14 : Ennuyeuse rencontre

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« Le plus grand dispensaire de la capitale a été saccagé. Par un groupe encore inconnu. Il contenait une importante réserve de sérum de vie.

Les forces Obsidienne n’ont à ce jour trouvé aucune piste concluante. »

Extrait de la radio nouvelle, le trentième Lopela de l’an 3028

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Depuis quelque temps maintenant, une atmosphère étrange surplombait la capitale. Peut-être était-ce les mauvaises nouvelles qui pullulaient comme une nuée de criquets.

Effectivement, la Ville-Haute était plus agitée que d’habitude. Un jour, c’était des détonations qui avaient éclaté dans cette partie de la ville, et le surlendemain un départ de feu avait détruit un des centres de régulation des naissances de l’avenue Mail et avait fait plusieurs blessés parmi le rang des Obsidiennes en fonction à ce moment-là.

Puis quatre ou cinq jours plus tard, la structure visée était le monument du culte de l’empereur.

En effet, chaque édifice ciblé était pour la plupart des institutions érigées en l’honneur de la famille Alh, protectrice et bienfaitrice autoproclamée. Autoproclamée ? Oui, un secret de polichinelle. Il y a des années, le clan d’Alh s’était assis sur le trône après un coup d’État contre l’ancien dirigeant. 
Par la suite tout avait changé, les taxes s’étaient faites plus lourdes, en particulier pour la Ville-Basse, pendant que la jeunesse dorée de la Ville-Haute s’enfonçait dans l’opulence. Une loi dure et inhumaine avait été votée : celle de la mort programmée. 

On ne savait d’où, mais depuis des années, des bébés naissaient avec des différences notables. Ce que le pouvoir en place considérait comme une horreur. Ils avaient trouvé les boucs émissaires parfaits. Des personnes dissemblables que l’on disait portaient malheur et étaient responsables des maux et autres calamités.
Mais la plupart des habitants de l’empire et même de la capitale n’en avaient cure. Qu’était-ce un bon ou un mauvais dirigeant ? Aussi longtemps qu’il pouvait, faire disparaître ces démons que l’on nommait enfants maudits. La plupart des gens, comme des automates, se pliaient aux exigences des lois. Tant qu’il pouvait manger, avoir un toit et gagner un peu d’argent, qu’importe ? On leur avait fait maintes promesses qu’ils avaient en grande partie tenues. Alors à quoi bon ? Tant qu’ils vivaient bien.

Pour les habitants de la Ville-Haute, l’empereur était un Sauveur, un Dieu qui les avait protégés de ces damnés. Dans toutes les sociétés, avec un degré plus ou moins fort, chez ces pauvres et ces riches, une pensée commune, pour certains comme pour d’autres. Effectivement à force de bourrage dans le crâne et de leur peur envers des gens dits en dehors de la norme. C’était à cause d’eux.

On pointait du doigt les différents, les oubliés comme coupables de toute leur souffrance. Alors la haine germait et ils se sentaient supérieurs. En pensant avec droiture, ils sont nés pour disparaître. Parfois cachés derrière un masque de bien-pensance, « nous ne sommes pas responsables », « c’est de leur faute… » La remise en question n’avait pas l’air d’exister. On leur donnait un modèle, il le suivait. Mais n’est-ce pas propre aux mortels ?

***

Comme tous les matins, depuis le décès de Caleb, Aki se levait puis restait prostrée dans son vieux canapé à attendre. Attendre quoi ? Il ne le savait. Juste une impression, une prémonition peut-être. Depuis sa disparition, il sortait rarement. La mort de son meilleur ami avait brisé quelque chose en lui, de pénibles chaînes invisibles pesaient à ses pieds et ses mains. Tout était devenu gris et lourd. Sous la surface, une tempête de vengeance et de colère l’engloutirait bientôt.

Le livre du Temps : les larmes de sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant