Chapitre 33 - Retour à la maison

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* Iris*

Après ces trois jours passés près de la mer, il était temps de rentrer. J'appréhendais, mais pas autant qu'Ethan.

-Tu peux rester autant de temps que tu le veux chez moi, tu sais, lui proposé-je. 

Il acquiesça. Mais revenir signifiait raviver des souvenirs encore présent dans son esprit. Je lui avais offert  trois jours d'échappatoire. Je ne pouvais faire mieux, pour l'instant. Mon emploi à la bijouterie n'attendrait pas, et même si maman allait un peu mieux ces derniers temps, je ne pouvais me reposer sur elle. Elle avait besoin de moi.  Cependant, ce week-end d'échappatoire  n'était rien face à des mois d'enfers. On devait rentrer. Je devais passer d'autres épreuves du BAC blanc, et lui réussir son année. Ses notes de première année étaient en chutes libres depuis quelques semaines.

J'appréciais qu'il s'ouvre peu à peu à moi, du moins qu'il cherche un peu mon contact. Je le laissais prendre son temps, et me réjouissais des petites avancées, comme je les appelais : un petit sourire par ci, lui, frôlant mon bras. Il devait se réapproprier son corps, et réapprendre à faire confiance aux hommes, cette étape allait prendre du temps. Une chose m'effrayait plus que tout : qu'il replonge en rentrant. 

Le moteur de ma voiture s'arrêta de gronder aux alentours de vingt-trois heures. J'avais insisté auprès d'Ethan  pour qu'il dorme chez moi et qu'on aille ensemble chercher ses affaires le lendemain. Ses parents n'étaient pas au courant, mon confident refusant catégoriquement que je les appelle. Bien que son ex n'avait pas tenté de le recontacter, à son regard vide, je devinais que ses traumatismes le hanteraient pour un bon bout de temps encore.

Je le fixais du coin de l'œil, assis sur le canapé, serrant sa peluche dans ses bras, comme une bouée à laquelle se raccrocher. J'avais cru voir une amélioration quelques jours plus tôt. On communiquait   à sa façon, par geste, il me faisait comprendre ce qu'il voulait. En effet, le brun s'était muré dans un silence profond. Depuis qu'on était rentrés, il s'était enfermé  dans sa bulle, me tenant à l'écart. Sa bulle  le protégeait des autres, mais pas de ses souvenirs. Je lui souhaitais bonne nuit et partis dans ma chambre, appréhendant le lendemain.

**

Le lendemain, je me garai devant la maison du monstre et tournai la tête vers Ethan. Cramponné à sa ceinture, les yeux écarquillés, il semblait ailleurs, terrorisé. . Comme prévu depuis la veille, nous avions prévu de récupérer ses affaires, mais ça semblait désormais plus compliqué.

Je tournai la tête vers la grande bâtisse rouge, sombre, camouflant le secret des traumatismes subis par  mon ami. Je ne savais pas ce qu'il avait subi, là-bas. Il ne m'en avait jamais parlé. Mais à la façon dont il tremblait lorsque je l'avais récupéré une semaine plus tôt, je n'osais imaginer.

-Allez viens, dis-je. Qu'on en finisse.

Je décrocha ima ceinture et fis le tour de la voiture pour l'aider à défaire la sienne. Ensemble, nous approchâmes  de la grande bâtisse et j'enfonçai la clé dans la porte. Prenant une grande inspiration, j'entrai.

Ensemble, nous montâmes l'escalier. Cependant, arrivé à la première marche, l'homme aux yeux de miel s'arrêta. Me retournant, je croisais son regard effrayé qui me tordis les boyaux.

-Chuut. Ca va aller. C'est bientôt finis, lui assuré-je.

Je lui tendis la main, et ensemble nous commençâmes à monter l'escalier. Je décidai de ne pas m'arrêter dans la salle de bain. S'il en avait vraiment besoin je lui rachèterai ses produits avec l'argent de la bijouterie. On entra sans frapper dans la chambre à coucher, et je m'agenouillai devant les tiroirs. Je dépliai le sac que j'avais ramené et lui demandais de hocher la tête à chaque vêtement qu'il voulait que je prenne. Il hocha la tête pour trois sweats et deux jeans, mais au moment où je lui présentai les caleçons, ses yeux s'agrandirent, et il secoua la tête frénétiquement.

-Ehhh, ehhh,dis-je d'un ton rassurant. C'est rien. On  ne les prend pas si tu n'en veux pas, il n'y a pas de soucis d'accord ?

Je le forçais à me regarder dans les yeux. Il prit une grande inspiration et hocha la tête.

-Elle n'est pas là. Tu ne crains rien, je suis là. Bien. Je pense qu'on a tout.

Prenant le sac sur mon épaule, nous redescendîmes dans le hall d'entrée couvert de marbres et de tapis rouges sang hors de prix. Je détaillais la rampe en bois brut, les deux canapés noirs sombres, et la porte qui menait certainement à la cave. Cette maison avait une ambiance de château enfermant un vampire. Et c'était le cas, vu le monstre qu'elle habitait. Ethan était toujours accroché à mon bras. Arrivés à la porte d'entrée, je lâchai un énorme soupir de soulagement, trop heureuse  de ne plus jamais avoir à remettre les pieds ici. Pour nous remettre de nos émotions, je proposai une glace, qu'il accepta volontiers.

* Ethan *

Assis à la cafétéria, seul, comme tous les jours, j'étais perdu dans mes pensées. Dans cet océan de noirceur, une lumière blanche jurait avec  ma tristesse. Un halo de lumière blond. Iris. Ç'avait toujours été elle. Elle lisait dans les gens comme dans un livre ouvert. C'était impossible de lui cacher qui on est, de lui cacher nos secrets. Elle était là, pour les autres. Même si personne n'était là pour elle. Cette fille, c'était une perle. Quelqu'un qui marque. Une fois qu'elle était  entrée dans nos vies, même si elle s'en allait, elle ne partait jamais vraiment. Elle restait ancrée en moi.

Cette lueur d'espoir, cette bouée de sauvetage qui restait à mes côtés, qui s'accrochait à faire sortir le meilleur de moi, à me tirer vers le haut, je la repoussais. La réalité, je me la suis prise en pleine face : je suis trop sombre pour elle. Les ténèbres finiront par engloutir la lumière. C'était inévitable. Elle m'apaisait quand je l'avais dans ma vie, rien que la voir me soulageait de la douleur qui me broyait chaque jour.

Je l'évitais, et pourtant, je la voyais tous les jours dans les couloirs du lycée. Même au milieu d'une dizaine de personnes, elle se démarquait. On ne voyait qu'elle. Elle était ma bouée de sauvetage mais je ne pouvais  pas la voir couler sous le poids de mon fardeau. Alors, je te rends ta liberté, ma belle, Ou peut-être l'as-tu déjà compris avant moi, que notre amitié ne pouvait plus tenir. Elle avait toujours une longueur d'avance.

Cependant, la honte me bouffait à  tel point que je n'arrivais même pas à soutenir son regard, empreint de bienveillance quand mon regard croisait le sien. Elle m'avait vu comme personne ne m'avait vu jusqu'alors, vulnérable, faible, incapable de se défendre seul. Et c'était la dernière personne que j'aurais souhaité qui me voit dans cet état...

Ses longs cheveux blonds, ses pommettes hautes et son nez légèrement de travers apparaissaient dans mes nuits. Le plus souvent, elle me tenait la main. Ou bien restait simplement à côté de moi pendant que je pleurais. Parce qu'elle était là, la lumière.  Je ne pouvais pas supporter de savoir dans quel état elle m'avait vu. La voir me faisait trop souffrir, parce que je n'étais  pas idiot, les traces dans la salle de bain, le jour où elle m'avait sauvé, ne laissaient pas de place à l'imagination. Elle avait compris que je m'étais fait violé.

On m'avait arraché mon innocence, et torturé mon âme.  On me l'avait arraché d'une telle violence. Je ne me sentais plus homme à côté d'elle, si vulnérable, si fragile. Mon cœur se serra. Une larme roula sur ma joue, puis deux, bientôt rejointe par un torrent de larmes tandis que je me dirigeais vers le parc près de la forêt du lycée. Parce que je n'avais pas réussis à me défendre. Parce que j'avais eu peur pour ma vie, j'avais fini par arrêter de me débattre. J'avais glissé dans la pénombre. J'étais devenue ténèbres.  Mes yeux se fermant pour me protéger, mon cœur et mon corps. 

Je regardais les arbres agiter leurs feuilles près du canal, des larmes coulant sur mes joues, pleurant ma honte, pleurant ma lâcheté, et regrettant ma lumière. Celle qui m'avait quitté ce soir-là, et celle que j'avais décidé de laisser partir. Je n'avais plus d'autres choix. Les seuls qui n'étaient pas au courant, restaient mes anciens amis. Et je laissais couler une larme, car j'allais la trahir. 

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Hellooooo, 

Vous m'avez manqué ! Promis dans deux chapitres, on retrouve Steven ! 

De quelle trahison parle Ethan à votre avis ? Et vous préférez la pizza ou les galettes bretonnes ? 

A très vite, 

Lionagle 

Singulier - [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant