Chapitre 1 - Iris

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Je rentrai en classe, et m'assis à ma table. Une goutte de sueur perla dans mon dos,
et mon coeur s'affola. Cela faisait désormais plusieurs mois que je supportais un état de stress permanent, depuis que je subissais ce harcèlement. Mon corps réagissait instinctivement à l'approche de Tristan, qui décala sa chaise le plus loin possible de moi.

Cet homme me terrifiait bien plus que je ne le laissais paraître. C'est le défi lorsque l'on est harcelés : ne pas montrer nos failles, ni qu'ils nous atteignent. Depuis que j'avais croisé son regard, j'avais compris qu'il me prendrait pour cible. Lorsqu'il était entouré de son groupe d'amis populaires, il prenait plaisir à rabaisser ses camarades de classe.
Il pouvait faire semblant, mais je l'avais percé à jour. Il s'en prenait aux autres pour cacher les complexes qu'il ressentait ainsi que son mal-être.

-Encore là, toi ? me lança-t-il avec sarcasme.

Le problème lorsque l'on est à bout, c'est que l'on ne choisit pas toujours la solution la plus logique. Et la meilleure défense restait l'attaque, du moins en théorie.
Son ventre proéminent repoussa la table de quelques centimètres. D'un coup d'oeil, je répondis :

-Oui. Je ne te retourne pas la question, c'est difficile de te rater, répliqué-je.

Il souffla comme un bœuf, tandis qu'un sourire narquois naquit sur ses lèvres. Pendant le cours de maths, je l'entendais se moquer avec ses amis, en me fixant du regard.
Jusqu'à ce que je reçoive une boulette de papier sur la nuque. Elle rebondit et tomba sur ma table, sous mes yeux.
Ces hyènes explosèrent de rire, tandis que la professeure, qui assistait à cet acharnement depuis plusieurs mois, détourna les yeux.

Elle avait tout vu, évidemment, mais n'intervenait pas. Ils n'intervenaient jamais, et une pointe me piqua le coeur en me rappelant à quel point je me sentais seule, au milieu de cette classe.

Je ressentais la lâcheté du corps enseignant comme une injustice, et m'en voulais de ne pas réussir à faire cesser ces moqueries. J'avais tout essayé : ignorer les insultes, m'éloigner le plus possible, répondre à leurs remarques, attaquer en retour, mais rien ne fonctionnait.

Une fille se retourna et me regarda avec pitié. Elle me tendit un mouchoir, que je repoussais violemment. Une larme roula sur ma joue, je la chassais rapidement. Je ne pouvais pas me montrer vulnérable, autrement  ils sauraient où frapper pour me blesser.

Lorsque les gens s'acharnent sur vous depuis un moment, il devient difficile de faire la part des choses. On a le sentiment que le monde est contre nous. Il n'y a plus que des méchants. C'est vous contre eux tous, et ça je l'avais appris à mes dépens.

**

Le réveil sonna et mes tympans vibrèrent avec. Cela faisait deux ans que ce cauchemar était terminé mais pourtant il continuait de me hanter.

Plus que deux jours pensé-je. Plus que deux jours. On y est presque tiens le coup. Je me redressai avec difficulté et regardai mon télephone. Pas de messages. Morgane dormait sûrement encore.

Je descendis et cherchais dans le frigo de quoi manger, mais rien ne me faisait envie. Un léger mal de ventre se fit ressentir. Je mangerai plus à midi, tant pis. Je montais m'habiller, relu deux de mes cours de la journée et partis dans la salle de bain. Je revérifiai mon téléphone : toujours rien.

J'envoyais un message à Morgane :

Tu es réveillée ? On se retrouve toujours devant le lycée ? »

Dix minutes plus tard, je refermai la porte de chez moi et la douleur s'intensifia, me tordant l'estomac. Aucune réponse.

Cela faisait maintenant huit mois que Morgane m'avait adressé la parole pour la première fois. La fille la plus populaire de la classe. Je me demande encore aujourd'hui ce qui l'a poussé à m'adresser la parole.

Singulier - [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant