3. Une rencontre peu habituelle

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« Les rencontres sont nombreuses mais peu sont celles qui marquent véritablement. »

Dicton Ahèsien

***

Caleb leva la tête vers le trône et se retrouva face à un adolescent, pour ne pas dire jeune, d'une quinzaine d'années. Il avait une peau de porcelaine sans impuretés et sur son front était dessiné un losange de couleur rose. L'un assis l'autre debout, ils se regardèrent en chien de faïence le regard indéchiffrable. Caleb demanda :

— Vieil homme, qui est-ce ?

— Tu as en face de toi, l'homme à la tête de la création du Monde.

Puis amusé il dit :

— Pourquoi sous la forme d'un gamin prépubère ?

— Ne me demande surtout pas, répliqua l'autre riant.

— Alors tu es l'humain... commença le dieu qui se faisait passer pour un jeune.

— C'est cela pourquoi ?

Adonaï se tut un instant avant de reprendre d'une voix pleine de rire :

— Je ne te voyais pas aussi petit.

Un mètre soixante c'est très bien d'accord ?  fulmina-t-il.  Et avant qu'il ne puisse l'arrêter, poussé par l'indignation et ce même si son interlocuteur était un dieu suprême, se moquer de la taille de quelqu'un qu'il rencontrait pour la première fois, relevait du non-respect. Alors l'insulte jaillit naturellement sans contrainte. Le visage de Doloriel pâlit encore plus qu'il ne l'était déjà. Le vieil orchidoclaste* comme il l'avait si soudainement nommé éclata en sanglots. Des larmes se répandaient le long de son visage nacré, une fine ligne de morve goûtait de son nez. La salle était remplie de pleurs entrecoupés de petits soubresauts. Coi Caleb demanda par télépathie : La vieillesse est son point faible n'est-ce pas ? Soudainement une idée pour le moins attendue mais plutôt logique lui vint à l'esprit. Il s'enquit :

— Y'a un problème ce que soit là ?

Gêné, le dieu qui avait repris contenance répondit :

— Nous avons eu un problème mais pas... Honnêtement, oui il a y eu quelques petits problèmes mais rien de grave...

— Super, je me sens vraiment pas soulagé, riposta Caleb en roulant les yeux exténué par toutes ces pitreries. De ce même ton railleur il continua alors : Mais, dites-moi cela ne veut-il pas dire que j'ai rien à foutre ici ?

— Écoute, pour l'instant... ? Je ne peux rien te dire. Parce que ... Je n'en sais rien. Mais je vais essayer de trouver la raison, c'est mon boulot, termina Adonaï confiant.

— Génial, il soupira, c'est compréhensible de la part d'un dieu, cependant j'aurais une dernière question l'ancien.

Ne bronchant pas face à ce sobriquet, Son Éminentissime Divinité demanda :

— Quelle est-elle ?

— Cette vieille (précisa-t-il) voix que j'entends, c'est qui ? Je l'ai avec moi depuis le début, ce n'est pas qu'elle me gêne mais...

Confondu par la surprenante information Adonaï et Doloriel se figèrent un instant. Puis d'une voix autoritaire, le Créateur aux cheveux azur somma Caleb de lui donner le nom. Sans se démonter il le donna :

— Alewillia...

Caleb ne put finir sa phrase, une douleur lancinante se manifesta dans sa tête à la vitesse d'une tornade. Ses jambes se mirent à trembler et il tomba à genoux. Après la douleur vint ensuite la panique et alors qu'il se tenait la visage dans le but de faire taire cet insupportable mal, une ombre s'agenouilla devant Caleb recroquevillé.

De sa main elle la posa sur sa tête puis en même temps entonna un doux chant apaisant, qui anéantit le mal qui rongeait Caleb. Adonaï car c'était lui, aida Caleb à se relever et d'un air préoccupé le faisant paraître nettement plus vieux, s'enquit sur son état. Il voulut répondre d'un petit ton plaisantin mais il se retint de justesse pensant que cela n'était absolument pas le moment.

Le démiurge aux yeux rosés se retourna vers Doloriel :

— Va me chercher Mikaël, Gabriel et Raphaël. C'est un ordre !

L'ange déjà droit comme un piquet se raidit sous le commandement puis d'un poing frappant son autre main, il salua, se dirigea d'une marche rapide, pour ne pas dire pressée, vers la porte qu'il claqua faisant trembler les fondations de la pièce.

***

*Orchidoclaste: Se dit d'une personne énervante, agaçante et plus vulgairement casse-couille

Le livre du Temps : les larmes de sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant