𝐅𝐢𝐞̀𝐯𝐫𝐞

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Des démons, des centaines de démons. Tu es perdue parmi eux, dans une foule compacte. Ton cœur tambourine dans ta poitrine, tu es morte de peur. Mais leurs regards glissent sur toi sans s'arrêter, ils ne te voient pas, c'est comme si tu étais invisible.

Tu comprends qu'ils sont tous concentrés sur ce qu'il se passe au milieu, au centre de la gigantesque pièce. Tu es loin, tu ne vois pas bien. Mais tu peux distinguer cinq, non six personnes, des humains.

Tu n'arrives pas à identifier les visages, tout te paraît flou, comme si on avait gommé leurs traits. Ils sont habillés de blanc, grands en taille, leur carrure te laisse penser que ce sont de jeunes adultes, excepté l'un d'entre eux, dont le dos courbé le fait paraître plus âgé.

Un démon fend la foule, s'avance vers eux, tu comprends enfin pourquoi ils restent immobiles: des liens entravent leurs mains, les empêchant de se défendre ou même de faire un simple geste.

-Humains, déclare le démon d'un ton solennel. En ce jour de 𝐓𝐢𝐟𝐚𝐫𝐢, vous honorez votre promesse, et nous honorons la notre.

Il s'approche un peu plus d'eux. Tu remarques des fleurs aux pétales blancs encore fermés entre ses mains aux griffes aiguisées.

-Que la 𝐕𝐢𝐝𝐚 apporte à nos mondes la paix éternelle.

Commence alors un massacre qui te pétrifie sur place. Les tiges aux extrémités aussi pointues que la lame d'un couteau transpercent six cœurs. Un geste rapide, presque habituel, comme si le démon faisait cela tous les jours. Et d'un seul coup, les visages redeviennent net, tu peux y lire toute l'horreur et la douleur que chacune de ces personnes doit ressentir. Puis les corps retombent, inertes, dans une mare de sang, tandis que les pétales des fleurs se déploient en quelque secondes, comme en accéléré, jusqu'à se colorer de pourpre. Une pluie d'applaudissement vient couronner le tout, te donnant envie de vomir.

D'abord, tu baisses les yeux, refusant de regarder les cadavres. Puis tu te décides à jeter un coup d'œil aux visages pour te souvenir, ne pas oublier ces condamnés. Tu les fixes comme si faire cela te permettait d'enregistrer à jamais leurs traits encore juvéniles et l'horreur dans leurs regards.

C'est là qu'un détail te glace le sang.

Parmi les cadavres, l'un d'entre eux attire ton attention.

Des cheveux d'un noir de jais, une peau pâle, des yeux gris, qui même dépourvus de vie, brillent d'un éclat triste.

🧭🧭🧭

-Ray!

Tu te réveilles en sursaut, haletante et paniquée. Tu as chaud, beaucoup trop chaud, des gouttes de sueur perlent sur ton front et tu as l'impression que ta tête va exploser tellement tu as mal. Tu te dépêtres dans tes couvertures emmêlées, le cœur encore battant après ce que tu as vu.

-Ce n'était qu'un cauchemar, souffles-tu pour te rassurer. Un horrible cauchemar. C'est fini.

Tu regardes tes frères et sœurs endormis à côté de toi, ce qui t'aide un peu à retrouver la réalité. Vous êtes dans une grande galerie, et tout le monde s'est assoupi autour d'un feu qui commence à s'éteindre. Tu jettes un coup d'œil à Ray qui dort comme un bébé, un peu plus loin.

Tout va bien.

Il n'y a aucun danger, tout le monde va bien.

-(T/p)? Tu ne dors pas?

Tu sursautes, avant de te tourner vers Sœur Krone, que tu n'avais même pas remarquée, trop troublée par les images de ton cauchemar encore présentes dans ta tête. La jeune femme est tranquillement assise adossée contre un mur, un livre à la main.

-J'ai fait un cauchemar, lui expliques-tu.

-Un cauchemar? répète t-elle. Quel genre de cauchemar?

-Je... je ne sais plus très bien, mens-tu. Je crois que j'ai de la fièvre.

Sœur Krone s'approche de toi et pose une main sur ton front pour comparer ta température à la sienne. Ses sourcils se froncent et elle te regarde avec inquiétude, ce qui n'annonce rien de bon.

-Tu es brûlante, t'explique t-elle. Vous avez emmené des médicaments avec vous, avant de vous évader?

-Non, réponds-tu en essayant de ne pas prêter attention à ton crâne qui est de plus en plus douloureux. Seulement des compresses pour l'oreille de Ray.

-Bon, soupire la jeune femme en te regardant avec un air toujours embêté, je vais mettre un linge humide sur ton front, ce sera déjà ça. Je suis désolée, c'est tout ce que je peux faire.

-C'est déjà bien, lui souris-tu faiblement dans la pénombre. Merci.

-C'est normal. Et puis, je comprends ce que tu ressens.

-Ah? fais-tu d'une voix presque inaudible en te demandant ce qu'elle veut dire par là.

Sœur Krone n'ajoute rien et part chercher une gourde. Quand elle revient avec un linge humide, tu es à moitié somnolente. Tu aurais aimé rester un peu plus longtemps éveillée, mais le sommeil te rattrape. Et c'est avec une rapidité déconcertante que tes paupières se ferment et que tu sombres dans les bras de Morphée.

𝐏𝐋𝐈𝐆𝐇𝐓 ᴿᵃʸ ˣ ᴿᵉᵃᵈᵉʳ│Tome 2 [En réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant