ON NE S'AIMERA PAS CE SOIR

épisode 5. dimanche à la brocante

après un week-end passé en compagnie de ses deux meilleurs amis, June se sent pleinement reposée et prête à affronter la suite de sa vie

vendredi - 18h30

Même plus de deux mois après sa rencontre avec Milada, June se sentait toujours légère et comblée lorsqu'elle recevait une de ses notifications, sans pour autant parvenir à mettre le doigt sur ce qui créait cette sensation chez elle.

Parce que c'était trop fugace, trop léger, presque absent, en réalité.
Elle aurait pu le manquer si elle ne s'était pas autant habituée à épier le moindre de ses changements émotionnels.

Mais ce soir, ce n'était pas Milada qu'elle sortait retrouver.
Elle avait réinstallé une grande appli rencontres, bien qu'elle ne soit pas vraiment convaincue par ce genre de mode de consommation.
Il y avait cependant une raison à ce subit écart avec ses principes. Elle avait passé une journée guère appréciable, sa tendre mère ayant jugé bon de faire un énième retour dans sa vie déjà grandement instable.

Elle avait donc besoin de vider son esprit et d'une manière qui n'impliquait aucune drogue.
Trouver refuge dans les bras d'inconnus lui semblaient la seule idée valable, bien qu'elle ne soit pas grandiose ni franchement belle.

La pile de vêtements étalée sur son lit, dans laquelle Mistigri s'était malicieusement caché, lui renvoya toute l'image de pitié qu'elle devait créer chez tous ceux qui l'observaient.
Et elle se détestait, pour ça.

Elle tira du tas informe une paire de jeans, un gilet un peu plus classe et moins usé que ceux qu'elle portait quotidiennement et songea que cela ferait grandement l'affaire.
Et puis, de toute façon, si tout suivait ses plans, elle n'aurait pas à se préoccuper longtemps de sa tenue vestimentaire.

vendredi - 20h02

Portable à la main, cigarette au bord des lèvres, June patientait en silence hors du bar où son date du soir était supposé la retrouver.
Non pas que la personne soit grandement en retard, c'était même plutôt June qui était en avance, même si c'était de peu.
Elle avait été assez étonnée de cette heure loin d'être tardive mais commençait à se dire qu'elle aurait mieux fait de reculer un peu l'horaire, surtout si c'était pour attendre l'autre des minutes durant.

Elle commençait cependant à regretter sa décision, le froid ambiant y étant pour beaucoup. En effet, June avait sous-estimé la température hivernale et s'était aventurée un peu debraillée, ce qui n'était pas vraiment une bonne idée.

Mais quand son rendez-vous du soir tourna au coin de la rue, l'air paniqué de ne pas être arrivé à temps, elle se sentit tout de suite rassurée.
Finalement, elle allait bien se terminer, cette petite soirée.

D'un commun accord, et surtout à la vue de la cigarette qui se consummait toujours, enveloppant June d'une fine aura souvent jugée malodorante, ils s'étaient installés sur une table extérieure qui restait tout de même assez proche de l'espace intérieur, afin de ne pas souffrir de la morsure du froid.

Et avec une assurance qu'elle n'utilisait que dans ces moments là, June devint la séductrice qu'elle avait calquée sur le comportements des femmes de son entourages, attirant l'homme qui lui faisait face dans ses filets, le tout pour en soutirer un verre et une nuit qu'elle espérait à la hauteur de ses attentes.

samedi - 04h55

Sans dire que le moment d'intimité avait été particulièrement infect, la jeune femme n'en était pas non plus grandement satisfaite.
Peut-être parce qu'elle savait qu'elle s'était jeté contre ce torse et entre ces cuisses pour ce qui s'apparentaient à de mauvaises raisons.
Peut-être parce que maintenant qu'elle se trouvait, à moitié nue, sur le balcon de cet inconnu, à cracher la fumée dont elle ne pouvait se passer, son esprit clarifié, elle en était venue à pratiquement se dégoûter.