Chapitre 7

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Mercredi 20 avril

Pour ce premier tour des play-offs de la NBA, les Celtics affrontent les Nets de Brooklyn. C'est le lancement de la série ce soir ; le match a lieu à Boston – il doit y avoir une ambiance de folie au TD Garden, après la belle saison que les Celtics ont menée. Cette année, tous les espoirs sont permis ! Si nous n'avions pas nous-mêmes des matches à gagner, j'aurais volontiers assisté à celui-ci. En compensation, Gaby nous a proposé de venir chez lui pour regarder la retransmission – une bonne partie de l'équipe est au rendez-vous. Sans Maisie et Jen, qui elles aussi ont été invitées, ça ressemblerait à un rendez-vous de pauvres garçons attardés et insipides qui n'ont aucune vie sociale... Ce qui n'est peut-être pas loin de nous définir, si on y pense. Je souris tout seul à cette réflexion, en accrochant mon blouson dans l'entrée des Adamson, en compagnie de ma sœur que je suis passé chercher à la maison. Les éclats de voix déchaînés qui me parviennent du salon ne font que confirmer mon impression et - je ne vais pas mentir - conforter mon impatience à les rejoindre ! C'est pathétique... et à la fois plutôt drôle, non ?

Je ne sais pas si Milan sera là. Il était présent à l'entraînement, bien-sûr, mais nous n'avons pas pu nous parler de vive voix depuis hier soir. Nous avons juste échangé quelques sms anodins qui ne m'ont pas permis de mettre de l'ordre dans le grand bordel de mes pensées - la conversation que nous avons eue résonne en boucle dans mon esprit sans discontinuer : je ne suis pas loin de la connaître par cœur, je pense.

Ce qui se passe avec Milan : un bonus ?

Pffff... je ne sais pas où je vais chercher toutes ces conneries, mais la nuit pitoyable que j'ai passée et la boule logée au fond de mon ventre depuis maintenant presque 24 heures sont les preuves évidentes que je suis un concurrent sérieux aux Oscars du meilleur mytho du siècle.

Qu'on soit clair : les baisers de Milan ne m'intéressent absolument pas. Enfin, pour être exact, ce n'est pas seulement ça qui m'intéresse. C'est son attention entière que je veux. Ses yeux uniquement rivés aux miens. Sa voix grave et enveloppante au creux de mon oreille. Ses mains sur moi – voire plus. En fait, ce dont j'ai envie, c'est qu'on soit ensemble. Point. Voilà ce qui tourne dans ma cervelle depuis de trop longues heures et franchement, ça me gonfle... J'ai décidé qu'il fallait que je lui parle – encore faudrait-il que je sache quoi lui dire... pour qu'il ne fuie pas et envisage de me considérer autrement que comme un « extra ». D'autant que c'est moi qui ai formulé le concept. Beau programme, vraiment. La voix de Jen me tire soudain de ma torpeur.

- Tu viens ?

Je cligne des yeux et hoche simplement la tête, sans m'attarder sur l'expression blasée qu'elle affiche : elle m'a questionné sur le chemin, s'inquiétant de mon air taciturne, mais je n'ai rien voulu lui dire. Je ne sais juste pas quoi lui dire, en fait. Sans un mot, je la suis dans la maison en retenant un soupir de frustration, les mains au fond de mes poches. Avec un peu de chance, le match va me permettre de souffler un peu et penser à autre chose pendant une bonne heure – ouf.

Nous entrons dans le salon tendu d'écharpes et de fanions verts marqués d'un trèfle - l'emblème des Celtics - et l'effervescence est ici aussi à son comble. Je parcours la pièce d'un rapide coup d'œil et force est constater que Milan n'est pas là. Je suis déçu, inutile de le nier... mais aussi soulagé : j'ai vraiment merdé à l'entraînement ce soir. A côté de la plaque, toujours en retard, jamais à la bonne place. Heureusement que Peter et Mike n'étaient pas là – sinon, j'aurais pris cher... Mais lui : qu'est-ce qu'il en a pensé ? Cette question m'inquiète bien plus que faire de la merde pour les quarts de finale... c'est grave, docteur ?

Mes prestations à l'entraînement étaient tellement pitoyables que le coach m'a pris à part à la fin de la séance ; la diplomatie n'est pas son point fort, je le sais, et il l'a démontré ce soir encore. Je me suis excusé, j'ai expliqué combien j'étais crevé, entre les examens à la fac et cette fin de saison... il a fait semblant de compatir, d'une tape sur l'épaule, et m'a laissé partir en me lançant « Allez, River ! Demain, ça ira mieux ! ». J'espère aussi. Mais je n'en suis pas sûr... et je panique à l'idée que Milan me juge, lui aussi. Mais il est absent.

capitaine, mon capitaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant