[TOM]
— Tom ? T'es levé... ?
— Hum...
J'entends la porte de ma chambre s'ouvrir et c'est finalement Achille qui essaie de s'avancer dans le bordel de mon antre. Il essaie de s'avancer entre les vêtements au sol, de se faire un chemin jusqu'à mon lit et je grogne en le sentant se poser sans délicatesse sur les draps. Il vient tirer sur ma couverture et je le repousse d'un geste de la main. Je n'ai pas envie qu'il me juge, je n'ai pas envie qu'il voit dans quel état je suis.
Non, je ne suis pas levé. Loin de là même. J'ai encore le visage enfouit dans mon oreiller et j'essaie de décuver. Donc, tu serais gentil de me laisser en paix Achille. Surtout après la nuit que je viens de passer.
— Lèves toi. On va être à la bourre en cours.
— Rien à cirer.
Bordel, est-ce qu'il compte me laisser en paix un jour ? Pourquoi est-ce qu'il continue de remuer autour de ma chambre ainsi, à mettre de l'ordre dans le bazar qui traine au sol ? Jamais il n'arrivera à ranger tout ça. Et puis, je déteste qu'on touche à mon bordel. C'est le mien.
— Allé mec. On a cours. Depêche-toi. On t'attend tous en bas.
— Tu peux m'attendre.
— Je crois bien ouais.
N'y une, n'y deux, je sens qu'il agrippe brusquement ma couverture et la fait voler dans la pièce. Un long grognement m'échappe et je me roule en boule sur mon lit en grognant fortement. Là, s'il veut m'énerver, il a le don d'y arriver. Il a toujours eu ce don en réalité, toujours à me faire monter en bourrique en à peine quelques minutes.
— Tu devrais prendre une douche.
— Et toi tu devrais me lâcher la grappe et fermer ta gueule. Mais visiblement on n'a pas tout ce qu'on veut.
Un silence passe. C'est suffisamment long pour qu'Achille se glisse à mes côtés et passe sa main contre mon dos en gardant le silence. Durant quelques instants, je me demande ce qu'il est en train de faire si bien que je le repousse, que je dégage sa main parce que sentir qu'on me touche me met mal à l'aise mais, il se met à parler ce qui brise ce moment de silence dont je profitais tant.
— T'as encore bu, c'est ça... ?
— Mmh...
Je ne vais pas lui mentir. Pourtant, la soirée avait plutôt bien commencé. On a discuté avec les mecs autour d'une pizza tout en regardant le match. Puis je suis retourné dans ma chambre et c'est là que tout a recommencé. Que le cercle que je pensais bien loin est revenu en force, comme tous les soirs en réalité. Il suffit d'une petite chose, une petite attention pour m'y refaire replonger. Et à chaque fois, c'est violent. C'est encore plus fort que la fois précédente. C'est comme un besoin d'oublier toujours plus fort. D'oublier tout ce qui a pu arriver jusqu'à présent.
Lentement, je relève la tête en fronçant les sourcils lorsque je le vois toucher à mon traitement plus loin sur mon bureau. Je fronce alors les sourcils et je grogne un instant en voyant qu'il compte les pilules sur le bureau. Merde. Merde. Merde.
Merde.
— T'es pas à jour.
— Et ?
— Et t'es pas à jour. T'avais promis de le continuer. Bordel, tu joues à quoi ?
À quoi je joue, Achille ? J'en n'ai aucune putain d'idées parce qu'à chaque fois que j'essaie de penser, tout se mélange dans ma tête. À chaque fois que j'essaie d'aligner une phrase avec ces putains de médicaments, rien ne me vient. J'ai l'impression que ça ne m'aide pas, ces pilules. Qu'elles me rendent faibles, qu'elles me font oublier. Qu'elles bousillent mon cerveau, qu'elles me crament le peu de neurones qu'il peut me rester.
— Les pilules que je prends. J'ai juste l'impression que—
—L'impression que quoi, Tom ? T'as pas envie d'aller bien ? C'est quand tu commences à aller bien que tu les arrêtes. À chaque fois. Tu fais chier.
—Non. Les pilules que je prends... Pour pas être triste, c'est juste...
—Juste quoi ? Tu cherches des excuses. Il me coupe. Il ne comprend rien. Il ne veut pas me comprendre. Peut-être qu'il l'a trop fait dans le passé.
Ils ne comprennent pas. Ils ne comprennent pas combien ça peut-être stressant d'essayer d'expliquer ce qui se passe dans ma tête alors que moi-même je ne le comprend pas. Moi-même j'ai du mal à y mettre des mots.
J'ai l'impression que je ne ressens rien. Que quoique je fasse, les pilules me retirent la seule partie de moi qui me tient encore la tête de sous l'eau. Celle qui me fait encore sentir présent, qui m'empêche de couler parce que je pourrais jurer que tout ce qu'elles font, c'est de me noyer. Personne ne comprend. Non, personne ne veut comprendre que je me bas encore pour ressentir au moins quelques choses même si c'est la tristesse, même si c'est la colère parce que je n'en peux plus de me sentir vide. De me sentir sans vie.
— Écoute mec...
Il s'approche de moi et viens glisser sa main contre mon épaule en prenant la pilule dans sa main pour venir me la tendre à l'aide d'un verre d'eau. Je la prends ainsi de ses mains, les sourcils froncés et je la glisse dans ma bouche en soufflant fortement. Je prends par la suite une gorgée d'eau et j'avale sous son regard en le détaillant alors qu'il vient vérifier que je l'ai bien avalé. Connard.
— C'est pour ton bien. D'accord ? Allez, on t'attend en bas.
Il s'en va et j'en profite pour dégager cette putain de pilule coincée sous ma langue. Je la recrache dans les toilettes de ma propre salle de bain et je grogne en me redressant alors que mon regard vient se plonger en face du miroir. Putain de journée. Putain de pilule. Putain d'Achille. Je vais par la suite rapidement chercher le restant de mes pilules que je viens jeter dans les toilettes. Bye bye traitement à la con. Là, Achille ne viendra plus me faire chier.
On part finalement vers les cours après quelques minutes. J'ai simplement eu le temps de me débarbouiller, de me brosser les dents et d'enfiler une paire de lunettes. Aujourd'hui, je n'ai pas envie qu'on vienne me faire chier. J'ai juste besoin de me reposer un peu et pourquoi pas dormir un peu en cours ? Ça pourrait être une bonne idée. Histoire de me reposer avant la prochaine cuite de ce soir.
Je me pose sur une des tables présentes dans notre salle de TD et je pose ma tête contre mes bras. Je m'installe par la suite confortablement et j'essaie de m'endormir alors que je grogne en entendant le professeur arriver. Pourvu qu'il ne vienne pas me faire chier. Un silence passe, durant lequel le professeur s'arrête de parler et je le remercie presque mentalement. Enfin, il ferme sa gueule. Pas qu'il me dérangeait mais presque.
C'est un livre qui claque sur le bureau qui me fait relever brusquement la tête et lorsque je vois le visage de mon professeur, je grogne un instant. Merde.
— Ma salle de classe n'est pas un dortoir, Mr. Higgings.
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MINDHUNTER - TOME 1 [Terminé]
Mystery / ThrillerIl y a des mots qui forment une phrase, un paragraphe, une syllabe. Certains diront que ce ne sont que des mots insignifiants, qu'ils ne sont là que pour combler une tournure incomplète, pour terminer une rime inachevée. Au-délà des apparences, ils...