et Solana ne s'était pas plainte une seule fois, elle n'avait jamais ne serait-ce que rêvé à une existence plus libre, puisqu'elle savait qu'elle tenait le futur de l'Impire entre ses mains. Les responsabilités qui pesaient sur ses épaules, elle les accueillait avec fierté, étant donné qu'elles prouvaient que Solana était la seule personne à pouvoir aider les Terranéens.
Elle ne les avait jamais fuies, ces responsabilités. Elle avait toujours veillé consciencieusement au bien-être de la population. Mais cela, c'était trop. Bien trop.
Pourtant, le mariage avec l'héritier des Emarats ne lui semblait pas repoussant. Elle avait toujours su qu'elle devrait renforcer une alliance avec une puissance importante, alors que le nombre des soutiens de son père se réduisait de jour en jour. Mais ce qui motivait ce sentiment d'injustice, d'horreur qui lui serrait la gorge, c'était la manière dont elle apprenait ces fiançailles. Solana avait toujours su qu'elle serait amenée à diriger l'Impire, à porter sur ses épaules tous les fardeaux de son peuple. C'est pourquoi elle ne comprenait pas pourquoi son père l'excluait systématiquement de ses décisions.
Solana ne se faisait pas l'illusion de croire qu'elle aurait eu son mot à dire sur le choix de son futur époux. Elle aurait seulement aimé qu'une fois, juste une fois, son père l'invite à réfléchir avec lui sur ce sujet qui la concernait de près.
Alors que son cœur se fissurait sous l'impact de cette preuve du désintéressement de l'Imperator, elle réalisa que ses joues étaient humides. Elle leva les yeux vers Agape, son garde, qui la regardait sans ciller de ses yeux si dérangeants. Elle n'aurait pas dû pleurer devant lui. Elle n'aurait pas dû laisser voir ses émotions ainsi. Solana savait très bien comment fonctionnaient les serviteurs. Celui-ci allait répéter le moment d'abandon de l'Imperatorina à ses amis, qui allaient à leur tour en faire profiter d'autres employés jusqu'à ce que la totalité du palais soit au courant que Solana Litan n'était qu'une pleurnicheuse. Elle avait déjà pour réputation d'être faible et cet incident n'allait rien arranger.
Elle planta ses yeux dans ceux, du rouge sang sevadain, d'Agape. Elle ne faisait pas confiance à ce garde que son père lui avait imposé. Elle savait qu'il était le meilleur spadassin de la garde royale, et qu'il avait renoncé au titre de Duc de Sevada pour la servir. Ce qu'elle ne comprenait pas, en revanche, c'était pourquoi. Et ces motivations inconnues lui faisaient peur. Elle l'imaginait la trahir, tout raconter de ses habitudes à sa sœur, loin en Sevada.
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Imperator
FantasyUne tour dont la puissance ne voit jamais le jour, Une reine qui préserve son peuple de la peine, Un cavalier par son devoir et son amour tiraillé, Un pion auquel personne ne prête attention, Un roi plus faible que l'on ne le croit, Un fou à la rech...