35 - Désillusion

1K 41 4
                                    


AOÛT 2019


L'enterrement de Papy avait lieu en début d'après-midi. J'avais rejoint Sana chez elle. Elle avait pris son après-midi. Omar était chez la nourrice. Ahmed nous a rejoints. J'étais contente de le voir, ça faisait longtemps. Ahmed se faisait discret en ce moment, nous le voyions moins qu'avant. J'avais l'impression qu'il traînait moins avec Julien. Nous avons pris la route jusqu'à l'église. Nous sommes arrivés en même temps que Nour et Tito. Sur place, Julien, Alicia, Joëlle et le Big nous attendaient. Nous nous sommes dit bonjour et nous avons avancé pour nous installer à l'intérieur. Il y avait beaucoup de monde, Papy était connu, ses fils aussi.

Sur le chemin vers l'église, j'ai sentie une main me frotter le dos. C'était Joëlle. Elle me regardait avec un regard plein de compassion. Elle souriait. Je lui ai rendu son sourire et elle a pris mon bras pour continuer d'avancer. J'étais plutôt mal à l'aise, Julien était là, avec sa copine mais Joëlle tenait mon bras. Je ne sais pas si elle avait voulu faire passer un message à Alicia ou Julien, mais c'était sans équivoque. J'ai vu le Big et Sana me faire un petit sourire en coin. Ils avaient perçu le message comme moi.

Nous sommes entrés en silence dans la bâtisse. Sana menait la marche. Plusieurs personnes faisaient de même, n'hésitant à nous bousculer pour entrer en premier.


 Putain les vieux, ils sont ouf ! Ai-je entendu râler Sana.


Nous avons fini par pouvoir entrer et trouver des places assises, dans le fond de l'église. Sana s'est assise la première, je me suis ensuite installée. Joëlle qui me suivait, s'est arrêtée. Elle avait l'air de chercher quelque chose dans son sac. Elle a fait signe à Julien qui était derrière elle d'avancer à son tour. Puis, miraculeusement, elle a trouvé son paquet de mouchoirs avant qu'Alicia ne puisse suivre Julien et elle est passée devant elle. J'ai aperçu le Big et Nour esquisser  un sourire devant cette scène. Ils ont ensuite suivi Alicia.  Ahmed et Tito se sont assis sur le rang derrière nous.

La cérémonie a été, comme tant redouté, très forte en émotion. Je n'ai pas pu retenir mes larmes quand Tonton s'est levé pour parler de son père et de sa vie. Mes larmes ont redoublé quand Olivia s'est à son tour levée. Son discours a été poignant. Elle a parlé de ses souvenirs d'enfance, de sa relation particulière parfois conflictuelle mais toujours teintée d'amour avec son grand-père. J'étais en train d'essuyer mes joues avec ma main gauche, j'ai senti une main chaude se poser et serrer ma main droite. J'ai baissé les yeux et j'ai pu y lire Otto inscrit à l'encre noir. Je n'ai pas réfléchi et j'ai serré à mon tour mes doigts autour de cette main. A cet instant, je me moquais bien qu'Alicia ou quelqu'un d'autre puisse voir cette marque d'affection entre Julien et moi. C'était ce dont j'avais besoin pour que mes larmes cessent. J'avais besoin de le sentir près de moi et avec moi. Il a caressé ma main avec son pouce.

Après l'enterrement, les Tonton avaient prévu un café au premier restaurant, celui qu'avait ouvert Papy il y a une trentaine d'année pour leurs proches. Nous nous sommes donc rejoints là-bas. L'ambiance était particulière. Tout le monde affichait une mine triste, la famille de Papy discutait entre eux. Nous entendions parfois quelques rires étouffés. Je me souviens m'être dit que Papy aurait détesté cette ambiance, il aurait raconté des blagues ou lancé des piques à tout va pour détendre l'atmosphère. J'ai bu mon café, la tête un peu ailleurs. Je pensais à la main de Julien dans la mienne lors de l'enterrement. Je me sentais coupable de ne penser qu'à ça dans un moment pareil mais c'était plus fort que moi. J'étais dans mes pensées quand j'ai remarqué que mes amis avaient tous le nez tourné vers l'entrée du restaurant. Ils commentaient avec ferveur le spectacle qui s'offrait à nous à travers les grandes baies vitrées. Julien et Alicia avaient l'air de s'embrouiller.

ScélératOù les histoires vivent. Découvrez maintenant