Construire une famille, mode d'emploi

Soirée

Peter savait que ça avait été une mauvaise idée. Pire : une idée désastreuse.

Mais il était désormais trop tard pour faire marche arrière.

La tequila lui arracha une nouvelle grimace. Il n'était pas certain d'aimer ça, mais la chaleur qui rampait dans sa gorge avait quelque chose d'incontestablement agréable. Ses pensées s'enfonçaient dans un coton moelleux ; un délicieux étourdissement s'emparait de ses cinq sens, lui donnant l'impression d'être à nouveau... normal. Plus d'ouïe aiguisée, plus de vue perçante, plus d'odorat surdéveloppé : il était de nouveau le Peter Parker de ses quatorze ans, sans super-pouvoir, insouciant et dont les seuls sources d'inquiétude étaient d'avoir de bonnes notes, de manger des cheerios et de rendre à May son amour — au centuple.

Bercé par la musique tapageuse qui semblait rebondir sur les murs, il sourit tout seul et rencontra le regard de MJ.

— Hey, MJ ! Tu n'as pas envie de manger des céréales ?

— Non.

Son amie semblait perplexe. Ses boucles brunes étaient remontées en chignon, mais quelques mèches rebelles retombaient sur son visage et ses épaules nues. Les lumières stroboscopiques du salon de Betty déposaient de touches de rose et de turquoises sur ses joues.

Engourdi par la tequila, Peter ne put s'empêcher de l'admirer en souriant bêtement.

— Est-ce que Stark sait que tu es là ? s'enquit MJ en fronçant les sourcils, avisant le gobelet rouge et blanc autour duquel ses doigts étaient noués.

— C'est lui qui m'a amené ici.

— Oh. Et il sait de quel genre de soirée il s'agit ?

Peter haussa les épaules.

— Il se doute qu'on ne boit pas que de la grenadine. On a eu une conversation dans la voiture. Je lui ai promis de faire attention.

— Et boire cinq shots de tequila entre dans ta définition de « faire attention » ?

— Depuis quand est-ce que tu es du côté du Tony ?

MJ fit la moue :

— Détrompe-toi, loser. Je suis de ton côté. C'est pour ça que je m'inquiète pour toi : je n'ai pas envie que Stark te tue.

— Si c'est le cas, j'espère que tu prononceras un discours émouvant à mon enterrement, soupira Peter très sérieusement.

Il était toujours difficile d'interpréter les émotions qui traversaient les iris mystérieux de MJ, mais Peter était à peu près sûr et certain que malgré son air réprobateur, une pointe de malice étincela au fond de son regard.

— Tu peux compter sur moi, Parker.

— Mais il n'y a aucune chance qu'il découvre quoi que ce soit. Ce qu'il se passe en soirée reste en soirée, non ?

MJ n'eut pas l'air convaincu.

— Cet homme a l'air de savoir exactement quand tu te grattes le nez, et tu crois qu'il ne saura pas ce qu'il s'est passé à quelques kilomètres de sa Tour ?

Comme pour appuyer ses paroles, le portable de Peter vibra contre sa poche et il n'eut aucune surprise en voyant le prénom de son tuteur s'afficher sur son écran. Sans le moindre scrupule, MJ déchiffra ses messages par dessus son épaule et émit une sorte de reniflement navré.

— Bonne chance, Peter, dit-elle en lui tapotant le bras presque gentiment — son coeur exécuta une curieuse embardée dans sa poitrine lorsqu'elle le toucha, mais il n'eut pas le temps d'y réfléchir : MJ avait déjà disparu dans la foule qui se massait autour d'eux, ne devenant plus qu'une silhouette parmi les silhouettes des autres fêtards.