Anytime...

Chapitre 34

Ma tête pèse des tonnes, ouvrir les yeux semble me demander toutes mes forces. La pièce est tellement sombre que je ne suis pas sur d'avoir vraiment ouvert les yeux. À l'affut, j'entends le parquet qui craque et un léger raclement de gorges. Je ne suis pas seule dans la pièce. Dans le noir, je n'arrive même pas à me situer ou le situer. Les bruits de pas se rapprochent doucement, puis le calme est brisé par un sort marmonné. Une dizaine de bougies s'allument simultanément révélant ce que dissimulait la nuit. Il domine la salle, debout à quelques mètres de moi. La pièce est tamisée laissant une faible luminosité éclairée son profil gauche. Il lève un sourcil et d'un air ennuyé et s'adresse à moi :

- Enfin réveillée.

Je balaie la pièce du regard et m'assois sur ce canapé inconfortable. Instinctivement, je cherche ma baguette, d'abord je tâtonne mes poches puis jette un coup d'oeil autour de moi, elle n'est pas là. Il n'est pas débile, il l'a surement cachée ailleurs. Je regarde l'état de la pièce, c'est pitoyable, des traces de brulure a recouvert la tapisserie ancienne, tout semble être laissé à l'abandon. Lui, en revanche, n'a pas bougé, il m'observe victorieux. Je ne peux pas supporter qu'il croit mener la danse. Je me lève, droite et fière, je m'exclame :

- Trop lâche pour me laisser ma baguette, Jedusor.

Ma confiance ne dure qu'un court instant. Ma vision se trouble et je sens la gravité affaiblir mon équilibre. Je me suis levée beaucoup trop vite. Je ne peux pas m'écrouler devant lui, je refuse. Je cligne des yeux espérant évacuer ce mal de crâne et m'ancre dans le sol malgré l'impression d'être sur une planche au milieu de l'océan. Il me lance légèrement contrarié et autoritaire :

- Tu n'as pas assez de force pour tenir debout. Assis toi.

Le culot ! C'est lui qui m'a drogué puis il joue l'inquiet. Je m'apprête à m'avancer quand la pièce se met à tanguer violemment. Je sens que je perd tout équillibre. Il lève les yeux au ciel et même si mon ego refuse de l'écouter, je réalise que m'effondrer ne serait pas plus efficace.
Je recule d'un pas et me rassieds sur ce vieux canapé poussiéreux. Je me tiens de toutes mes forces, bien trop peur qu'il se mette à tourner comme la pièce devant moi. Jedusor recule, retournant dans l'ombre, je ne le laisse pas partir ainsi, emplie de colère, je lui demande :

- Qu'est ce que tu m'as donné ?

Il s'arrête, toujours dans l'ombre, il tâche de me répondre :

- La plante que tu as respirée aide pour s'endormir. Elle fait effet 1h ou 3h en grande quantité. Tu as dormi 5h. Alors aussi improbable que ça puisse paraître, ce n'est pas ma faute si tu es ainsi. Tu devrais apprendre que tu n'es pas invincible. Tu es juste fatigué.

Il disparaît, il ne ferme pas la porte, de toute façon, même si je voulais partir, je ne sais pas si j'en aurais la force. Il n'a pas tort, je suis parti avant le levé du soleil, j'ai marché toute la journée et je n'ai pas dormi. Même sans plante, je me serais endormi. Il ne me faut pas plus de quelques secondes pour sombrer.

Je rouvre tranquillement mes yeux, la douleur dans mon crâne a disparu, la lumière inonde l'espace traversant des rideaux en lambeau. Le soleil chauffe la pièce, ce qui en dépit de son état la rend plus agréable. Attend... Il fait jour, combien de temps, ai-je fermé les yeux ? Je me lève sur mes gardes. Je m'approche de la fenêtre, soulève ce qui reste du rideau. Je suis en haut de la colline, dans le manoir. Little Hangleton d'ici semble bien différent, la brume a disparu et la journée est ensoleillée. Je crois même voir des habitants se balader dans la rue. Je me demande si je n'ai pas rêvé la journée d'hier. Jedusor était-il bien là ? Ça m'est déjà arrivé de rêver de lui, mais jamais ça n'était autant réaliste.

Je dois partir d'ici en urgence, c'était une très mauvaise idée. J'attrape mon sac à dos et me dirige vers la porte en furie. Je l'ouvre quand juste derrière un jeune homme aux cheveux blond et deux petits yeux verts pétillants m'attendent : John. Quel traître, c'est lui qui m'a vendu. Il entre dans la pièce me faisant reculer. Un sourire s'élargit et il me lance :