3.1 ~ Le Roi

44 6 126
                                    

    Balden ne sortait plus de sa chambre. Il ne comprenait pas. Qu'avait-il fait pour mériter la pluie de calamités qui s'abattait sur lui ainsi ? Entre les fiançailles avec la paysanne, la mort de son père... Et la dernière nouvelle qui venait de s'ajouter au cataclysme. À vrai dire, si cela ne tenait qu'à lui, Balden se moquerait royalement de la fuite d'Aëlle. Il s'en réjouirait, même. Un rayon de soleil dans son quotidien sombre. Mais évidemment, le Duché entier ne voyait pas son départ du même oeil, et il fallait absolument retrouver celui qui avait de grandes chances de monter sur le trône de Creüse... à la place de Balden. Cette idée le faisait grincer des dents. Mais il était vrai que sans Aëlle, Chiara serait exposée, une fois seule après le mariage. Oui, cela le tuait de l'admettre, mais Aëlle avait réussi en s'évanouissant dans la nature à compliquer encore plus la situation pour Balden.

    Il passait ses journées assis à son bureau, une plume sans encre dans la main, une feuille vierge devant lui, les yeux levés vers la peinture de la Déesse Ferilis sur le mur. Balden n'avait jamais été très pieux. Il n'avait pas besoin d'une puissance supérieure, il s'aidait tout seul. Mais depuis quelques jours, il ne faisait que fixer le regard doux de la Déesse, cherchant désespérément une réponse. Qu'avait-il fait pour mériter ça ?

    Il s'était toujours appliqué à mener une vie exemplaire. Il n'avait jamais trahi personne. Il rendait toujours hommage aux Dieux après avoir tué quelqu'un, allant jusqu'à apprendre tout le panthéon pour rendre un hommage spécifique selon le Duché d'origine de ses victimes. Il n'avait jamais menti, jamais caché quoique ce soit à son père. Excepté...

    Non, cela ne pouvait pas être ça. Les battements du coeur de Balden s'accéléraient. Cela ne pouvait pas être elle. Non, ils n'avait rien fait de mal. Il ne l'avait jamais laissée le toucher. Non, cela n'avait jamais été plus loin que de simples paroles. Les mots ne pouvaient pas offenser les Dieux, n'est-ce pas ?

    Il ne parvenait plus à déglutir. Les yeux de Ferilis semblaient tout d'un coup accusateurs. Serait-ce de sa faute ? Serait-ce parce qu'il lui avait permis de rentrer dans son coeur, elle une étrangère au Duché ? La mort de son père, la disparition d'Aëlle... étaient-elles sa punition ? Balden avait l'impression qu'une lame se frayait un chemin jusqu'à son coeur.

    — Capitaine ?

    Il était si absorbé par ses réflexions qu'il n'avait pas entendu le soldat approcher. S'il avait été un assassin envoyé pour l'exterminer, Balden aurait cessé de respirer. Et tout ça, de sa faute à elle. Parce qu'elle occupait toutes ses pensées. Il était temps que cela cesse.

    — Que se passe-t-il ?

    Sa voix était enrouée à force d'être inutilisée.

    — Capitaine, excusez-moi du dérangement mais nous avons la visite d'une Duchesse, et vous êtes le seul à pouvoir la recevoir.

    Balden se leva immédiatement. Il avait été formé à cela, les réceptions, les décisions d'urgence. Il était fait pour ça. Cela lui permettrait de se changer les idées.

    — Qui est-ce ? interrogea-t-il en nouant les pans de sa toge.
— La Duchesse Valana Hakeat, capitaine.

    Il accusa le coup en silence, puis renvoya le soldat. Ce n'était pas le moment, pas le moment du tout. Mais il n'avait pas le choix. Alors il finit de revêtir le tissu pourpre et prit une inspiration avant de rejoindre la salle de réception.

    Elle y était déjà, bien évidemment. Elle connaissait le chemin, pour être venue voir Baldor d'innombrables fois. Elle se tenait en équilibre au-dessus de la rambarde du balcon, dans une position criante de vulnérabilité. Il suffisait de donner une petite impulsion pour qu'elle chute. Mais cela ne serait venu à l'esprit d'aucun des Terranéens. Tous connaissaient la force de la Duchesse de Sevada.

ImperatorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant