Anytime...

Chapitre 41

Comment réagiriez-vous si vous appreniez que votre voisin de classe est la cause de milliers de morts ? À noter que personne n'est au courant. Ils sont tous inconscients de ce qui se passe sous leur nez. La décision ne repose donc que sur vous, que sur moi. D'ailleurs, le soleil n'a pas eu le temps de se lever, je suis déjà réveillée, me posant ces mêmes questions. Je sais ce que je dois faire, je ne peux pas rester des bras croisés. Depuis l'incident, le ministère de la Magie m'a à l'œil, prêt à "m'appréhender" à la seconde où je fais un faux pas. Ça devrait m'inquiéter, mais après tout ce qui est arrivé dernièrement, je crois que m'inquiéter est inutile. En soi, je n'ai qu'une chose à faire, altérer le futur avec ou sans mon plan initial.

Un peu comme le calme avant la tempête, je profite de ma matinée pour vagabonder près du lac. Les premiers rayons indiquent qu'aucun n'élève n'est encore debout, ce qui offre aux jardins un silence inespéré. Accompagnée d'un bon livre, je m'assois et me laisse m'immerger dans l'ambiance apaisante de ce coin. Les seuls bruits présents sont le chant des oiseaux et du vent caressant les feuilles de la forêt interdite. Cette accalmie parait si rare quand on voit à quoi ressemble mon quotidien dernièrement. Les élèves qui me traitent comme une bête de foire ou l'ennemi public numéro un. Dire que ces mêmes élèves côtoient l'une des personnes les plus dangereuses que ce monde a pu connaitre. À vrai dire, il y a quelques semaines, je ne me serai pas doutée non plus, il n'a pas l'air d'un ange, mais il n'a encore rien de l'homme qu'il va devenir.

Après avoir passé ma matinée près du lac, je remonte dans la salle commune qui grouillait d'élèves, mais il ne faut pas plus d'une seconde pour qu'ils s'immobilisent. Je sens leur attention posée sur moi. Alors que le silence règne, je suis étonnée d'entendre un rire retentir d'une galerie. Ce rire n'avait rien de joyeux. Je me tourne et découvre Lucas, installé sur le cadran de l'entrée du couloir. Tous les regards se sont déplacés sur lui, surpris ou inquiets, je ne sais pas dire. La silhouette de Marilou se trouve à un mètre derrière lui, dans son ombre. Je n'ai pas le temps de réagir, il s'exclame :

- Ils ne t'ont pas renvoyé ou emprisonné pour ce que tu as fait ? C'est aberrant !

Marilou tente de le tirer pour qu'il retourne dans sa chambre, mais il se défait d'elle et avance dans ma direction. Je reste statique, son visage est terrifiant. Ses yeux sont rouges et ses paupières bien plus volumineuses qu'à la normale. Des cernes violets les entourent et ses traits sont crispés comme s'il n'avait pas eux de repos depuis un moment. Il s'approche, rempli de haine, de blessures et de violence.

- Tu l'as tué, hein ? Il est mort et toi, tu peux te balader tranquillement à Poudlard. C'est toi qui aurais dû mourir ! Tu es une erreur, on était tous mieux sans toi, Marilou, Sara, Vahé...

Sa voix se brise dans un éclat de douleur à la mention du prénom de Vahé. Je ne bouge pas, ne réponds pas. J'encaisse. Il continue de parler, de crier, de m'insulter. Personne ne réagit, certains hochent la tête, suggérant que Lucas ne fait que dire à voix haute ce que tout le monde pense tout bas. Bien que sa phrase ne soit pas finie, je me tourne vers Marilou pour capter son avis, mais elle se détourne aussitôt. Lucas rit, il ne souhaite que me blesser. Il veut que je goute à la souffrance qu'il traverse. De toute évidence, la semaine dernière, j'aurais fondu en pleurs, mais aujourd'hui, je sais que j'ai vécu bien pire. Puis je suis coupable de bien des choses, alors pourquoi devrais-je aussi être la victime.

- Vous avez fini ?

- Non !

Je le dévisage, infaillible. J'attends qu'il continue, mais il lui manque des arguments. La frustration se lit dans son regard, il ne peut pas m'atteindre. À vrai dire, personne ne sait rien de moi ici et ça les terrifie. L'inconnu fait toujours peur, à ce moment-là s'ils veulent une cible, ils l'ont trouvé, mais qu'ils ne s'espèrent pas me blesser. Il arrive à court d'arguments et cette pièce empeste l'hypocrisie, alors je tourne les talons et pars.