La Malédiction d'Ipswich

Retour à la réalité

Je n'avais pas aussi bien dormi depuis longtemps. Je dirai même depuis des années. Pas de cauchemar, juste une nuit sereine. Ce matin, il fallait tout de même que je me prépare pour aller en cours. J'avais déjà séché ceux de la veille alors qu'on avait commencé les cours depuis seulement une semaine. J'avais sans doute battu un record. Je devais tout de même me reprendre. Mon but n'était pas de planter mon année.

J'enfilais un jeans avec un haut noir manche longue. En septembre, le vent matinal se faisait un peu frais dans le Massachusetts. Je n'étais pas le genre de fille qui passait quarante-cinq minutes devant le miroir pour faire un maquillage complet. J'allais simplement en cours. Une simple couche de mascara faisait amplement l'affaire. Une fois prête, je descendis dans la cuisine prendre un petit déjeuner. Un café avec une ou deux tartines. Je fut très vite rejoint par mon frère. Il avait une petite mine fermée. Il attrapa un bol et s'installa à côté de moi.

- James !? Brisais-je le silence.

Timidement, il leva son visage vers moi. Peut-être qu'il s'en voulait pour la veille. Mon rôle d'aînée était de le rassurer. Sans même le vouloir, il avait les mots justes.

- Merci ... Tu m'as ouvert les yeux. Tu as fait ce qu'il fallait.
- Tu es sûre ? Demanda-t-il. Je n'aurai pas dû le faire, ce n'était pas mon rôle.
- Au contraire, tu étais le seul que j'aurais écouté.

Je me suis levé et mis ma tasse dans le lave-vaisselle.

- Tu lui ressembles bien plus que tu le penses, lui soufflais-je comme un compliment.

Depuis quelque temps, je trouvais que mon frère avait évolué en positif. Il avait pris en maturité. Et j'étais fière de l'homme qu'il était en train de devenir.

Je me faufilais lentement vers ma voiture. En sortant de la maison, j'ai compris que j'étais suivi. Je me tourna et fit face à James qui arborait un doux sourire sur ses lèvres. Son air angélique n'est pas là pour rien, il avait quelque chose à demander. Je savais déjà de quoi il s'agissait.

- Tu veux que je te dépose au lycée, riais-je.
- Bien sûr, répondit mon frère en ajoutant un clin d'œil.

Je ne pu m'empêcher de lâcher un sourire avant de lui faire signe de se dépêcher. Je ne voulais vraiment pas être en retard.

Comme prévu, je déposais mon cadet à son lycée avant de prendre la route de la fac. J'appréhendais. Je ne savais pas comment prendre cette journée. Je me contentais de rouler dans les rues d'Ipswich.

Je pris une grande inspiration avant de me garer sur le grand parking. Pour le moment, j'avais fait le choix de raser les murs et d'éviter les autres enfants maudits. Enfin, principalement Toby. Je n'avais pas envie de me lancer dans des explications, pas envie non plus de lui parler de Ben. Je voulais prendre du recul sur tout ça. Peut-être même digérer le mal que j'avais pu causer. J'étais presque arrivé à mon amphithéâtre. Jusqu'à ce qu'une voix me stoppe. Une voix féminine, agaçante, je savais de qui elle émanait.

- Cassie ...

J'avais décidé de ne pas me retourner et continuer mon chemin en l'ignorant totalement.

Je pense que Kate n'avait pas compris le message. Une main se posa sur mon épaule.

- Cassandra ... continuait Kate.

Avais-je bien entendu ? Elle venait de prononcer ce prénom ? Je pris une longue inspiration. Mon calme ne revenait pas. Pour qui elle se prenait, nous n'étions même pas amis. Mes yeux virent aux noirs. Alors que je m'apprêtais à me retourner. Je sentis deux mains se poser sur mes épaules et me conduire dans un couloir un peu plus vide.

- Qu'est ce que tu comptais faire ? Me demanda Toby quelque peu inquiet.
- Est ce que quelqu'un à vu mes yeux ? Répliquais-je inquiète.
- Ce n'est pas la question, Cassie. Est-ce que tu as un problème avec Kate ?
- C'est quoi cette question ? Demandais-je en fronçant les sourcils.
- Elle m'a dit que vous vous étiez accrochées la dernière fois et que tu avais été un peu loin.
- Quoi ? L'interrompit-je surprise.
- Elle a eu la gentillesse de partir à ta recherche et toi tu lui envois des piques. C'est pas en jouant à la garce que tu vas te faire des amis.

Ces mots sonnaient tellement faux dans sa bouche. Je savais qu'ils avaient été, préalablement, prononcés par Kate.

- Je n'ai pas besoin d'amis comme elle. Dis-je en grimaçant de dégoût.
- Tu es jalouse ? Demanda Toby.
- Va te faire foutre, lâchais-je en laissant mon ami sur place.

C'était le pompon. Qu'est ce qu'elle avait bien pu lui mettre dans la tête ? Je préférerais simplement écourter cette conversation avant d'aller trop loin dans mes propos. Toby restait tout de même mon ami. Je m'installais au quatrième rang dans l'amphithéâtre. Mon cours d'histoire de l'art allait enfin commencer. J'adorerais l'art en général. Il y a quelques années, je passais mon temps à dessiner, à peindre. C'était mon échappatoire. Seulement, tout s'est arrêté lorsque ma magie est arrivée à mes seize ans. Je ne ressentais plus le monde de la même façon. Mes toiles restaient blanches. Mes coups de crayon n'avaient plus aucun sens. Intimement, j'avais espoir que mon cursus sur l'art réveillerait mon instinct d'artiste. Et bien, j'étais en seconde année et je n'arrivais toujours pas à reproduire une esquisse. Au moins, j'avais essayé.

Une fois mon cours terminé, je me rendis à la cafétéria pour me restaurer avant mon cours de l'après-midi sur les peintres de la Renaissance italienne. Je pris une assiette de plat principal et un fruit. Je n'avais jamais très faim pour le déjeuner. Je m'installa sur la première table vide. Je commençais doucement à manger mon plat en ayant les yeux rivés sur l'écran de mon téléphone avec mes écouteurs vissés sur mes oreilles. Un homme venu me sortir de mon monde en posant son plateau en face de moi. Je levais alors les yeux dans sa direction en retirant mes écouteurs.

- Cassie, ça te dérange que je m'installe ici ? A vrai dire, tu es le seul visage que je connaisse.

- Non, Aaron, installe toi. Répondais-je avec un large sourire.

- Je voulais m'excuser pour la dernière fois.

- De quoi ?

- Pour le baiser, chuchota-t-il gêné. Je ne voulais pas générer de malaise.

- C'est déjà oublié.

- Qu'est ce que tu penses si on profitait de cette après midi ensoleillé pour aller marcher un peu ensemble ? Me demanda Aaron avec un large sourire.

- Je ne peux pas. J'ai encore un cours dans une quinzaine de minutes.

- Cassie ... la fac ce n'est plus de lycée. Tu n'as pas besoin de suivre tous les cours.

- Je ne veux pas échouer à mes partiels. Un autre jour peut-être !?

Je commençais à ranger toutes mes affaires. A vrai dire, je ne voulais pas être en retard à mon cours qui se situait à l'autre bout du campus. Je me suis donc mise à courir à travers le parc qui commençait à prendre les douces couleurs automnales. J'adore cette période de l'année où tout le paysage prenait une teinte orangé. C'était également la période de mon anniversaire. Je sais c'est très cliché pour une sorcière mais je suis venu au monde le soir d'halloween. Et cette année, halloween aura une signification particulière. Mon vingt-et-unième anniversaire, l'apogée de mes pouvoirs mais aussi le début de la fin. Désormais, je devrais faire attention avec mes pouvoirs. J'appréhendais ce moment.