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Il était encore là. À l'observer sans détourner le regard. Chaque fois qu'elle repensait à leur altercation de la semaine dernière, elle rougissait, se prenait la tête entre les mains et hurlait dans ses oreillers. On avait beau dire qu'on ne naissait pas timide, Hinata n'en croyait pas un mot. Depuis sa tendre enfance, elle avait toujours été effacée. Au point où on ne la remarquait pas dans la photo de classe et où on oubliait son prénom dans la liste. Un jour elle était allée au supermarché, faire des courses pour sa mère et au moment où elle atteignait la caisse automatique, après s'être fait dépassée par trois personnes, on lui avait demandé avec un sourire « tu veux un sac mon garçon? ». Elle avait serré les dents et péniblement hoché la tête, ne se sentant pas capable de contredire la caissière. Cette dernière avait attrapé un sachet plastique, rangé un à un ses articles et lui avait tendu son ticket de caisse toujours dans un sourire bienveillant. Hinata ce serait bien passé de cet acte de gentillesse, elle était assez grande pour ranger ses articles toute seule. Elle se serait également passé de cette humiliation prolongée au moment où elle lui disait au revoir et que d'autres clients la suivait du regard en remarquant à quel point le « garçon » ressemblait à une fille. Une fois chez elle, elle avait pleuré et avait décidé de laisser pousser ses cheveux.

C'est pourquoi, elle avait été troublée par le comportement du blond. C'était la première fois qu'on la regardait à ce point. Avec une insistance telle qu'elle avait l'impression d'être le seul être humain sur terre. Elle glissa un regard sur le muret, celui de la cantine, en face du bâtiment langues et lettres. Son bâtiment et donc son banc fétiche. On aurait dit qu'il se mettait là exprès. Elle surprit son regard et baissa les yeux en tournant la page de son livre. Un roman de Meg Cabot qu'elle devra sûrement recommencer une fois seule chez elle. Elle le connaissait, tout le monde connaissait Naruto Uzumaki. Le beau blond au yeux bleues du département ingénieries et sciences. L'ami de tout le monde, coqueluche des filles et pire ennemi des garçons. Ce devait être pesant, stressant et effrayant d'être ainsi au centre de l'attention, pensait Hinata. Elle n'aurait jamais supporté autant d'yeux tournés vers sa personne. Pourtant à chaque fois qu'elle voyait Naruto, elle avait l'impression qu'il aimait ça. C'était étrange.

Hinata entendit glousser à sa droite et s'enfonça un peu plus sur son banc.

- On remets ça?
- Carrément! Et toi Shion?
- Si Naruto en est. Répondit la jeune fille en haussant les épaules.

Elles s'étaient adossés sur le mur, juste derrière Hinata, à son grand malheur. Que devait-elle faire? Se lever? Partir? Pas possible. Elle sentait encore le regard de Naruto sur elle.

- Et toi Ino?
- S'il y a Naruto, alors Shika sera là aussi, ça me va.
- Jusqu'à quand tu comptes le faire poireauter? Demanda Sakura.
- Je le fais pas poireauter.
- Ah si, depuis le temps je pensais que c'était fini. Affirma Shion. Le mec est sur le point de se transformer en poireau.
- S'il vient demain j'officialiserais. Répondit Ino.

Des cris et des applaudissements retentirent à cette remarque. Hinata aurait presque eu envie d'applaudir aussi. Ce qu'elle pouvait les envier, d'être un groupe d'amies qui parlaient de garçon, se donnait des conseils tout en rigolant et en plaisantant. Elle referma silencieusement son livre. Ce n'était pas aujourd'hui qu'elle avancerait sur sa lecture. Elle rangea ses affaires et s'apprêta à partir au moment où elle croisa le regard de Naruto. Ses iris brillantes du reflet du soleil ne l'avaient pas quitté. Il l'avait vu se crisper à l'arrivée de ses trois amies, jeter quelques regards furtifs à son sac non loin, puis abandonner lâchement en se concentrant sur son livre. Il lui sourit et elle hoqueta.

- Naruto. Lança une voix derrière elle.

Les trois filles s'élancèrent en direction du petit groupe, qui s'était tourné en les entendant crier. Hinata en profita pour fuir. L'avait-il vu se presser jusqu'à la porte de son département? Troublée, elle se réfugia dans les toilettes, ferma la porte et s'assit sur l'abattant en bois. Ce n'est que là, qu'elle remarqua à quel point elle tremblait. Elle frotta ses mains moites sur sa petite jupe en coton et expira bruyamment. Depuis qu'elle avait perdue sa précieuse pince, chaque léger moment de panique prenait des allures de crises épileptiques. Ce n'était peut-être rien qu'un bijou, et ça ne se passait sûrement que dans sa tête, mais elle avait l'impression qu'il manquait quelque chose. Elle l'avait cherché indéfiniment, remontant le chemin dans tout les sens, vidant ses placard et ses poches de jeans, elle n'avait rien trouvé. C'était comme si quelqu'un l'avait prise. Absurde. Qui irait voler une breloque pareil?

Brûle PapillonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant