Timothy - La naissance d'un guerrier

Chapitre 5

Les cinq coups de clairon annonciateurs du début de la cérémonie résonnent à l'intérieur des murs de la Chapelle Augustine. Seul devant les grandes portes de bois du perron, je pousse un soupir tremblant. À l'intérieur, la centaine d'invités se remet du festin de ce midi en attendant impatiemment la fin du moment le plus soporifique de toute cette journée : la Cérémonie de Majorité.

Ce rite de passage à l'âge adulte consiste essentiellement à écouter un prêtre déballer tout un tas de clichés sur l'importance de la solidarité et du sens des responsabilités. Généralement, lorsque j'assiste à une Cérémonie de Majorité, je m'assoupis avant la fin.

Mais cette fois, tout est différent. C'est ma cérémonie. Et alors que je m'apprête à pousser les portes devant moi, je remarque le tremblement frénétique de ma main droite. Je m'aperçois soudain qu'une boule me tord le ventre, alors qu'une violente envie de vomir menace de ruiner mon costume cérémonial.

Pas maintenant, putain !

Pour avoir vécu cette situation des centaines de fois durant mon adolescence, je sais exactement ce qui m'arrive. Je suis en train de faire une crise d'angoisse. Mais pourquoi ? Serait-ce la discussion que j'ai eue avec Pierre à propos d'une probable guerre contre l'Isotanie qui me fait paniquer ? Ou bien mes retrouvailles avec Ian ? Ou l'idée de quitter le palais pour rejoindre une bande d'inconnus dans un lieu qui l'est tout autant ?

Ou tout ça à la fois !

Une goutte de sueur perle sur mon front, alors que j'éloigne brusquement ma main de la porte comme si elle était bien trop brûlante pour que j'ose la toucher.

La terrible vérité s'abat alors sur moi : je n'ai pas envie de tout ça. Pas envie de quitter le confort du palais. Pas envie de grandir et d'exercer des responsabilités. Pas envie de...

— Timothy ! souffle une voix sur ma gauche. Qu'est-ce que tu fiches ? Tout le monde t'attend.

Je tourne la tête vers la petite porte de service dans l'angle du perron pour découvrir la tête de Pierre dépassant de l'entrebâillement.

— Je ne peux pas faire ça, avoué-je tout bas, le souffle court.

Semblant s'apercevoir du sérieux de mon état, l'intendant se glisse par la porte pour me rejoindre.

— Respire un grand coup, Timothy. Qu'est-ce qui t'arrive ? me demande-t-il, soucieux. Ne me dis pas que c'est moi qui t'ai fait peur quand je t'ai parlé de mon propre service militaire et de ces histoires de guerre.

— Non, c'est pas ça... commencé-je avant de laisser ma phrase en suspens. Enfin, un peu. C'est juste que... Et si je faisais n'importe quoi ? Et si j'étais pas digne de devenir roi ? Quand je sortirai de cette chapelle, je n'aurai plus l'excuse d'être encore un gamin. Je devrai assumer mes responsabilités.

Pierre se tourne vers l'immense porte en bois, semblant comprendre à présent tout ce qu'elle symbolise pour moi et la raison pour laquelle je n'ose pas la franchir.

Il se tourne ensuite dans ma direction et pousse un soupir avant de me lancer :

— Ton père a vraiment fait n'importe quoi.

J'écarquille les yeux face à son aveu, avant de laisser échapper un petit rire.

Devant ma sidération, Pierre ajoute :

— Je ne veux pas manquer de respect à ton paternel, mais entre nous, je dois bien avouer qu'il a été beaucoup trop dur avec toi. Même quand tu sortiras de cette chapelle, tu seras encore un gamin. Oui, tu exerceras des responsabilités. Et oui, tu devras voler de tes propres ailes. Mais tu te casseras la gueule très souvent, et c'est à nous, les adultes, de t'aider à te relever. Pas de t'écraser encore plus.