Scélérat

29 - Ce maudit piano

MARS 2018

Le mois de février et le début du mois de mars sont passés à une vitesse folle. J'avais la tête dans le guidon avec le boulot et les Tontons. David avait soixante idées à la minute et il était parfois compliqué de le canaliser. Tonton était un poil frileux, il fallait parfois le pousser dans ses retranchements pour qu'il accepte de prendre un peu de risque. Il y avait beaucoup à faire pour l'organisation de l'évènement au restaurant de Cassis. Cette soirée d'inauguration, très retardée, devait en mettre plein la vue aux invités. Olivia était sur le projet depuis des mois et elle m'avait demandé de l'aide les semaines précédant le jour J. Papy venait fourrer son nez dans l'avancée de l'organisation, dans nos bureaux, dans la compta et dans les contrats de travail. Il avait toujours un mot à dire, une remarque à faire. Olivia préférait quitter le bureau quand il pointait le bout de son nez. Papy était encore plus critique avec elle mais je voyais dans ses yeux qu'il était fier d'elle.

J'étais moins morose ces derniers temps. Olivia insistait pour dire que c'était depuis que je reparlais un peu avec Julien. Elle et Sana avaient fini par le savoir, Olivia ne pouvant pas s'empêcher de regarder par-dessus mon épaule quand j'écris des textos. Ca l'avait fait rire qu'après tout ce temps, je n'ai toujours pas changer le nom de Julien dans mon répertoire. Je savais que cela faisait plaisir à Sana que mon entente avec Julien soit de nouveau cordiale. Elle disait que c'était important pour Omar que sa marraine n'ait pas envie d'étriper son parrain. Je ne savais pas si mon état d'esprit un peu moins sombre et blasé était réellement dû à Julien, mais ça me faisait du bien d'aller mieux. Le plan du cœur de pierre comme l'appelait Sana fonctionnait plutôt bien. Je ne laissais personne y entrer, ni les hommes qui venaient m'accoster aux restaurants, ni même Thomas le chef du deuxième restaurant de Marseille qui me faisait du rentre dedans depuis quelques semaines et encore moins Julien. Cette stratégie m'a permis de reprendre le dessus sur mes vieux démons et mes vieilles peurs, de les enfouir de nouveau au plus profond de moi et d'avancer. J'entendais toujours la voix de mon père résonner dans ma tête:

— Attention à toi, ce n'est pas guérir ça ma chérie, c'est éviter et contourner les problèmes.

Mais je balayais ces paroles et me disait que pour l'instant c'est ce que j'avais trouvé de mieux, ne sachant vraiment pas comment faire pour guérir. Tonton s'inquiétait aussi pour moi. Il voyait d'un mauvais œil le fait que Julien et moi nous reparlions de nouveau. Il l'avait mauvaise contre lui. Tonton, malgré sa jeunesse mouvementée et ses activités qui n'ont pas toujours été très clean, était un homme d'honneur. Il y avait des choses qui, selon lui, n'étaient pas acceptables, quelque en soit les raisons et la trahison en faisait partie. Alors, quand le temps est venu d'envoyer les invitations pour la fameuse soirée du restaurant, une question s'est posée: quid de SCH ?

— Je suis désolée Tonton, a insisté Olivia après de longues minutes de débat avec son oncle, mais on ne peut pas ne pas l'inviter.

— Je me range du côté de la petiote frangin. A déclaré David en se reculant dans son siège.

— Mais je ne comprends pas pourquoi ! A demandé Tonton en levant les bras au ciel. On n'a pas besoin de star à cette soirée.

— Bien sûr que si ! S'est exclamée Olivia.

— On s'en est sorti jusqu'ici sans personne connue, on peut continuer comme ça. C'est ridicule ! A-t-il soufflé bruyamment.