Chapitre 4

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Lundi 18 avril

Après une longue journée à la fac – l'échéance des examens arrive à grands pas et les profs intensifient leurs programmes depuis quelques jours – je retrouve Jen sur le parking et nous rentrons ensemble chez nous, sous une pluie battante.

A peine derrière le volant, elle lance sa playlist et la musique de Cage the Elephant emplit l'habitacle. Je ne suis pas fan, mais c'est le deal : celui qui conduit choisit l'ambiance sonore. Durant le trajet, le front collé à la vitre, je regarde défiler les rues de Middlebury, qui semblent bien tristes sous l'averse et le ciel bas.

- Alors... Milan ?

Je sursaute en entendant la voix de Jen et fronce les sourcils, perplexe. Face à mon silence, elle me jette un coup d'œil rapide et hoche la tête de façon insistante.

- Quoi, Milan ?

- Oh, River, je t'en prie ! réplique-t-elle sur un ton faussement exaspéré, un sourire au coin des lèvres. Est-ce qu'il va bien ? Qu'est-ce qu'il va faire maintenant ? Tu sais combien de temps il reste ?

- Oui. Je ne sais pas. Non, dis-je de façon mécanique et lapidaire, rien que pour la taquiner et attiser sa curiosité.

Ma sœur grogne de frustration et me tape sur l'épaule :

- T'es chiant !

Nous pouffons de rire tous les deux. Mais je ne suis pas un monstre, je ne vais pas la laisser dans l'ignorance – bien que je n'aie guère de nouvelles fraîches à lui donner :

- Je n'ai pas encore discuté avec Milan mais Gaby m'a dit qu'il avait fini sa 3e année et qu'il suivrait son master ici, aux Etats-Unis. Je n'ai aucune idée de l'endroit où il a choisi d'aller. Il reste là pour l'été, je crois. Et avant que tu imagines tout un tas de trucs débiles : c'était cool de le revoir, c'est un pote et tout est clair entre nous... ok ?

- Est-ce qu'il est toujours aussi beau gosse ? demande-t-elle en ignorant mes dernières paroles.

Ses yeux pétillent de malice et je ne peux m'empêcher de lever les miens au ciel... mais je consens malgré tout à lui répondre.

- Ouais, je crois. Et même encore plus qu'avant, à mon avis... la concurrence va être rude !

- Je m'en fous, il ne m'intéresse pas autrement que comme un ami. Et puis, toi aussi, tu es beau, ajoute-t-elle d'une voix ferme en plantant son regard dans le mien. Si tu faisais un minimum attention, tu verrais que tu as plein d'admiratrices qui n'attendent qu'un signe de ta part : le genre beau brun ténébreux et sportif est très en vogue, tu sais !

Je secoue la tête sans répondre, me concentrant de nouveau sur le paysage : ma sœur manque vraiment d'objectivité, même si je suis loin de me trouver hideux. Il n'y a que mes yeux très foncés et mon teint un peu cuivré que j'apprécie, en plus de mes lèvres assez charnues. Le reste... ben je mesure 1m85, je suis brun et sportif, ainsi qu'elle l'a dit, et puis c'est tout. Après deux ou trois minutes, nous voilà parvenus devant la maison. Jen se gare le long du trottoir et nous nous précipitons à l'intérieur pour éviter d'être trempés.

Jennifer disparait dans sa chambre en emportant la dernière pomme qui se trouvait dans le panier à fruits, tandis que je m'installe dans la cuisine pour boire un café et grignoter un en-cas. Il est bientôt 18 heures, le ciel s'assombrit déjà et j'ai un dossier de biologie environnementale à relire avant d'aller au gymnase. Un sentiment d'allégresse m'envahit lorsque je pense à la soirée qui m'attend, sans bien comprendre pour quelle raison exactement : jouer au basket ? jouer au basket avec Milan ? me retrouver seul avec lui ? A peine ai-je formulé cette possibilité que je la rejette vivement, convaincu que c'est surtout l'opportunité de me mesurer à lui qui m'enthousiasme.

capitaine, mon capitaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant