Ponzona || D. Gray Man

Chapitre 2

Le repas englouti, Allen se massa la panse avec délectation. Kanda, de son côté, le fixait comme s'il était un extraterrestre. Il fallait dire qu'il s'était enfilé un poulet entier, une grosse poignée de frites, des patates et un steak. Il restait humain : il avait demandé du dessert. Le démon paraissait ne pas en revenir. Allen ne pouvait pas le blâmer. Son gros appétit choquait souvent. Surtout qu'il était, sans être excessivement maigre, svelte. Bien bâti, avec des muscles où il le fallait, parce qu'il faisait du sport, mais svelte. On lui demandait souvent avec ahurissement où il mettait ses kilos en trop. Lenalee riait parfois en disant que si elle mangeait ne serait-ce que la moitié de sa quantité de nourriture habituelle, elle finirait en obésité morbide au bout d'une semaine. Lavi l'emmerdait pour le traîner à des concours de bouffe, comme ceux des télé-réalité américaines. "Mais tu comprends, on serait riche frérot !" Allen n'en avait aucune envie. Bien que manger pour de l'argent, bon... C'était surtout la gêne d'être une attraction qui le bloquait.

Il savait que c'était dû à sa nature démoniaque, du moins c'est ce que Mana disait toujours. Son oncle, Neah, râlait qu'il allait les bouffer dans leur sommeil un jour. Cross Marian, alors marié à Neah, rétorquait toujours que c'était son rôle à lui. À l'époque, Allen n'avait pas compris l'allusion. Quelque fois, il y pensait avec circonspection... Oser dire ça devant un gamin de 12 ans... Ce bougre de Cross avait toujours été un pervers de toute façon. Restait qu'Allen n'était pas cannibale, il n'avait jamais mangé personne, encore heureux. Il esquissa un sourire en pensant à cette époque.

Hormis son désir de puissance et son projet de quête qui le rendait anxieux, la mort de son père, il aimait sa vie. Il aimait ses amis, et ce qui restait de sa famille. Marian lui rendait toujours visite, depuis que Neah avait disparu en cherchant la relique qu'Allen avait en tête de dégoter. Il lui prêtait de l'argent, l'arnaquait majoritairement dans l'histoire en lui empruntant souvent le double pour picoler, mais ils avaient une bonne relation. Globalement.

Évidemment, il se sentait triste de la disparition de son oncle, malheureux de celle de son père, et agacé de devoir gérer son alcoolique de tuteur. Il fallait de la patience et des nerfs pour ça.

Le jeune Walker n'était pas totalement idiot, il se doutait bien que le démon voulait son cul, mais pas que. Il se faisait toutefois confiance pour garder la situation sous contrôle. Lavi et Lenalee l'auraient tués s'ils avaient su le risque qu'il prenait pour sa vie. Le rouquin l'aurait d'abord encouragé à perdre son pucelage avec Kanda, certes, mais il l'aurait sermonné. Ce pourquoi il ne leur avait rien dit et ne répondait pas à leur message depuis deux jours.

Il voyait d'ailleurs le démon fixer son téléphone comme s'il s'agissait d'une grenade. Un démon, qui avait peur d'un vieil iphone 8 ? La blague. L'Enfer qui capitulait devant le consumérisme.

Kanda finit par ouvrir la bouche, la lèvre froncée dans un mouvement de dégoût.

—J'ai jamais vu quelqu'un, démon ou humain, bouffer comme toi.

—On me le dit souvent.

L'étonnement du brun s'accentua davantage.

Allen se racla la gorge, une question le titillant.

—Dis, comment tu fais pour faire apparaître... tout ça ? Tu peux vraiment tout faire ? Le goût est plus vrai que nature !

S'il s'étonnait autant, c'était car la magie ne pouvait pas créer à partir de rien. La magie blanche, du moins, celle qu'Allen utilisait d'habitude.

—C'est du vrai, crétin. Quand je prends un truc, expliqua le démon, je le prends quelque part. Je ne sais pas où. Je peux tout faire, oui, mais ça a un prix. Si je te donne une maison, elle aura disparu de quelque part.