toute la vérité 1/2

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la peur à l'intérieur on l'a tue mais on l'enterre mal

luna guidicelli
neuilly-sur-seine, 18h

après mon rendez-vous avec la psychologue, j'avais passé le reste de mon après-midi dans ma chambre à déprimer devant des téléfilms de noël sur tf1, quand je remarquais qu'aujourd'hui nous étions justement le réveillon, mais surtout, que j'allais revoir ma famille pour la première fois depuis ma tentative de suicide.

j'ai crisé pendant une longue heure sous les mots réconfortants de céline, mais rien n'y faisait.

alors étant donné que je n'avais plus accès à mon téléphone depuis mon arrivée ici, je lui ai demandé en pleurs d'appeler kylian, histoire de me rassurer.

« ça va bien se passer luna, ils comprendront, m'a-t-il dit, puis j'suis là moi, peut-être pas physiquement, mais j'suis là. »

mon p'tit boubou était avec sa famille pour le réveillon, et il m'avait promis qu'il viendrait me voir juste après l'ouverture des cadeaux de ses neveux. mais même après l'en avoir dissuadé, il avait insisté.

je me sentais mal de prendre autant de place dans sa vie au point qu'il sacrifie un temps précieux en famille, un temps inoubliable et spécial dont j'aurais aimé pouvoir passer avec la mienne si ma situation et nos liens actuels n'étaient pas aussi compliqués.

comme toujours, sa parole valait de l'or et il avait réussi à me rassurer sans trop d'effort en quelques mots, mais cette boule au ventre qui campait dans mon estomac depuis plusieurs jours ne voulait toujours pas s'en aller, et justement, ne faisait que grossir.

ce n'était pas seulement le fait que je n'étais pas prête à leur annoncer la nouvelle et leur dire toute la vérité, mais surtout le fait que je n'avais aucune idée d'exactement quoi leur dire.

est-ce que je devais leur expliquer d'où venait le profond mal-être que je ressens en moi depuis mes cinq ans ? est-ce que je devais leur expliquer que je me mutile depuis mes dix ans à cause de ma souffrance, leur négligence et leur manque d'implication dans ma vie ? est-ce ce que je devais leur expliquer que leur absence m'avait détruite ? que ce n'est pas la première fois que j'essayais de mettre fin à mes jours ?

est-ce que je devais leur expliquer que je venais de me faire agresser sexuellement pour la seconde fois de mon existence par un connard qui prétendait m'apprécier mais qui ne voulait qu'abuser de moi et ruiner ma vie ? est-ce que je devais leur expliquer que derrière la femme confiante et sûre d'elle se cachait une petite fille effrayée et brisée ? est-ce que je devais leur expliquer que j'aurais tout donner pour quitter ce monde ? que la personne qui m'a sauvé est l'un des meilleurs amis d'elias et que sans lui je me serais sauté la cervelle depuis longtemps ?

est-ce que je devais leur expliquer que le trou qui me sert de cœur ne pouvait qu'être comblé que par eux ?

mes pensées se mélangeaient et les larmes coulaient par paquet. pourtant, l'affront n'avait même pas encore commencé.

- ta famille est dans la salle d'attente depuis une heure luna, me dit céline en entrant dans ma chambre, tu ne veux toujours pas les voir ?

la tête cachée sous ma couverture, je soupire doucement en ravalant mes larmes, puis finis par sortir complètement mon visage de ma cachette pour voir celui de l'infirmière.

- j'ai peur céline, dis-je d'une toute petite voix.

- je comprends, mais il faut que tu y ailles, elle dit, retarder le moment n'arrangera rien tu sais.

je soupire une énième fois et me lève finalement en traînant des pieds, telle une enfant.

céline m'accompagne jusqu'à la porte de la salle d'attente dans un silence de plomb.

je me stoppe devant l'embrasure de celle-ci quand je reconnais distinctement la silhouette d'elias, qui fixait le sol d'un air anxieux en tapant nerveusement son pied contre le parquet.

c'était maintenant à mon tour d'être nerveuse.

je reste figée sur place, la boule au ventre quand céline me chuchote deux/trois mots à l'oreille que j'écoute à peine, avant de me laisser seule devant cette grande porte vitrée qui me séparait des personnes que je redoutais le plus ces derniers jours.

je me perdais à nouveau dans mes pensées. qu'est-ce qu'ils allaient dire ? est-ce qu'ils allaient bien m'accueillir ? est-ce qu'ils allaient être en colère contre moi ? est-ce qu'ils allaient m'insulter ? pleurer ? me détester ?

j'en avais aucune idée, et en tant que control freak cela m'angoissait encore plus de ne pas avoir la main mise sur cette situation.

j'étais tellement dans ma bulle que je n'ai pas pu anticiper qu'elias, sûrement pris d'un instinct, tourna la tête vers la porte vitrée, c'est-à-dire dans ma direction, me remarqua et se leva d'un bond pour accourir vers moi.

- putain luna... il dit avant de me prendre dans ses bras, tu m'as fait trop peur, j'suis désolé de m'être énervé contre toi. excuse-moi...

j'explosais en sanglots sur son torse à ses mots, et en resserant l'étreinte autour de son corps je constatais qu'il avait maigri en plus d'avoir une petite barbichette horrible et des cernes de zombie.

je me suis promis de l'emmener à mon institut favori dès que je serais sortie de cet hôpital. je sais que je lui ai atrocement manqué vu notre relation ultra fusionnel mais il aurait pu être un peu plus présentable, quand même.

il embrasse doucement mon front puis essuie mes larmes, les siennes bordant ses yeux en amandes, puis m'offra un léger sourire.

- même à l'hosto tu penses à caler ta meilleure robe ? il rigole en me détaillant, chanel en plus.

- hey, c'est pas parce que je suis enfermée ici que je dois ressembler à rien, répondis-je, puis une jolie robe c'est bon pour mon moral, ma psychologue a bien aimé en plus.

il rigole à nouveau face à ma réponse puis me reprend dans ses bras.

même si elias est très souvent lourd, super protecteur et qu'on se dispute énormément, il reste vitale à mon existence.

c'est un peu comme un super héros à mes yeux puisqu'il m'a toujours protégé, et ça depuis petits. on s'aime comme on se déteste à notre manière mais au fond, on ne peut pas vivre l'un sans l'autre.

- j'peux pas te dire ce qui va t'attendre quand tu vas passer la porte, il dit, mais contre eux j'serai toujours de ton côté, comme d'hab.

je le remercie d'un sourire mi-sincère, mi-forcé. parce que je sais pertinemment que ce que je vais annoncer dans quelques instants ne va pas lui plaire non plus.

mais maintenant que je suis là, il n'y a plus de retour en arrière possible.

et ma plus grande peur c'est qu'une fois la vérité éclatée, plus rien ne soit comme avant.

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je poste la deuxième partie du chapitre ce week-end 🫶🏽
talya

thank me later • kylian mbappéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant