|Comme je te vois|•

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Yuei, 11h
Salle commune internat

Après avoir expliqué en détails comment s'était déroulé mon entraînement, mes amis m'avaient raconté le leur, me citant les progrès qu'ils avaient fait et les choses qu'il y avait encore à travailler.

Eijiro: J'ai hâte de m'y remettre, il faut que je travaille davantage !

Tsuyu: Moi aussi !

Je leur souriai en m'apprêtant à répondre, mais mon téléphone qui vibrait dans ma poche attira mon attention.

Numéro inconnu..?

Arquant un sourcil, je décrochai et portai l'appareil à mon oreille.

(T/p): Allô..?

???: (T/p)..? C'est toi ? J'ai besoin de toi !

Je me levai subitement, reconnaissant directement la voix de l'autre côté du téléphone et me crispai presque entièrement tant la surprise m'avait frappée.

Ma vive réaction attira quelques regards aussi surpris que moi et Shoto, qui se tenait assis à mes côtés, se leva à son tour pour se mettre dans mon champs de vision.

Shoto: Tout va bien ?

???: (T/p) ! Je sais que c'est toi, réponds-moi !

La voix du téléphone semblait commencer à paniquer, ce qui fit monter une vive angoisse qui picota mon estomac. Me réfugiant dans les yeux de Shoto pour trouver un repère, je lui hochai lentement la tête avant de m'éloigner du groupe pour aller dans un coin tranquille.

Une fois seule, je soupirai longuement en tentant de calmer les battements de mon cœur.
Puis j'attendis quelques secondes supplémentaires, durant lesquelles la voix continuait de presque me supplier de répondre.
Alors je l'ai fait.
Même si l'envie manquait.

(T/p): Papa..?

Tochi: Dieu merci, tu réponds !

Je grimacai légèrement devant l'emploi du nom qu'il venait de faire.
C'était un être en qui il ne croyait même pas.

Tochi: Écoute, j'ai besoin de toi. Je t'expliquerai une fois que tu seras là.

(T/p): D'où crois-tu que j'ai l'envie de te voir ?

Ma réponse avait sonné plus sèche que je ne le pensais. Il y eut un silence.
Un silence de panique pour mon père.

Tochi: E-écoute, je sais que je n'ai pas été très.. présent. Mais j'ai besoin de toi, là.
Vraiment. 

Tentant de retenir les larmes qui menaçaient de couler, je hochai la tête pour moi-même en mordillant l'intérieur de ma joue, jusqu'à la faire saigner.
À ses yeux, il n'y avait que lui qui comptait.

(T/p): Parce que moi, je n'ai pas eu besoin de la présence d'un père, peut-être ? Tu sais combien de fois j'ai espéré recevoir un appel, ou ne serait-ce qu'un bête mot tapé pour me demander si j'allais bien ?

Tochi: (T/p)-

(T/p): Ou alors, combien de fois j'ai menti à maman quand elle me demandait si je t'avais appelé ?

Tochi: Écoute, je sais que-

(T/p): Ben non, tu sais pas !

Il n'y avait que la colère qui parlait.
La retenue et la bonne conduite qu'on m'avait apprises à employer avec les adultes avaient complètement disparues.
J'imagine que les choses auraient pu se passer autrement, si j'avais fait preuve d'un peu patience.
Mais, de la patience, je n'en avais plus aucune.

(T/p): Tu sais rien. Tu sais pas le nombre incalculable de fois où je suis tombée sur ta putain de messagerie ! "Bonjour, désolé de ne pas être disponible. Laissez-moi un message et je vous rappellerai dès que je pourrai" Mon cul, oui ! J'l'emmerde cette messagerie, tout comme j't'emmerde toi !  T'as été un père absent toute ma vie et tu penses qu'un bête appel va pouvoir recoller les morceaux ?!

J'essuyai de revers de la manche la larme de rage qui s'était permise de couler et pris le temps de soupirer pour reprendre un peu de calme.

Tochi: (T/p), je te jure que-
Monsieur (T/n), votre temps d'appel est terminé, vous devez raccrocher. 

Je fronçai les sourcils devant la voix inconnue qui venait de s'adresser à mon père.
Puis j'eus le souvenir du numéro inconnu qui s'était affiché sur mon téléphone.
Et la colère laissa place à l'appréhension.

(T/p): T'es quand même pas là où je pense ?

La voix de mon père fût prise de panique et il parla tellement vite que j'eus presque du mal de comprendre.

Tochi: Je suis à la prison de Musutafu.
T-tu es la seule que j'ai mise sur la liste des personnes que je souhaitais avoir en visite, alors.. s'il te plaît, viens. O-on aura l'occasion de discuter plus facilement que derrière un combiné.
(T/n), vous êtes prié de raccrocher.
Oui, je vais le faire !
Les visites sont de onze heure trente à treize heure.
Passe me voir, s'il te plaît (T/p).

Et l'appel se termina sans même que je ne puisse réellement avoir le temps de réaliser.
Je fixai bêtement mon téléphone qui affichait "Appel terminé" avant de passer une main dans mes cheveux.

(T/p): Merde, merde, merde...

Fourrant mon téléphone dans ma poche, je traversai en vitesse la salle commune pour éviter que mes amis me posent des questions, et filai tout droit vers la salle des professeurs afin de demander une autorisation de sortie à Aizawa.

Je n'eus pas besoin de me justifier.
Il comprit certainement à la manière dont je le regardais que c'était urgent, puisqu'il me laissa partir sans me demander d'explication.

Je pris donc le bus en direction de la prison et envoyai un message à Shoto qui expliquait brièvement la situation et où je m'excusais d'être partie aussi subitement sans rien dire à personne.

Allez savoir pourquoi je me sentais aussi concernée par la vie d'un homme qui n'avait jamais vraiment joué un rôle dans la mienne.
Sans doute avais-je l'audace de penser que quelque chose avait changé.

Ou peut-être étais-je juste trop bête de le croire.

Prison de Musutafu,
11h47

Accueil: Pièce d'identité s'il vous plaît.

À la demande de la dame qui semblait déjà fatiguée d'être là, je sortis ma carte d'identité, avant de passer par un détecteur de métaux.

Accueil: Vous pouvez y aller. C'est sur votre droite.

Récupérant ma carte, j'entrai dans la salle indiquée. Plusieurs personnes étaient là, attablées avec l'individu qu'elles étaient autorisées à voir seulement à des heures fixes.

Rapidement je repérai la table où mon père se trouvait.
Et je m'y rendis d'un pas hésitant.
Il releva la tête lorsqu'il senti ma présence et esquissa l'ombre d'un sourire qui n'avait rien de chaleureux. Il avait perdu son éclat.

Sans dire un mot, je pris place face à lui et observai ses traits changés.
Le temps où il mettait du gèle dans ses cheveux (c/c) pour les maintenir en place, me semblait bien loin maintenant que j'étais face à un crâne rasé.
Ses yeux, creusés par la fatigue et son addiction, semblaient comme éteints.
Sa peau avait perdue de sa couleur et il avait le visage pâle d'un malade.
Je pouvais sentir sa jambe s'agiter sous la table, signe qu'il était nerveux.

Je détournai les yeux de la vision que j'avais, incapable de me faire à l'idée que cet homme était mon père.
En moi, j'ai senti quelque chose se rompre.
Et j'ai voulu pleurer.

•Between day and night
I walk as a shadow
In the light•
~
•Entre le jour et la nuit
Je marche comme une ombre
Dans la lumière•

-ᶠʳᵃⁿᵏ ʷᵃᵗˢᵒⁿ

•I need a real home• [ShotoXreader] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant