3.3 ~ Le Cavalier

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    Les trompettes retentirent alors qu'Agape commençait à somnoler. Cela faisait des jours qu'il montait la garde devant la porte de l'Imperator. Earol Litan l'avait affecté à sa protection le temps de la visite d'Ai-dan, moyen subtil de lui assurer son soutien face à la vague de tensions qui déferlait sur le palais.

    Au début, Agape avait bien évidemment songé à refuser. Il n'avait pas quitté son Duché pour veiller sur l'Imperator mais sur sa fille. Pourtant, il avait vite été obligé de changer d'avis, lorsqu'il avait compris qu'accepter la proposition était son seul moyen d'échapper à la guerre froide qui s'était emparée de la capitale.

    Il était facile de distinguer les deux camps. Les armes étaient devenues un signe de ralliement, sous l'épée terranéenne pour les soutiens d'Agape et sous le sabre emirouite pour les disciples d'Ars-lan. Il n'était pas rare de voir arriver à son poste un soldat couvert de contusions, pestant et injuriant ses congénères. Ars-lan et Agape se trouvaient bien sûr au centre de l'effervescence, mais si l'un semblait savourer l'attention dont il était l'objet, l'autre se sentait pour la première fois oppressé dans un palais dans lequel il avait pourtant passé une partie importante de sa vie.

    Faire le pied de grue devant la chambre impiriale était finalement la meilleure solution pour s'éloigner de la fosse aux serpents qu'était devenue la cour. C'était aussi un moyen pour Agape de récupérer de ses blessures du combat contre les Emirouites, puisqu'il ne se passait jamais rien qui ne sollicitait ses membres fourbus et sa chair en cours de cicatrisation. Jusqu'à ce les trompettes retentissent.

    Le son était bien trop fort et Agape fut désorienté quelques instants. Puis il mit du temps à se rappeler de la signification de ce rythme simple mais diablement efficace. Jusqu'à maintenant, à chaque fois qu'Agape était allé combattre, c'était au son des cris de ses supérieurs, voir dans le meilleur cas des tambours de guerre. Mais ce signal signifiait la fin du repos d'Agape. Puisqu'il communiquait l'entrée d'un intrus dans le palais.

    Il fit volte-face immédiatement après avoir compris la situation et se heurta à un Imperator essoufflé qui venait de sortir de sa chambre.

    — Agape ! Agape, tu m'entends ?
— Oui, Imperator. Les trompettes ont manqué de me rendre sourd, mais tout va bien.

    Insensible à sa tentative d'humour pour détendre l'atmosphère, Earol reprit avec la même urgence dans la voix.

    — Tu dois te rendre dans la chambre du prince des Emarats. D'accord ? Qui que l'intrus soit, il va chercher à tuer Ai-dan. Tu dois le protéger.
— Mais vous êtes la priorité, Imperator, protesta Agape qui nageait dans la plus grande confusion. Et puis Ars-lan doit protéger son prince !

    Earol Litan soupira et Agape sentit sa main se poser sur son épaule.

    — Je ne suis plus la priorité depuis longtemps, Agape, tout le monde l'a compris. Plus depuis que ma fille est là pour prendre le pouvoir, et encore moins après les fiançailles avec les Emarats. Il faut protéger le prince, pour sauvegarder notre alliance. Fañik ne me pardonnerait jamais la mort de son fils. Et mes hommes me rapportent qu'ils ont vu Ars-lan aller en ville dans une taverne. Il ne sera jamais de retour à temps.
— Mais Imperator...
— Fais ce que je te dis, soldat !

    L'habitude reprit le dessus sur la conscience et Agape se mit au garde-à-vous.

    — Oui Imperator. Tout de suite.

    Puis il tourna les talons, et se mit à courir. Il connaissait bien l'aile du palais dédiée aux invités. Il l'avait parcourue de nombreuses fois au début de sa prise de fonctions, se méfiant de tout nouveau au palais, désireux de protéger Solana.

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