Domino [BxB]

Face 1

Sasha

Allongé tout en longueur sur son lit, Sasha était rentré depuis plus d'une heure maintenant et cela faisait le même lapse de temps exactement qu'il s'était mit durement à cogiter. Sa respiration était lente et son corps se laissait doucement caresser par les dernières chaleurs de l'été.

Tantôt, alors qu'il avait pour projet de traîner dans le petit parc placé à côté du lycée, ses plans s'étaient retrouvés totalement modifiés lorsqu'il avait trouvé ce petit carnet à ses pieds. Ce dernier reposant d'ailleurs non loin de sa tête, posé sur sa table de chevet boisée.

Il essayait depuis un moment maintenant de ne pas y penser. Cependant, chaque minute passant, la curiosité de l'ouvrir et de voir ce qu'il y avait dedans le rongeait petit à petit. Il voulait savoir ce qui s'y cachait à l'intérieur, néanmoins, même s'il appartenait à quelqu'un qu'il n'aimait pas, il ne se serait jamais permis de le faire sans son consentement.

C'est donc une heure supplémentaire qui passa. Il en vint même à se demander par quel moyen il allait le lui remettre. La plupart du temps, ils ne se voyaient pas, n'étant pas dans la même section, les rencontres étaient rares. En plus, ne le portant pas dans son cœur, le brun faisait toujours en sorte de ne pas le croiser, alors savoir qu'il devrait amorcer de lui même une rencontre ne l'arrangeait pas forcément.

Le simple fait de voir son visage souriant le mettait pour la plupart du temps sans une colère sourde. Ses simiesques attendrissantes lui donnait une envie folle de le secouer violemment. Les gens comme Aiden, Sasha ne pouvait pas se les piffrer. Il avait cette fâcheuse impression que pour eux tout était beau, cependant la vie n'était pas ainsi et cela, il l'avait appris à ces dépends.

En y réfléchissant bien, Sasha ne savait pas tellement quand est-ce qu'il avait commencé réellement à le détester. Ça ne s'était pas fait à la minute où il l'avait vu. Non, ce sentiment désagréable avait su simiscer vicieusement en lui petit à petit, tel un serpent, il s'était incrusté au point de  tourner sa tête lorsqu'ils se croisaient dans les couloirs pour ne plus voir son faciès de poupons.

Aiden était ce genre de personne à sourire tout le temps. Beaucoup dirait qu'il était une bouffée de mignonnerie envers tous ceux qui le connaissait de près ou de loin. Toujours là aider son prochain quand ce dernier en avait besoin.

Aiden était quelqu'un de souriant et serviable, portant des pulls trois fois trop grands pour lui et cela même quand il faisait chaud.

Aiden était gentil et tout le monde adorait sa frimousse adorable et sa profonde gaieté. Tout le monde excepté Sasha qui ne supportait pas ce genre de personne. Il le trouvait trop niais, trop doux, trop plat.
Non, Sasha n'aimait décidément pas Aiden et son éternel sourire. C'était profond, incontrôlable, ça le prenait aux tripes alors qu'en soit le jeune homme ne lui avait rien fait, ils ne s'étaient jamais réellement parlé. Pourtant, le simple fait d'être non loin de lui l'énervait au plus au point.

Néanmoins malgré cette aversion, le brun ne s'était aucunement résolu à le lire et regarder ce que cachait ce carnet. Enfin, il avait vu la première esquisse, car si à cet instant il ne voulait pas observer ce qui s'y dissimulait, il n'avait eu aucune réticence à le faire quelques minutes plus tôt. C'est d'ailleurs pour cela sûrement, qu'il n'avait pas davantage épié sa vie privée. Le dessin aurait pu être insignifiant s'il n'y avait pas eu ce personnage, replié sur lui-même, la tête entre ses genoux et cette créature difforme flottant au-dessus de lui. Il s'en rappelait comme s'il l'avait encore devant lui.

Dire que cela ne l'avait pas marqué, serait mentir. C'est certainement pour ça d'ailleurs qu'il ne s'était pas aventuré plus loin. La culpabilité l'ayant assailli d'un seul coup, il l'avait refermé immédiatement et l'avait posé sur sa table de chevet. Et il était là, couché de tout son long dans son lit, depuis de longues heures déjà, assailli par d'innombrables élucubrations.

Il tourna légèrement la tête, son réveil annonçait 18h30. Il se rendit compte qu'il n'avait rien fait depuis qu'il était rentré. Il n'avait fait que penser à cette bouille d'ange que tout le monde adorait. Dans un mouvement souple, il releva son buste afin de se mettre en position assise, s'étira puis prit le cahier afin de le remettre dans son sac. Il réfléchirait plus tard à la façon de le rendre à son propriétaire, en attendant il avait d'autres choses plus importantes à faire.

...

Nous étions lundi et le week-end s'était écoulé à une vitesse hallucinante. Il s'était passé tellement rapidement que le brun n'avait même pas pu mettre une stratégie en place afin de rendre l'objet de ses tourments. Il se retrouvait donc devant le portail, penaud, observant les alentours afin de voir s'il ne trouvait pas une tête orné de bouclettes auburn.

Son comportement, beaucoup le trouvait étrange. Ses amis - s'il pouvait les nommer ainsi - n'étaient point habitués à le voir ainsi, perdu, à la recherche de quelqu'un ou de quelque chose. L'attitude sempiternelle de Sasha était de traîner un peu devant les barrières du lycée, avachis contre un des murs sales et se fumer une cigarette pour ce donner un peu de courage avant de longues et éternelles heures de cours. Alors le simple fait de le voir rentrer directement dans l'enceinte de l'université, les surprenait franchement.

Le brun quant à lui, nerveusement semblait passer au peigne fin tous les lieux où il aurait pu le trouver. Mais personne à l'horizon, il paraissait comme volatilisé et ses prochaines heures d'enseignements allaient débuter dans les secondes à suivre. De mauvaise humeur, il se promis de le chercher à la pause afin d'avoir enfin l'esprit plus léger et continuer sa petite vie comme si de rien n'était.

...

Deux heures d'anglais plus tard, Sasha se dressa avec empressement sur ses pieds et parti précipitamment vers le réfectoire. Tous les cours avaient exceptionnellement commencé à 10h aujourd'hui et c'était donc durant la pause de midi qu'il comptait bien trouver Aiden. Dans son sac, ce petit carnet semblait lui peser des tonnes.

C'est alors qu'il traversait le couloir en direction du self qu'il le vit, dehors sur un des bancs de l'établissement. De loin, il ne le voyait pas très bien mais il l'avait assez longtemps observé pour décrypter une expression songeuse sur son visage.

Le brun fit demi tour, en ce disant que "tant pis" il irait manger plus tard et courra presque vers la sortie afin de rejoindre le jeune homme vêtu d'un de ses éternels pulls colorés.