𝐋𝐚 𝐕𝐢𝐝𝐚

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-(T/p), (T/p)! J'ai réussi!

Emma, toute fière, court vers toi pour te coller quelque chose de poisseux sous le nez. Tu grimaces à cause de l'odeur forte qui s'en dégage et recules dès que tu te rends compte que c'est un oiseau mort, au plumage vert et gris, couvert de sang.

-Tu as fait ça toute seule? demandes-tu à ton amie, à la fois impressionnée et dégoûtée.

-Oui! Grâce à Sonju et Norman, j'ai enfin compris comment tenir un arc, et les gestes sont venus tout seuls!

Tu dévisages ton amie, te demandant comment elle peut apprendre aussi vite. Puis la réponse se fait d'elle-même: Emma, Norman et Ray sont réputés pour être des génies, chacun à sa manière. A Grace Field, ils avaient toujours les meilleurs résultats aux tests, Emma était curieuse de tout et Norman comprenait sans grande difficulté, tandis que Ray passait le clair de son temps à la bibliothèque à lire un peu de tout. Toi, c'est la peur qui te faisait travailler ; tu savais que de bons résultats optimiseraient tes chances de devenir maman, Isabella te l'avait dit.

Tu souris à Emma, tandis que Sonju, Ray et Norman vous rejoignent. Ces deux derniers ont eux aussi fait pas mal de progrès au tir à l'arc, même si Norman a toujours du mal à tendre la corde avec ses bras trop faibles et que Ray ne semble pas très motivé, préférant lire à l'ombre d'un arbre.

-Alors, Sonjounnet? Qu'est-ce que tu dis de ça? fait Emma, visiblement très fière d'elle, l'oiseau ensanglanté toujours entre les mains. Impressionnant, n'est-ce pas?

-C'est bien, répond ce dernier sans prêter attention au surnom. Maintenant, il faut faire la Gupna.

-La quoi?

Sonju ne répond pas, tu remarques alors une fleur entre ses doigts griffus, qu'il plante dans le poitrail de l'oiseau. Les pétales se déploient et prennent une teinte rouge sang, sous ton visage soudain devenu blême.

Tu connais cette fleur.

-La Gupna, explique Sonju, consiste à présenter la proie tuée aux dieux. S'ils acceptent sa mort, les pétales de cette fleur, que l'on appelle la Vida, se colorent. C'est seulement dans ce cas là que l'on peut manger la...

Tu n'écoutes pas la fin de sa phrase. Tes yeux se brouillent de larmes et la douleur dans ton crâne se réveille. Tu recules de quelques pas, puis sans réfléchir, pars, sous les regards surpris des autres.

Voir cette fleur fait réapparaître des scènes auxquelles tu n'aurais plus jamais voulu assister. Tu as très peur tout à coup, la présence de tes frères et sœurs ne suffit plus à te faire te sentir en sécurité.

Car si la Vida est bien réelle, c'est qu'il y a une effrayante part de vérité dans tes cauchemars.

🧭🧭🧭

-(T/p)?

Adossée contre un arbre, tu t'essuies rapidement les yeux et te tournes vers Norman, qui s'assied par terre, à côté de toi.

-Ca fait dix minutes qu'on te cherche, déclare t-il d'une voix douce. On discutait tranquillement, puis tu es partie brusquement sans qu'on ne comprenne pourquoi... Tu veux en parler?

Tu ne réponds pas tout de suite, perdue. Tu as envie de te confier, que quelqu'un te comprenne, mais tu n'as aucune envie de parler de tes cauchemars. Tu ne ferais qu'effrayer tes frères et sœurs, et avec tout ce que vous devez déjà gérer, ils n'ont pas besoin de ça. Pour le moment, tu décides de reléguer tes doutes, tes peurs et tes questions dans un coin de ta tête, tu as plus important à faire. A commencer par rassurer le pauvre Norman qui attend toujours une réponse de ta part.

-C'est rien, déclares-tu.

Comme tu ne sais pas quoi ajouter, tu te décides à sourire. Vite, penser à quelque chose de drôle. Mais tout ce qui te vient en tête, c'est l'image de la coquille d'Arnaud, feu ton escargot, brisée en mille morceaux après que tu aies marché dessus, ce qui te donne une horrible envie de pleurer.

-J'ai mal à la tête, finis-tu par expliquer en ravalant tes larmes. J'avais besoin de prendre l'air.

Après tout, ce n'est pas comme si vous étiez déjà dehors... Tu t'infliges une claque mentale pour ta stupidité, mais à ton grand étonnement, Norman a l'air de te croire, du moins, il ne pose pas de questions.

-On rejoint les autres? te propose t-il avec un petit sourire. Je n'ai aucune envie de croiser des démons, surtout que toi et moi ne sommes pas très doués, niveau auto-défense... A ce propos, tu ne connaîtrais pas une ou deux astuces pour se muscler les bras? Les miens sont aussi solides que du yaourt...

Sa remarque a le don de te faire rire, et c'est après avoir ramassé quelques noisettes pour William que vous prenez le chemin du repaire, les larmes déjà effacées de ton visage, mais la douleur dans ton cœur toujours présente.

𝐏𝐋𝐈𝐆𝐇𝐓 ᴿᵃʸ ˣ ᴿᵉᵃᵈᵉʳ│Tome 2 [En réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant