5. De si jolies...

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« Poupée, jolie poupée,

De cire ou de chiffon,

De boue ou de lumière,

Damnation providentielle,

Poupée, jolie poupée,

Substitut d'un corps,

Malédiction d'une âme,

Damnation sacrificielle,

Poupée, jolie poupée,

De porcelaine ou de plomb,

Fragile et lâche,

Damnation éternelle,

Poupée, jolie poupée,

Pleure, chante,

Brûle, ne vis plus,

Damnation cruelle »

Damnation, Auteur Anonyme, Chroniques du Temps Perdu

***

Eheil était revenu chercher Caleb peu après son départ. Le suivant tranquillement Caleb n'avait dit aucun mot depuis le début, son compagnon non plus d'ailleurs. Soudainement, son guide disparut sans laisser la moindre trace. Caleb se retrouva seul dans un couloirs noir avec pour seules lumières des bougies. D'un calme feint il continua à marcher au milieu du couloir sombre et silencieux quand des raies de lumière se dévoilèrent des ouvertures d'une centaine de portes alignées. Il continua d'avancer quand il entendit de très petites gouttelettes tombant sur les dallages et la tonalité d'un gong se mit à résonner à travers tout le corridor.

Caleb se mit immédiatement à courir lorsqu'il ressentit une force dangereuse et inconnue. Celle-ci le fit tourbillonner à travers plusieurs salles. Il échoua bientôt sur un carrelage du même arrangement qu'un plateau d'échec.

Le gong résonnant, les gouttelettes tombant sur le sol mouillé et la lumière s'échappant des ouvertures s'interrompirent subitement. Ses pas pressés se stoppèrent devant une effrayante porte noire ressemblant à une bouche béante. Son cœur battait à tout rompre et la sueur dévalait la pente de son cou jusqu'à ce qu'une bourrasque de vent le fasse basculer tout droit dans la gueule du monstre. Sous le choc Caleb ferma les yeux et il eut l'impression que ses os se brisaient en même temps qu'il tombait puis plus rien. Ignorant la durée de son inconscience, Caleb regarda d'un œil curieux le lieu où il était tombé. Il se trouvait dans une grande salle tout de blanc et de noir exemptée de tout objet à l'exception d'une étrange bibliothèque remplie de poupées de cire aux allures de glace. Celles-ci semblaient bouger lorsqu'il se déplaçait.

Il s'approcha d'une porte noire constellée de cristaux rouges qu'il avait aperçu quelques minutes plus tôt. Le dos tourné vers l'ouverture il commença à entendre d'étranges ricanements grinçants. Lentement Caleb se retourna et se retrouva face à une vision inquiétante. Devant lui des poupées aux visages pâles ayant arboré précédemment de délicates apparences avaient commencés à être défigurés. Leurs frimousses fondaient jusqu'à en faire apparaître une chair sanglante et leurs bouches formaient d'effrayantes grimaces sanguinolentes.

Les ricanements se firent plus pesants, plus pressants. Avalant sa salive, il recula vers la seule issue possible de la pièce. Tout à coup ses pieds s'emmêlèrent, le firent s'écrouler de tout son poids sur la porte en cristaux puis il chuta dans le vide poussé par l'aquilon qui se manifesta brusquement.

Au fur et à mesure que Caleb virevoltait, les rires se turent petit à petit, le vent s'arrêta abruptement et il s'enfonça sur une chose aussi molle que gluante.

Le livre du Temps : les larmes de sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant