Chapitre 1

7.5K 275 118
                                    




"Life's too short to even care at all,

I'm losing my mind losing my mind losing control."


[LÉA]

Maman a toujours prétendu vouloir le meilleur pour moi. Que ce soit pour mes études, mon poids ou bien même mes relations. Elle a toujours eu son mot à dire sur tout, comme une sorte de contrôle sur ma personne. Elle dit que ça vient de son côté maternel, qu'elle préfère me dire la vérité plutôt que de me mentir. Elle dit aussi que même si la vérité est douloureuse, le mensonge ne sera que pire à entendre. Et je crois qu'elle a raison dans un  sens. Il est vrai que d'après mon expérience, mentir ne m'a jamais rien attiré de bon. D'ailleurs ma mère a raison sur beaucoup de choses. Elle sait se faire entendre et arrive toujours à ses fins. En réalité, j'aimerais être comme elle. Pouvoir affirmer mes dires avec insistance, me faire entendre lorsqu'on hausse la voix sur moi, me faire respecter. Il faut croire que je n'ai pas vraiment hérité de son caractère à elle mais plus de celui de mon père, distant, peu présent.

Début de mois de septembre, mois de rentrée pour moi et aujourd'hui il ne fait pas beau. C'est comme hier et le jour d'avant. Il ne fait jamais vraiment beau, à Édimbourg. La pluie est toujours présente, même les beaux jours d'été. Elle finit toujours par trouver un moyen de pointer le bout de son nez. Je crois que ça fait le charme d'Édimbourg, ça ravive les anciens bâtiments, ça donne du charisme à notre ville qui paraît parfois si triste et mélancolique. S'il y a bien une chose que je peux détester à propos de cette pluie, c'est surtout l'humidité. Avoir les vêtements qui collent à la peau et par la suite, avoir la peau qui colle à cause de l'humidité. Rien de plus désagréable pour moi, surtout lorsqu'il fait encore chaud. On est encore en été après tout alors forcément, c'est d'autant plus désagréable pour moi. Un enfer que de vivre ainsi.

— Tu as pensé à prendre tes chaussures ? Tu sais, les bleues ? Celles qui te vont bien ? Tu risques d'avoir mal aux pieds si tu marches qu'avec tes talons.

Oui, maman. J'y ai pensé. D'ailleurs, j'ai aussi pensé à prendre les dizaines de paires de chaussettes supplémentaires que tu m'as collées dans la valise. Parce qu'on n'est jamais trop prudent, surtout avec les pluies torrentielles que nous avons, pas vrai ? On n'a jamais trop de chaussettes à portée de mains.

Un long soupir m'échappe et je ne peux m'empêcher de détourner le regard en observant la route défiler sous mes yeux et enfin, après une éternité, l'université d'Édimbourg commence à apparaître. Et je dois bien l'avouer ça m'impressionne. De la voir enfin, après ces années à en entendre parler de la bouche de mon frère lorsqu'il revenait pendant ses vacances universitaires.

Elle est située en Écosse, fondée en 1583 au cours d'une période de développement. Depuis, elle y accueille plus d'étudiants que n'importe quelle faculté dans le pays. Si je me souviens bien, c'est même l'une des plus grandes universités du Royaume-Uni. Enfin, c'est ce que nous a dit la personne qui remplissait mon dossier lorsque nous avons été m'inscrire il y a de cela quelques mois. En y pensant, ça fait presque peur de se retrouver seule dans une si grande institution. Ça m'angoisse rien qu'à l'idée de n'arriver à rien, de ne pas arriver à me retrouver et de me perdre dans les couloirs.

— Ton frère devrait être dans le coin.

— Je n'ai pas besoin de—

— Arrête un peu. Tu ne connais personne, pas même l'université, elle dit en me coupant.

Eh bien, maman, c'est un peu le principe d'entrer dans une université. Se retrouver seule et pouvoir agir comme on le souhaite. C'est l'essence même d'entrer dans une nouvelle institution mais ça, elle ne semble pas le comprendre. Non, elle reste bloquée sur le fait de contrôler mon arrivée pour que tout soit parfait. En réalité, j'ai l'impression qu'elle met ses désirs d'études sur moi parfois. C'est elle qui m'a poussé à rentrer en lettres.

Enfin, pousser est un bien grand mot. J'aime lire, j'aime le fait de pouvoir mettre mon nez dans un bouquin durant des heures et me perdre dans les bribes de mon imagination mais je me doute que la filière n'a rien à voir avec toute cette partie de ma vie. Ça doit être un peu plus... Sérieux. Plus compliqué que ce que je m'imagine.

— Allez, Léa. On y va.

Comme le dit ma mère, on y va. On prend le chemin de ma chambre en évitant sur notre passage les nombreux étudiants perdus eux aussi et on vient récupérer ma clé. Enfin, c'est plutôt ma mère qui récupère celle-ci. On se dirige par la suite vers mon nouveau lieu de vie. Chambre qu'elle a choisie avec précaution. Pas d'humidité sur les murs, pas d'odeur suspecte ni même de cadavres de cafards qui trainent sur le sol. Elle s'est même occupée de faire les courses pour mon arrivée, c'est-à-dire d'acheter de la nourriture qu'on réchauffe au micro-onde, mon seul moyen de me nourrir correctement.

— Tu penseras à m'envoyer des messages, hein ? Mathis dit que les garçons ici sont très mal élevés.

— Ah ?

En réalité, je me fiche de ce que peut penser Mathis des garçons d'ici parce que l'avis de Mathis est... tout autant biaisé que celui de ma mère. Je suis certaine qu'ils se sont d'ailleurs mis d'accord pour m'empêcher de voir n'importe quels hommes dans cette fac. Il faut juste que j'arrive à le prouver.

— Mathis va arriver.

— Ah.

C'est tout ce que je trouve à dire. Parce que je n'ai pas envie qu'on m'associe à lui, à être seulement "la sœur de". Je n'ai pas envie qu'on pense de moi comme simplement une autre Mathis et ça m'agace que ma mère force autant pour qu'il s'occupe de moi surtout que je suis pratiquement certaine qu'il s'en fiche lui, de devoir me supporter, de devoir m'aider à me retrouver dans les nombreux couloirs des différents bâtiments.

Il a certainement mieux à faire.

— On parle de moi ?

Il entre sans même frapper et déjà, il commence à m'agacer. Certes c'est ma mère qui la paie mais c'est tout de même ma chambre, mon intimité. Là où sont mes affaires et mes secrets.

— Y'a les parrains qui attendent au stand BDE aujourd'hui. Apparemment, tu te retrouves avec Achille. Il est plutôt cool d'après ce que j'ai pu entendre. Par contre, son pote... Laisse tomber.

— Ah ? Pourquoi ?

Ça m'intrigue parce que ça m'étonne que Mathis se soit fait un ennemi à la fac alors qu'au lycée, c'était plutôt un garçon ayant la popularité. Il faisait même pas mal de jaloux à l'époque.

Est-ce qu'il se dispute souvent avec les garçons de sa filière ? A quel sujet ?

— J'en sais rien. Il a décidé de me haïr pour rien.

Je l'observe un moment en fronçant les sourcils. Pour rien ? Ça me semble impossible parce qu'on ne déteste pas une personne comme ça, du jour au lendemain. Il y a forcément une raison. On ne peut pas se dire haïr quelqu'un sans avoir ne serait-ce qu'une raison valable. C'est tout bonnement impossible. Enfin, peut-être dans les séries mais tout de même ! 

C'est surréaliste.

— Bon, allez, on y va. Maman, on revient après.

— Je ne peux pas venir— ?

— Ben non. On va pas mettre la honte à Léa pendant son premier jour quand même ?

Un sourire prend finalement place sur mon visage. Oh, Mathis. La honte, je l'ai déjà eue. Ne t'inquiète pas. Et c'est probablement toi qui risque de me la coller.

MINDHUNTER - TOME 1 [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant