Chapitre 47 - Sur une piste

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*Iris*


Le lendemain, de retour de cours, je souris à ma mère avant de sortir. Elle avait l'air d'aller un peu mieux. Elle prenait des douches plus souvent même si elle traînait toujours en pyjama devant la télévision pendant plusieurs heures. Elle me répondit par un sourire las, triste et j'ouvris la porte d'entrée. 
J'avais besoin de digérer ce qu'il s'était passé. Passé le pas de la porte, je laissais tomber le masque, et m'abandonnai à mes pensées. 

Je repensais à Aicha en me disant que je n'avais rien vu venir. J'étais tellement occupée par ma souffrance que je ne voyais plus celle des autres. Je repensais au visage de ma mère, préoccupé, et à Steven pour qui je m'inquiétais. 

Je pris mes écouteurs et claquai la porte d'entrée. Le froid de janvier me glaça les os mais je m'enfonçais quand même dans la nuit. J'enfonçais mes écouteurs dans mes oreilles et me replongeai dans mon spleen, comme je l'appelai. Cette sorte d'état de transition dont j'avais besoin pour mettre au clair mes émotions et trouver une solution logique aux problèmes dans ma vie. 

Je me sentais responsable d'eux, et d'Ethan.  Ce n'est pas moi qui suis dans la merde alors pourquoi je m'effondre ? T'es vraiment pitoyable, pensé-je.

Ethan compte sur toi. Il doit être enfermé, effrayé, luttant pour rester en vie et toi tu es dehors libre comme l'air à pleurer en pensant à lui.

J'avais beau faire croire aux autres que j'étais sur une piste, je n'en avais aucune.  Mon nez coula lorsque mes pas crissèrent sur la neige au sol, et je frissonnais, le froid était glacial. 

Puis les paroles de ma psy me revinrent en mémoire « lorsque tu te sens bloqué, un avis extérieur pourra toujours t'aider ».

Je sortis mon téléphone et regardai l'heure : dix-huit heures vingt-et-une heure trente. 8h 40. Je composai son numéro, il s'agissait bien d'une urgence. 

Je secouai la tête. Ce n'est pas en m'appitoyant sur mon sort que j'aiderais les autres

Trois sonneries retentirent puis quelqu'un décrocha :

-Allô, Iris?

Je reniflai à l'appareil, tentant de maîtriser ma voix.

-Ca ne va pas ? 

-J'ai besoin d'aide. Je suis bloquée.

Un silence compatissant s'éternisa entre nous, et je savais qu'elle m'écoutait, sans jugement.

-Je n'ai aucune piste concernant Ethan. Je ne sais même pas où chercher. Et puis Aicha compte sur moi avec l'arrivée du bébé  et j'arrive pas à sortir la tête de l'eau. J'ai l'impression de me noyer.

Je m'assis au bord de la route sur un trottoir enneigé qui me mouilla les fesses mais ça m'était égal

-C'est beaucoup de responsabilité pour une jeune fille de dix-sept ans. Tu n'as pas à endurer ça toute seule. Tu n'es pas seule. Je suis là pour toi. Tu sais comme on dit chaque chose en son temps. Pour Aicha elle en est à combien de mois de grossesse ?

-Trois mois et demi. Après quatre mois  et demi, elle ne pourra plus aller en Allemagne pour avorter.

-Je vois. Si tu veux mon point de vue, la grossesse d'Aicha lui appartient. C'est son choix, sa responsabilité. Tu ne peux pas te rendre responsable de tout et de tout le monde même si c'est dans ta nature d'aider les gens. Tu es quelqu'un qui donne et tu as besoin qu'on te donne en retour. Sois son amie, soutiens sa décision mais ne te rends pas responsable de quelque chose dont tu ne l'es pas.

Elle prit une profonde inspiration puis  arrêta de parler, et je sus qu'elle se pinçait le nez.

-A propos d'Ethan. Il t'a abandonné quand tu avais le plus besoin de lui. Sois disant à cause de ta réputation. Il ne t'a pas soutenu, il ne t'a pas cru, pourquoi cherches-tu encore à le sauver après le mal qu'il t'a fait ?

-C'est un lâche. Mais il ne mérite pas ça. Personne ne mérite ça.

-Bien. Quelles pistes as-tu exploré ?

-J'ai épluché les rapports de police, la déposition de ses parents, les caméras de surveillance à côté de son domicile mais il est partit en pleine nuit, et la neige à recouvrer toutes les traces. Les chiens n'ont pas pu suivre de piste.

-D'accord... Mais t'es-tu mis à sa place ?

-Hein ?

-Pour quelles raisons Ethan aurait-il quitté son chez lui où il était en sécurité pour sortir la nuit alors que son ex était encore en liberté ? Pourquoi aurait-il fait ça ?

Mon cerveau ne fit qu'un tour. Il ne serait pas sortit pour aller voir Zach. Quelque soit le message reçu, il aurait cru que c'était une blague, il n'aurait pas pris le risque. Il n'était pas si proche de Matthew non plus, il ne serrait pas sortit pour lui. Il n'est pas en couple et sa famille était avec lui en sécurité.

Soudain, une idée me frappa. C'était tellement logique que je n'y avais même pas pensé.

-Moi. Il aurait pû partir de chez lui pour moi, pour me rejoindre.

On n'était plus amis mais je sentais qu'il regrettait qu'on ne se parle plus, quand je le croisais au lycée.

-Et où aurait-il pu te rejoindre ? Un endroit que Sarah connaissait visiblement

Je réfléchis à toute vitesse. Un endroit qui nous était commun. La Normandie. Le restau chez Steal's. Trop loin. Et fermé le soir.

Je nous revois rire  aux éclats sur le banc près du lampadaire et je sus. Sarah nous avait déjà croisés plusieurs fois là-bas. Le banc était exposé. Près de la route où il aurait pu être enlevé.

-Je sais où il est allé, répondis-je, les dents serrés.

Merci.

Je raccrochai. 

C'est ainsi qu'en plein mois de février, à vingt-deux heures passée, je me dirigeais vers notre repaire : le banc. Mon cœur tambourinait contre ma cage thoracique. Après des mois de recherche, j'avais enfin une piste. Plausible, en plus. Le souffle court, je courus pour couvrir les quelques kilomètres qui me séparaient de notre endroit.

Ma respiration formait de la buée devant ma bouche. Je tournais au coin de la rue et aperçus enfin le banc. Solitaire, recouvert d'une file pellicule de neige.

Si Ethan avait effectivement disparu, ou enlevé, ce qui semblait plus probable, j'espère qu'il avait pensé à nous laisser un indice.

Méticuleusement, je fis le tour du banc. J'étais à peu près sûre que la police avait déjà inspecté le banc en décembre puisqu'ils avaient passé la ville au peigne fin. Mais ils ne connaissaient pas Ethan comme moi je le connaissais.

Je fis tout d'abord le tour du banc, qui s'étendait sur une flaque boueuse sur le sol. Puis j'essayais de repérer d'éventuelles traces de luttes, même si deux mois plus tard, j'avais peu d'espoir. Je fis le tour du lac environnant, tentant de repérer d'éventuelles traces de son passage. Rien. Après une heure  de recherches, je commençais vraiment à glacer. J'allais abandonner et rentrer chez moi.

Je m'assieds sur le banc, comme nous l'aurions fais autre fois, et réfléchis. Je sentais que j'étais près du but, il n'y avait pas de doute. Je tournais ma tête vers la droite, regardant une tanière de marmottes, et laissais mes pensées divaguer. Soudain, quelque chose attira mon attention : le terrier semblait avoir été troué par quelque chose. Une trace doré émergeait de la surface.  Je m'approchais, doucement, et effleurais la trace de doigts. Quelque chose était à moitié enterré à son creux. Fébrilement, je creusais au même endroit, et y dénichais un anneau.

Les doigts tremblant, je le retournais sous toutes ses coutures, mais c'était bien lui. Pas de doute. L'anneau qu'Ethan portait à son annulaire tout les jours. L'anneau que Sarah lui avait offert. Ethan été passé là. Il m'avait laissé un indice. Je me levais, tremblante et courus vers le poste de police. L'enquête allait enfin avancer. 

Singulier - [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant