-14-

3.1K 260 2
                                    

Point de vue d'Eva:

La semaine est maintenant fini, les jours sont passés sans que je ne m'en rende compte.
Chaque matin j'ai passé le portail du lycée la boule au ventre.
Sera t'il là ?
Chaque soir je suis repartie un peu plus abattue.
Il n'est pas revenu.
Contrairement à moi les gens semblent déjà l'avoir oublié, personne n'a l'air de s'interroger sur sa brutale disparition.
Je ne sais pas pourquoi je fais une fixation sur lui après tout je ne le connaissais pas, mais depuis qu'il est parti je me sens en danger. Comme si sa présence bien que troublante était quelque peu rassurante.

Comme chaque soir, allongée sur mon lit, les yeux fixés sur le plafond, je repasse en boucle mes souvenirs, ses yeux, ses paroles ... Comme un disque rayé.
Quelque chose m'échappe, je le sens, mais je n'arrive pas à savoir quoi.

Heureusement que Tonio est là, plus les jours passent et plus nous sommes proches.
Sans lui donner de détails important je suis arrivée à me confier un peu plus à lui, il a été surpris de savoir ma mère vivante.
Je sais que je pourrais tout lui raconter, je pense qu'il me croirait, mais je sais qu'il ne supporterait pas l'idée de ne rien faire.
J'ai changé, mais je ne suis pas plus forte, les affronter me tuerais même avec quelqu'un pour m'épauler.
Depuis que je suis partie je n'ai même pas chercher à avoir des nouvelles, je ne me suis pas tenue informée de la vie du pays.
Une larme roule sur ma joue, je pense à lui. Je le revois encore, son sourire, ses fossettes qui se creusent quand il m'observe et que je le surprend. Il était déjà beau, contrairement à moi qui à 14 ans avait des allures de femme, lui avait tout d'un enfant.
Les 2 derniers mois de cours je crois qu'il avait pris 15cm! Comme si à 16ans son corps s'était brutalement réveillé.
Notre dernière semaine fut la meilleure de ma vie, la rivière, les glaces sur le chemin du retour. Une fois un groupe de filles s'est retourné sur notre passage, sans même y réfléchir je lui avait attrapé la main et m'étais serré contre lui. Je n'étais pas jalouse, mais c'est comme si d'un seul coup toute les filles étaient attiré par lui.
Il était mon meilleur ami et tellement plus, il me regardait avec adoration, quand il posait ses yeux sur moi je me sentais forte, belle, prête à déplacer des montagnes, j'aurais mis ma vie entre ses mains sans hésitation.

Les larmes se déversent maintenant en 2 torrents le long de mes joues, allant remplir le lobe de mes oreilles pour finir leur courses en détrempant le dessus de lit.

De tout ce qui à pu se passer ce qui me fait le plus mal c'est de me souvenir de ses yeux.
Au début j'ai cru y lire la honte, le mépris, je me sentais trahie, comment pouvait il ne pas me croire ?
Mais quand je suis partie et que je me suis retrouvée seule ici, j'ai fini par comprendre que se dernier regard exprimé la peur, sa peur.
Je pense aujourd'hui qu'il avait honte de lui même, mais qu'il avait trop peur pour assumer la situation á mes côtés.

Il était brillant, ses parents doivent être fière de lui, avec sa détermination il a dû réussir ses études et doit être entrain de passer ses diplômes. Je pense qu'il s'est orienté dans le droit, il a toujours dit qu'il voulait être juge. Mais peut être qu'à cause de moi il a perdu confiance en la justice.

Penser à lui me fait tellement de mal et en même temps m'aide à me souvenir de qui je suis. Peut être que je pourrais faire une recherche sur lui au café, après tout s'il a réussi il doit y avoir des informations sur internet.
Mon coeur s'emballe, il a du changé, si je vois des photos est ce que je vais le supporter? Au mon dieu il est peut être marié! Après tout chez nous la noblesse doit respecter un certains code d'honneur, il va avoir 20 ans sa famille va exiger qu il trouve une femme, c'est la règle.
Une colère noire vient remplacer le chagrin, non non et non je ne ferais pas de recherche, c'est fini, c'est le passé, je ne me contrôlerais plus si je vois une femme à son bras. Qu'est ce qu'il se passerait si je rentrais au pays? Là question ne se pose même pas, vu mon état je n'arriverais certainement pas à passer la sécurité sans qu'on me reconduise à la frontière.

Est ce qu'ils auront une pensée pour moi, je vais avoir 18 ans ce n'est pas rien, ma propre mère se demande elle au moins si je suis vivante, j'en doute, je frémis à l'idée qu'elle préférerait me savoir morte.

La musique se fait de plus en plus forte á l'extérieur, comme chaque vendredi la fête se prépare. Je me demande si il a quitté la ville où seulement le lycée, contre toute attente je décide de sortir pour vérifier qu'il n'est pas ici.

J'aperçois des visages familiers la plus part habitant ici, mais d'autres me sont totalement inconnus, j'ai l'impression d'être la plus jeune. Leur état d'ébriété avancé alors qu'il n'est que 21h ainsi que la fumée qui empli la salle commune, me conforte dans l'idée que je ne suis pas à ma place ici.
J'avance comme dans le brouillard, dépassant de petits groupes, visiblement chacun à sa composition personnelle de drogue, les rares regards que je croise semble vides, leurs yeux injectés de sang me terrifie.
Personne ici ne semble lucide, on se croirait dans un mauvais film d'horreur, sauf que je ne veux pas prendre le rôle de l'héroïne écervelée qui se jette naïvement au milieux des morts vivants.
J'accélère le pas, m'immobilise quand je vois une jeune fille d'environ mon âge se planter une seringue dans le bras sans même une once d'hésitation. Le piston de la seringue descend et c'est à peine si une fois le liquide injectée elle a la force de retirer l'aiguille. Deux hommes plus âgés sont à ses côtés sur le canapé ils semblent eux aussi inconscient.
Je me demande comment la direction du foyer peut laisser faire ça, mais d'un autre côté je sais qu'ici au moins ils sont en sécurité, Dieu seul sait dans quel endroit délabré ils pourraient squattés pour se droguer à l'abris des regards.

Plusieurs fois j'ai vu le Samu débarquer au matin, probablement des overdoses, un matin j'ai même cru comprendre que l'un d'entre eux été mort. Personne ne paraissaient choqué, et ils ont tous remis ça le soir même.

Ce qui est sûre c'est que jamais je ne toucherais à leur saloperie de mon plein grès, personne ne posera ses mains sur moi alors que je suis incapable de me défendre.
La bile me monte à la bouche, et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire je suis planté au milieu de la pièce, face à la fille au cheveux rouge la seringue à la main, entrain de vomir mon maigre repas.
Secouée de spasmes je tombe à genoux, personne ne me regarde comme si la scène était banale, je continue à me tordre sous les assauts de mon corps, qui cherche à expulser les souvenirs que cet environnement me rappel.

ApparencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant