épisode 3. bouteille à la main dès le petit matin

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après des verres pris en compagnie de la belle Milada, June reçoit un message de sa mère, auquel elle finit par répondre, alors qu'elle ne parvient pas à coucher ses pensées sur le papier

vendredi - 12h05

Le vacarme emplissait peu à peu l'espace du petit restaurant où les deux femmes avaient prévu de se retrouver, ou plutôt là où la mère de June l'avait conviée.
Cette dernière était d'ailleurs en retard, conformément à ses habitudes, laissant sa fille seule dans un environnement qui ne lui convenait absolument pas.

June se sentait telle une tâche sur une belle nappe blanche.
Entre ses cheveux décolorés et son air débraillé, elle ne s'accordait que très peu à l'ambiance chic de l'établissement, la poussant à tirer sur ses manches comme si cela allait l'aider à dissimuler sa gêne.
L'effet escompté ne fut pas atteint et ce fut uniquement une nouvelle bouffée d'embarras qui s'empara aigrement d'elle à la vue d'un serveur aux cheveux gominés et à l'air hautain qui la toisa comme si elle n'était qu'une moins que rien, un déchet dont on se séparerait bien.

Elle consulta à nouveau l'écran de son cellulaire, se maudissant d'avoir faiblement accepté cette invitation, sans réaliser qu'au fond, elle n'avait pas eu le choix, ayant un couteau virtuel sous la gorge ou plutôt une épée de Damoclès au dessus de son doux minois.
Puisqu'il en était toujours ainsi avec sa génitrice et qu'il en serait très certainement toujours ainsi à l'avenir, cette femme n'était nullement vouée à évoluer. Ou du moins pas dans le sens qui permettrait à June de s'épanouir et de fleurir telle la plus belle des roses.

Marquant la fin de l'attente de sa fille, madame Hekler daigna enfin paraître au lieu de rendez-vous, emmitouflé dans un manteau grandiose que la June enfant aurait rêvé de pouvoir caresser sans en obtenir l'autorisation, obtenant en tout et pour tout des doigts rougis et une longue série de remontrances.

- Bonjour ma chérie, j'espère que tu ne m'as pas attendue trop longtemps.

Le visage marqué par l'âge de sa mère se fendit d'un sourire fallacieux, n'atteignant même pas ses yeux clairs, seule chose dont June avait hérité de cette horrible femme qui n'avait fait que la mépriser.

June n'eut pas le temps de songer à quitter l'endroit qu'elle se retrouvait au bras de sa mère, en direction de la sympathique table ronde que la quarantenaire avait réservée.

La proximité avec la vitre donnant sur la rue agitée rassura quelque peu la jeune femme, qui laissa ses épaules s'affaisser d'un iota, signe qu'elle prenait quelques aises mais sans pour autant se départir de la défensive sur laquelle elle s'installait systématiquement dès qu'elle se trouvait en présence de celle qui lui avait donné la vie.

Le serveur méprisant fit son retour, un sourire n'ayant rien à envier à celui de madame Hekler aux lèvres, leur tendant les petits carnets en cuir dans lesquels étaient glissés les menus aux prix exorbitants.
Remarquant très certainement le malaise de sa fille face aux sommes chiffrées, Louisa agita faiblement sa main ornée d'une lourde bague, agrémentée d'un cristal que June n'identifia pas.

- Je t'invite, fais toi plaisir, tu sais bien que je peux me le permettre, après tout. Pas comme ton père.

June manqua de lever les yeux au ciel suite à la dernière intervention, ô combien acérée, de sa cruelle mère.
Si elle avait pu chronométrer, elle se serait rendu compte qu'il avait fallu à peine plus de dix minutes - si ce n'étaient cinq - à l'odieuse femme pour entamer ce qui annonçait une longue série de critiques, toutes plus piquantes les unes que les autres, avec pour seul but d'achever sa fille.

ON NE S'AIMERA PAS CE SOIROù les histoires vivent. Découvrez maintenant