Chapitre 14

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Monroe - Junah - Nat - Finn dans le média


19h14 : nous voici de nouveau prêts à monter dans le bus, après un repas rapide au Dunkin'. L'euphorie a remplacé la torpeur et le calme du trajet aller. Les joueurs plaisantent, rient et s'interpellent les uns les autres en s'y engouffrant, donnant libre cours à leur joie d'avoir atteint le stade de la demi-finale.

Les Panthers ont remporté le match sur un score de 91 à 72 – 60 points marqués en 20 minutes, c'est juste incroyable ! Puis-je préciser que j'en ai marqués 28 ? Ah... ça ne se fait pas ? Oups, trop tard ! Je ne peux m'empêcher de sourire intérieurement à mon humour débile tandis que je gravis les trois marches, laissant toutefois le coq en moi s'époumoner sans aucune modestie.

Cela faisait bien longtemps en tous cas que je n'avais pas éprouvé autant de plaisir à jouer : au coup de sifflet de l'arbitre, c'est comme si nous avions été propulsés dans une autre dimension, au cœur de laquelle rien d'autre que ce match n'existe, et où ni Gaby ni moi n'avons besoin de nous parler pour nous comprendre, pour savoir exactement ce qu'il faut faire et où aller. Un regard. Un geste de la tête. Un mouvement de la main. Cela nous suffit pour contourner la défense, feinter, faire basculer le jeu sur l'aile opposée, shooter. Ça a toujours été ainsi – ou presque. Les autres joueurs se sont engouffrés d'instinct dans cette dynamique et c'est l'équipe entière qui a survolé la deuxième partie de la rencontre. Un festival de 20 minutes, qui n'a laissé aux Polar Bears qu'une infime et insuffisante marge de manœuvre. Lorsque le buzzer final a retenti, Gaby, Nat, Monroe et moi nous sommes précipités dans les bras les uns des autres, en hurlant comme des sauvages, à la fois heureux et ahuris de cette victoire arrachée avec nos tripes.

Alors que je remonte l'allée centrale, j'aperçois Nat, un peu plus loin devant, qui se retourne et agite la main vers l'espace des 4 sièges en vis-à-vis :

- Venez, on se pose là !

Habituellement, cet endroit est occupé par les coaches, pour préparer ou débriefer la rencontre, néanmoins ce soir, ils se sont installés à l'avant du bus, chacun de son côté. Leur job pour aujourd'hui est terminé, et les tensions qui sont apparues durant la rencontre ne sont évidemment pas réglées. Il faudra bien toutefois qu'elles le soient avant mardi et le prochain entraînement.

Je remarque un mouvement d'hésitation de la part de Gaby qui me précède, mais il se laisse tomber malgré tout sur le siège près de Nat, tandis que je prends place au côté de Monroe. Assis face à face, mon pote et moi échangeons un regard à la dérobée, à la fois gênés et intimidés, à l'image de deux gamins qui n'osent pas s'aborder pour faire connaissance. Le match et la victoire que nous venons de vivre, ainsi que le repas dans une ambiance joyeuse et enthousiaste au Dunkin', ont clairement fait fondre le mur de glace entre nous. J'espère que nous retrouverons rapidement notre complicité et que les choses redeviendront comme avant entre nous... mais avec Milan en plus. Ou pas, d'ailleurs. Les paroles de Greg grincent de nouveau dans mon cerveau, creusant un trou béant au fond de mes entrailles : Milan s'en va.

Si je suis parvenu jusqu'ici à museler mes interrogations et mon inquiétude, plus rien ne les empêche, maintenant que la rencontre est passée, de ressurgir avec violence. Des questions toutes plus sombres les unes que les autres se télescopent dans mon esprit : Est-ce qu'il a vraiment choisi de prendre du recul ? Manifestement oui – puisqu'il n'est pas là – mais pourquoi ? J'essaye de dénicher dans nos derniers échanges hier soir au Crossroads Café un indice qui me permettrait d'y voir plus clair, mais non... rien n'explique son absence ni son départ. Et il part où, d'abord ? A Vergennes – où j'étais censé aller mardi soir ? A Boston ? Ou bien ailleurs ?

capitaine, mon capitaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant