Chapitre 3

4.5K 190 17
                                    


"I wonder if I'm being real


Do I speak my truth or do I filter how I feel?


I wonder, wouldn't it be nice


To live inside a world that isn't black and white?"


[LÉA]

Il ne m'a pas fallu longtemps pour me faire aux horaires de la faculté. Certains jours, je commence à huit heures d'autre à dix. Les horaires sont variés et je crois que j'apprécie ça. J'ai même pu choisir moi-même mon emploi du temps, choisir les horaires que je préfère et à quelle heure je souhaite finir !  Enfin, il faut surtout se battre avec le site de la fac pour s'inscrire à ses cours mais c'est toujours ça de gagner ! 

Finalement, la fac, ce n'est pas si complexe que ça. On en fait tout un plat, parce que c'est nouveau, parce qu'on ne connaît pas cet autre univers, parce que ça fait peur aussi. C'est juste impressionnant.

Enfin, si. En y réfléchissant bien, la fac c'est complexe pour une chose : se faire des amis. Réussir à adresser la parole aux autres. C'est difficile d'arriver à passer la barrière de la timidité des premiers jours. Dans notre filière, j'ai l'impression que personne ne parle à personne. Qu'ils sont tous aussi ermite que moi. C'est peut-être pour ça que je me sens si bien dans ma classe, parce que les gens ne s'embêtent pas à faire semblant, ils ne s'embêtent pas à agir différemment pour avoir un semblant de popularité. Ici, on s'en fiche de ça. Ce qui compte : c'est les notes, les partiels, les appréciations.

C'est un tout nouveau monde contraire au lycée où ce qui pouvait régner était la popularité.

Cependant, au cours d'après, je tente ma chance. Je m'assois auprès d'une fille parce que je n'ai pas envie d'être seule, parce que j'ai besoin d'avoir une personne sur qui compter et récupérer les cours si je viens à manquer un cours magistral qu'on appelle ici de son abréviation CM. Et puis, je ne peux pas rester seule toute l'année. Ça commence à me peser de devoir passer mon temps toute seule.

Je lui offre un petit sourire et je dépose mes affaires à ses côtés. Elle a l'air toute aussi seule que moi et ça me rassure lorsqu'elle se met à discuter, qu'elle me montre ses jolies fluo et les dessins qu'elle peut faire sur son carnet, la plupart étant des croquis d'animaux.

— Je crois que tu t'es trompée de filières... Je lui dis pour rire mais visiblement, elle semble  triste, perplexe.

— Malheureusement.. non. Mon père n'est pas de cet avis. Le dessin, c'est un hobby. 

Triste façon de décrire son talent par juste cette appellation. Elle a sûrement un parent qui contrôle ses faits et gestes, comme moi avec ma mère. Ça me fait doucement sourire. Les parents sont donc tous pareils? Ils veulent nous contrôler, choisir ce qui est le mieux pour nous même lorsqu'on atteint la majorité.

Après quelques minutes à discuter, j'apprends qu'elle s'appelle Mona, qu'elle aime dessiner, beaucoup dessiner. Qu'elle se passionne aussi pour la mode, la K-pop. Qu'elle aime beaucoup parler pour rien dire, aussi mais je crois que je l'apprécie. Elle comble les vides, elle arrive à me faire penser à autre chose qu'à mon frère qui agit bizarrement depuis quelques jours, depuis que je suis à la fac en réalité. Il ne m'adresse plus vraiment la parole, fait mine de ne pas me connaître dans les couloirs et je dois bien avouer que ça m'étonne parce que je pensais qu'il souhaitait passer du temps avec moi, me montrer les endroits qu'il préfère ici mais ce n'est pas le cas. Il a simplement repris sa routine à la fac sans moi, comme si je n'existais plus pour lui et ça fait mal dans un sens.

Je me retrouve donc seule avec mon parrain. Bon en soi, ce n'est pas plus mal. Achille est plutôt sympa et bien apprécié des élèves ici. C'est toujours un plus surtout dans une faculté si grande que la nôtre. Avoir Achille à mes côtés est un avantage que je ne compte pas laisser tomber maintenant. 

Après le cours, je passe un peu de temps avec Mona. On se pose dans un parc, on observe les étudiants courir, d'autres profiter auprès de nous des quelques rayons de soleil et je crois que j'apprécie vraiment ça. Pouvoir me poser dans le petit parc de la faculté et écouter le bruit des oiseaux qui chantent ainsi que Mona qui me parle de son obsession du moment, un nouveau groupe de K-Pop qui ne cesse de monter dans les chartes, BTS si je me souviens bien. On parle, on ne fait que ça et le temps passe si vite qu'on ne remarque pas qu'il commence à se faire tard et qu'on ferait mieux de rentrer. On se salue et finalement, on prend le chemin toutes les deux dans des directions différentes. Mona habite encore chez ses parents ce que je trouve dommage mais bon, elle n'a pas de bourse et pas les moyens non plus pour vivre seule.

Lorsque je rentre, je me pose sur mon lit pendant quelques longues minutes et j'observe le mur. Ce qui me surprend, c'est d'abord le silence. Le silence qui devient pesant, le silence qui bourdonne mes oreilles et puis la solitude. 

Et je pense. 

Je pense à Mathis qui m'ignore, à mes premiers jours dans cette fac. À ma mère aussi, qui pense qu'elle peut continuer de contrôler ma vie et mon père. Mon père qui est absent, mon père qui ne m'a pas souhaité bonne chance pour mon entrée à la fac, mon père qui ne m'a pas envoyé de messages depuis... Eh bien, je ne m'en souviens pas.

 La dernière fois que nous avons échangée des mots remonte à tellement longtemps que j'attrape mon téléphone pour lui envoyer un message, pour prendre de ses nouvelles même si je sais qu'il ne va pas répondre. 

Qu'il ne va même pas prendre le temps de le lire. 

Tant pis. 


Message de moi à 'papa':

bonjour papa. J'espère que tu vas bien!! j'ai fait mon entrée à la fac 

tu me manques, je t'aime x


C'est peine perdue. 




MINDHUNTER - TOME 1 [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant