ÉPILOGUE

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Les gouttes de sang dévalent mon bras pour s'échouer sur le sol marbré. Ma blessure est profonde, mais je ne m'en fais pas. Quelques minutes seulement et il n'y paraîtra plus.

Une cicatrice de plus ou de moins...

Je la sens déjà se résorber alors que je ramène mes boucles brunes en arrière pour profiter de la vue que m'offrent les corps qui jonchent la salle principale de ce manoir ostentatoire. Ce lieu qui abritait l'opulence et l'arrogance infecte des Anciens n'est plus qu'un cimetière à ciel ouvert. Une fosse commune que les charognards n'ont pas encore pris d'assaut, au contraire de mes soldats et moi.

Je ne m'émeus pas des cadavres aux membres disloqués, arrachés, ni de leurs visages figés dans la terreur et l'effroi d'une telle agonie... je ne m'émeus plus depuis longtemps. Ce n'est pas ma nature. Encore moins en temps de guerre.

Je parcoure la grande salle, glissant mon regard vers les gigantesques toiles désormais tachées d'hémoglobine et de bouts de chair fraîche. Les dorures au plafond, les ornements sur les lustres qui pendouillent et dépeignent une scène macabre, les vases dont les motifs royaux s'estompent au profit de longues traînées de sang... certes, c'est un un décor barbare mais qui me réjouit plus que de raison.

Après tout ce temps...

Trois ans de préparation acharnée et intensive, une vie entière à élaborer pièce par pièce mon objectif final, cela n'a pas été vain. Ma revanche est enfin accomplie. 

Tout du moins en partie

Ceux que je traque depuis tout ce temps sont agenouillés à quelques mètres de moi, encadrés par mes soldats. Mes bêtas. Mes deux plus fidèles amis.

Thomas me lance un rictus triomphant, les bras couvert de sang - pas le sien -, et le regard brillant d'adrénaline. Lui aussi a patienté des années pour en arriver là. Je ne lui ôterai pas l'expression de son accomplissement et de sa satisfaction, même s'ils sont légèrement trop visibles. Sur un champ de bataille, je ne cautionne pas que l'on montre ses émotions. Autres que la rage de vaincre et la détermination, s'entend.

Anaïs quant à elle est plus mesurée que son frère. Les mains jointes dans le dos, sa tenue faites d'entrelacs de lanières en cuir à pris une teinte rubis. Une trace de sang barre sa joue droite jusqu'à son cou, recouvrant le début des ronces de son tatouage et de sa Marque.

En me voyant arriver, ils s'inclinent en un même mouvement furtif et gracieux.

Les prisonniers, eux, grimacent et me toisent avec un mépris évident.

L'arrogance des Anciens dans toute sa splendeur... je ne suis pas surpris. Ou peut-être un peu : depuis quand ces lâches préfèrent agir avec une certaine dignité à l'approche de l'inéluctable trépas ?

Qu'importe. Rien ne changera leur sort, désormais. Il est scellé depuis des lustres. Qu'ils me supplient, qu'ils m'insultent, qu'ils s'en remettent à leurs croyances, tout ne sera que futilité.

Où est Fea ?

Ma voix fait sursauter imperceptiblement les Anciens. Je ne m'adresse pas à eux, mais à Thomas. Ce dernier hausse les épaules et secoue la tête.

Sûrement avec l'équipe de Raphaël, ils ont subi des pertes assez-

Il est interrompu par un ricanement glacial, totalement irrespectueux.

Nous vrillons tous les trois nos yeux sur la matriarche des prisonniers. Son cardigan vert pistache me grille la rétine, bien qu'il soit joliment éclaboussé de sang. Je plisse le regard, augmente mon aura et la vieille louve s'étouffe en serrant les mâchoires. La rythmique de son cœur me fait esquisser un très léger sourire malsain, de quoi l'écraser un peu plus.

Le Masque de la Lune - TOME 2 - Les lois du sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant