Le livre du Temps : les larmes de sang

10. Interlude cauchemardesque

« Les nouveaux sont des êtres étranges aux sexes et aux genres inconnus. Leur rôle est de guider l'âme des défunts vers l'au-delà pour les mener jusqu'au Jugement Dernier à bord de la barque de Mâat. Ils sont représentés avec une tête sans visage paré d'un œil unique représenté par une forme runique. Ce globule leur sert à discerner le chemin qui les mènera vers la salle de la Pesée. Ils sont reconnaissables grâce aux grandes ailes blanches qui les fait ondoyer dans la voûte céleste. Mais gare à ceux qui voudraient les importuner du chemin tracé car ils vous déchiquetterons de leurs puissante mâchoire.

Extrait des Chroniques oubliées, Chapitre 53 : Créatures et autre entités infernales, Frère Elricci, Docteur en science surnaturelle.

***

Arrivé près du cul-de-sac, le groupe s'engouffra dans le passage étroit à leur gauche. Ils se retrouvèrent au milieu d'une pièce délabrée qui sentait une odeur rance et âcre. Après s'être habitué à la pénombre du débarras, le quatuor aperçut des boîtes en cartons empilées les unes sur les autres, une vieille table à laquelle manquait deux pieds et un bric-à-brac de plantes et de fleurs séchées qui jonchaient le sol au milieu de vases brisés. Au fond de la pièce rectangulaire se trouvait une porte encastrée dans le mur.

Aloÿs se dirigea vers celle-ci suivit des autres. Passant la porte ils se retrouvèrent au milieu d'une grande étendue de verdure au ciel orageux. Malgré le vent particulièrement puissant les quatre amis réussissaient à avancer sans problème. La végétation suivait le souffle saccadé du vent dans une indolente et triste danse. Au loin on entendait de doux sifflements qui, petit à petit devinrent plus strident. Caleb s'arrêta net, regarda autour de lui mais ne vit rien.

C'est la main d'Aloÿs qui le fit revenir à lui. Les sifflements se firent tout d'un coup plus fort et l'ange l'entraîna à sa suite. Ils pénétrèrent tous deux dans un immense tunnel à la suite de leurs deux autre compagnons. L'intérieur de la galerie était éclairé par des feux follets aux teintes bleutés. On pouvait entendre le clapotis de gouttes d'eau qui s'échappaient de stalactites transparentes.

A certains endroits sur les parois du tunnel de vieux dessins d'hommes entourés de feu accompagnés d'animaux fantastiques étaient représentés. Le silence des ses guides et l'atmosphère pesante du lieu devenant insoutenable Caleb demanda en chuchotant :

— C'était quoi ?

Mais aucun réponse des ses accompagnateurs qui préféraient rester muet comme des tombes. Et alors que Caleb voulut répéter sa question, les bourdonnements stridents recommencèrent subitement. Ceux-ci furent suivi du cri d'Erwë qui s'était tordu la cheville en glissant dans une petite crevasse.

C'est à ce moment-là que les sifflements se transformèrent en hurlement. Rawën jura puis paniqué se mit à courir et exhorta les autres à le suivre. Caleb prit à bout de bras le pauvre Erwë qui ne pouvait plus courir et se dépêcha de suivre Aloÿs et Rawën.

Alors qu'ils fuyaient plein d'anxiété, les feux follets s'éteignirent rapidement et le groupe se retrouva dans le noir complet. Au fil de leurs pas pressés, le bruissement de tentacules visqueuses se firent plus proche jusqu'à ce que la chose se trouve derrière Caleb et Erwë.

Le souffle putride de la créature fit trembler Caleb et le son insupportable le fit accélérer. Des voix qui n'appartenaient pas à la bête appelaient à l'aide le déchirant de l'intérieur, comme si un troupeau de lârkos lui avait ouvert le crâne. Débordant d'anxiété et d'effroi Caleb s'emmêla les pieds dans ses lacets et chuta par terre. Il protégea de son corps Erwë qui tremblait, des larmes de peur s'échouant sur ses joues. Puis plus rien, Caleb s'était évanoui.

Il se réveilla au milieu d'une rue piétonne bondée. Dans un excès d'égarement, il se retrouva à marcher comme un zombie. Cet état amorphe fut de courte durée lorsqu'il se rappela de ses amis. Caleb les chercha anxieusement à travers tout le village mais ne les trouva pas.