Assis sur mon fauteuil grinçant datant de la Guerre Froide - et ouais, on a pas tous un siège en cuir de gros pacha, n'est-ce pas hermano ? -, je dévisage bêtement le chèque sur mon bureau. Ou alors c'est lui qui me dévisage, j'en sais trop rien... mais ça doit faire des plombes que je suis planté comme un con devant, lisant et relisant les petites lettres noires du montant inscrit dessus.
Trente milles putain de dollars...
Une somme aussi faramineuse rassemblée là, sur ce bout de papier posé négligemment sur mon burlingue constellé de lézardes et des tâches de café. Impensable. Surréaliste.
Je me rapproche de la feuille rectangulaire comme si elle allait me sauter soudainement au visage, m'appuie sur mes coudes et pose mon menton sur mes poings, puis réfléchis. Je dissèque le machin des yeux pour la millième fois, tentant de percer ses mystères. En premier lieu : de qui il vient.
Évidemment, le chèque est anonyme. Aucun indice ne me permet de remonter jusqu'à l'envoyeur. L'écriture du montant pourrait aussi bien venir d'une femme que d'un homme, et puis je m'improvise pas enquêteur, encore moins grapholoque, même si j'adorerai pouvoir établir un profil rien qu'en observant les cursives !
Du coup, je fais avec les moyens du bord : je décortique les profils des personnes susceptibles d'être mon généreux - oh si généreux, putain ! - donateur, en ignorant mes alarmes internes qui ne cessent de clignoter en mode "attention c'est une arnaque"... c'est vrai qu'une telle somme, mierda... qui pourrait être assez barge pour faire don d'une fortune à une salle aussi insignifiante que la mienne ?
Je digresse, ça va pas. Je me remets au boulot et m'active les méninges en commençant par penser à mes amis les plus proches, Colin en tête.
Mon meilleur pote commence à se faire connaître, son groupe et lui ont été débauché par un label de renom il y a quelques mois de ça, on a d'ailleurs bien fêté cette excellente nouvelle, mais leurs revenus sont encore bien trop substantiels pour qu'ils soient capables d'aligner trente milles balles. "La notoriété, ça paye pas en claquant des doigts", me répète souvent Colin. Et quand bien même, il sait que j'aurais fermement refusé qu'il mette autant pour ma salle.
C'est mon projet, mon bébé... je veux l'élever tout seul et même si je trime sang et eau pour ça, je m'en fous. C'est un refuge pour les gamins perdus, une manière de se défouler autrement qu'en se faisant embarquer dans des galères, en dealant ou juste en zonant dans les rues sans but.
Je me tourne rapidement vers Lisa, mais secoue la tête : son salaire a subi une nette amélioration depuis qu'elle est l'assistante du Grand Manitou, mais ma belle blonde siffle tout ou presque en achats de fringues et de chaussures. Quel gâchis, bordel, de mettre toute sa thune durement gagnée dans une soixante-treizième paire de talons !
(Je comprendrais jamais les femmes...)
En ce qui concerne Lizzie, ma chère patronne et amie, il est vrai qu'elle a un train de vie bien plus aisé que n'importe lequel de mes autres potes. Cependant, je sais qu'elle économise pour payer la moitié des frais engagés pour son mariage avec Ryan - destination le Sud de la France, ça doit valoir bonbon ! -... ce qui m'amène à ce dernier.
VOUS LISEZ
Le Masque de la Lune - TOME 2 - Les lois du sang
Fanfiction- SUITE DU TOME 1 - Désormais mariés, Lou et Giorgio ne vivent pas pour autant leur amour comme ils le mériteraient. La menace Vassili Sarnova n'a jamais été aussi présente, les pions se placent sur l'échiquier et rien ne se déroule comme ils l...